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TF 6B_1201/2022 du 03 avril 2023

Droit pénal; lésions corporelles simples par négligence; violation des règles de l’art de construire; art 11, 12, 125 al. 1 et 229 CP; 328 CO; 82-83 LAA; OPA; OTConst

Lésions corporelles par négligence (art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP) – Rappel des principes (consid. 2.1.1).

Violation des règles de l’art de construire (art. 229 CP) – Rappel des principes (consid. 2.1.2). Les personnes chargées de la direction et de l’exécution d’un ouvrage sont responsables du respect des règles de l’art dans le domaine de la construction. Elles ne peuvent toutefois pas être tenues pour pénalement responsables de toutes les infractions aux règles sur un chantier ; il convient de déterminer au cas par cas l’étendue des tâches et donc du domaine de responsabilité des personnes concernées. Cela se détermine sur la base des dispositions légales, des accords contractuels ou des fonctions exercées ainsi que des circonstances concrètes. Les règles de protection des travailleurs sur le lieu de travail et de la prévention des accidents des art. 328 al. 2 CO et 82-83 LAA ainsi que celles de l’OPA sont pertinentes. En matière de construction, les règles de l’Ordonnance sur les travaux de construction (OTConst ; RS 832.311.141) sont déterminantes. La violation de ces normes constitue un indice de non-respect du devoir de diligence au sens de l’art. 12 al. 3 CP.

En l’espèce, un ouvrier a marché dans un trou dans le coffrage du plafond alors qu’il effectuait des travaux auxiliaires pour la construction d’un échafaudage ; il a chuté d’un étage. Le responsable de la sécurité a certes instruit les supérieurs compétents, en particulier le chef monteur d’échafaudages, sur les parties de l’immeuble dont l’accès était autorisé. Toutefois, selon la jurisprudence, il faut s’attendre à un comportement fautif de la part des travailleurs et en particulier des travailleurs auxiliaires pour lesquels on ne peut pas supposer une formation ou des connaissances techniques particulières. Par conséquent, le chef de la sécurité du chantier aurait dû faire sécuriser le lieu de l’accident contre les chutes, ce d’autant plus qu’il n’apparaît pas que cela n’aurait pas été possible ou seulement au prix d’efforts déraisonnables. Les ouvertures dans le sol, même provisoires, doivent être sécurisées, respectivement à tout le moins signalées par un ruban rouge et blanc. Le fait que la zone était délimitée visuellement par des fers d’armature s’avère insuffisant (consid. 2.3.1). Les éléments constitutifs de la lésion corporelle simple par négligence ainsi que de l’infraction de violation des règles de l’art de construire sont remplis (consid. 2.3.2).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4A_378/2022 du 30 mars 2023

Contrat de prêt; acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger; principe de disposition; action en libération de dette; enrichissement illégitime; art. 2 ss LFAIE; 62 ss CO; 83 LP; 58 CPC

Acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (art. 2 ss LFAIE) – Rappel des principes. Les actes juridiques relatifs à l’acquisition d’un immeuble sont nuls si l’acquéreur exécute l’acte juridique sans demander l’autorisation (art. 26 al. 2 let. a LFAIE). La nullité doit être observée d’office ; elle a pour conséquence que les prestations peuvent être réclamées dans un délai d’un an à partir du moment où le requérant a eu connaissance de son droit à la restitution (consid. 3.1).

Principe de disposition (art. 58 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.2 et 4.3). Action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) – Rappel des principes (consid. 4.3.1 et 4.3.2). L’objet du litige dans la procédure de libération de dette est limité dans la mesure où il doit y avoir une identité entre la créance invoquée par le créancier dans la procédure de poursuite et celle reconnue par le tribunal dans la procédure en libération de dette (consid. 4.3.2). Dans la procédure de poursuite, l’objet du litige est fixé par le commandement de payer ; le motif de la créance doit, avec le reste du contenu du commandement de payer, renseigner la personne poursuivie sur le motif de la poursuite (consid. 4.3.3). Toutefois, la seule indication du motif juridique dans la réquisition de poursuite ou le commandement de payer ne permet donc pas de conclure que la poursuite se limite à ce motif juridique. Cette indication ne sert en principe qu’à décrire de manière simplifiée les faits dont la créance est déduite. Par conséquent, même si le commandement de payer mentionne une prétention contractuelle, il n’exclut pas les prétentions qui peuvent être fondées sur le droit de l’enrichissement illégitime, le droit quasi contractuel ou le droit délictuel (consid. 4.3.4).

En l’espèce, le commandement de payer réclamait le remboursement d’un prêt, lequel était nul puisqu’il visait l’acquisition d’un immeuble en Suisse par une société détenue par une personne étrangère. Le Tribunal fédéral reconnaît que le droit au remboursement découlant du contrat de prêt et le droit à la restitution sur la base de l’art. 26 al. 4 let. b LFAIE proviennent du même état de fait à l’origine de l’octroi de la somme prêtée sur la base du contrat de prêt. Que cela se fasse sur la base d’un contrat de prêt valable ou sur la base du droit de l’enrichissement illégitime, ne joue aucun rôle pour l’identité de la créance. Par conséquent, le Tribunal précédent, qui applique le droit d’office (art. 57 CPC), pouvait rejeter l’action en libération de dette en reconnaissant l’existence de la créance en remboursement sur la base de l’art. 26 al. 4 LFAIE (consid. 4.3.6).

Enrichissement illégitime (art. 62 ss CO) – La restitution de prestations en espèces selon l’art. 26 al. 4 let. b LFAIE s’effectue selon les dispositions relatives à l’enrichissement illégitime, conformément aux art. 62 ss CO. En l’espèce, le contrat de prêt était nul et donc inefficace dès le début (ex tunc). La constatation de la nullité ne nécessitait pas de constatation judiciaire séparée, mais intervenait de plein droit. En conséquence, comme l’a reconnu à juste titre l’instance précédente, il existait déjà une créance en restitution échue au sens de l’art. 26 al. 4 let. b LFAIE, dès le versement du montant du prêt à la recourante. Les intérêts moratoires courent dès la notification du commandement de payer (consid. 5.1.2). Faute de remboursement en nature et de bonne foi de l’enrichi, qui connaissait la nullité du contrat de prêt, les art. 64 et 65 CO ne sont pas applicables en l’espèce (consid. 5.1.3).

Droit d’être entendu – Une partie ne saurait se prévaloir d’une violation du droit d’être entendu et plus singulièrement d’une application surprise d’une règle de droit, lorsque le Tribunal a appliqué la règle de remboursement de l’art. 26 al. 2 let. b LFAIE et que la partie adverse avait invoqué la nullité du contrat de prêt sur la base de de l’art. 26 al. 2 let. a LFAIE, la première étant une conséquence de la seconde (consid. 7.3).

Contrat de prêt

Contrat de prêt

Propriété/Possession

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LP

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Procédure

Procédure

TF 1C_118/2023 du 30 mars 2023

Garantie de la propriété; accès aux parcelles privées par les autorités communales; art. 26 et 36 Cst.

Restriction aux droits fondamentaux (art. 36 Cst.) – Rappel du principe (consid. 3.2).

La décision prévoyant la visite d’agents communaux sur des parcelles privées en vue d’un contrôle des raccordements privés au collecteur communal (égoût/puits) est une restriction de la garantie de la propriété admissible. Cette démarche faisait suite au signalement par un agent de la police municipale de la présence de mauvaises odeurs, provenant vraisemblablement des réseaux d’égoûts. La visite reposait sur une disposition du règlement communal, était justifiée par un intérêt public à vérifier la fonctionnalité d’un ouvrage touchant également d’autres citoyens et était proportionnelle, puisqu’il n’avait aucun impact défavorable sur les parcelles concernées ou leurs propriétaires (consid. 3.3 - 3.6).

Propriété/Possession

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TF 5A_647/2022 du 27 mars 2023

Propriété par étages; droit d’être entendu; art. 5 et 29 Cst.; 52, 53 CPC et 2 CC

Droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst. et art. 53 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3.1). Principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst. ; art. 2 CC et art. 52 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3.2). Le droit pour les parties de s’exprimer sur les éléments pertinents porte avant tout sur les questions de fait, alors qu’il n’est reconnu que de manière restreinte pour les questions juridiques, sous réserve des cas dans lesquels l’autorité concernée envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s’est prévalue et ne pouvait raisonnablement supputer la pertinence (consid. 3.3.1).

En l’espèce, la juge de première instance a limité la procédure à la question incidente des pouvoirs de représentation de l’administrateur de la PPE, en citant les parties à comparaître pour une audience portant sur cette question ; elle a ensuite statué en déclarant la requête irrecevable faute de qualité pour agir de l’administrateur, dans une décision écrite. Pour le Tribunal fédéral, le droit d’être entendu de l’administrateur n’a pas été violé, puisque la partie adverse avait demandé à plusieurs reprises que la procédure soit limitée à la recevabilité et notamment à la question de la qualité pour agir de l’administrateur. En effet, le principe de la bonne foi lui imposait de réagir en répondant aux arguments de la partie adverse et en sollicitant l’administration des moyens de preuve qu’il jugeait utiles ; à tout le moins devait-il interpeller la juge sur la limitation de la procédure et la possibilité d’exercer ultérieurement ses droits procéduraux quant à la question de la qualité pour agir, ce qu’il ne prétend pas avoir fait (consid. 3.4.1).

Procédure

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PPE

PPE

TF 6B_47/2021 du 22 mars 2023

Droit pénal; homicide par négligence; art 12 et 117 CP; 328 CO; 82 LAA

Homicide par négligence (art. 12 al. 3 et 117 CP) –Rappel théorique sur l’infraction (consid. 3.3.1). Violation d’un devoir de prudence / diligence à observer (consid. 3.3.2 et 3.3.3).

Commission par omission – Rappel des principes (consid. 3.3.4). Selon le principe de subsidiarité, pour délimiter l’action de l’omission, il convient toujours d’examiner en premier lieu s’il existe un acte actif, constitutif d’une infraction, illicite et fautif. Seuls les actes qui ont provoqué ou augmenté le risque qui s’est transformé en résultat constitutif de l’infraction doivent être pris en compte et non pas les actes qui n’ont simplement pas empêché ce risque. Le manque de diligence est un élément constitutif de la négligence et non une omission. Par conséquent, si une entreprise dangereuse est réalisée sans mesures de sécurité suffisantes, il s’agit en règle générale d’un délit de commission. Le point de rattachement déterminant n’est pas l’omission de mesures de sécurité, mais l’acte consistant à réaliser l’action dangereuse (consid. 4.3).

Position de garant de l’employeur (art. 328 CO et 82 LAA) – Rappel des principes (consid. 5.1).

Un peintre chargé de travaux de peinture sur une benne à ordure d’une boulangerie trouve la mort, lorsque le couvercle de la benne se referme brutalement et l’atteint à la tête. Le responsable de la sécurité de la boulangerie, en charge de la coordination des travaux, a une position de garant vis-à-vis des artisans et entrepreneurs qui interviennent sur la benne à ordure de la boulangerie et ce, même si le lien de subordination fait défaut. Il incombe certes en premier lieu à l’employeur du peintre de lui fournir les instructions nécessaires. En l’espèce, l’employeur semble avoir fourni des instructions suffisantes, étant précisé qu’il ne pouvait pas imaginer que la benne serait ouverte, les travaux de peinture de l’extérieur devant être effectués alors qu’elle est fermée. En tout état de cause, la position de garant de l’employeur n’exclut pas celle du responsable de la sécurité de la boulangerie. En autorisant l’ouverture manuelle de la benne à ses collaborateurs et au peintre sans les instruire des dangers, de la méthode à suivre et de leurs connaissances en la matière, le responsable de la sécurité de la boulangerie a assumé et étendu sa responsabilité de garant. Il a manqué à son devoir de diligence en ne s’assurant pas que le mode d’emploi serait respecté, alors qu’il connaissait les dangers. Par conséquent, le Tribunal fédéral annule la décision d’acquittement rendue par l’instance précédente et lui renvoie la cause pour étudier les autres éléments constitutifs de l’homicide par négligence, lesquels n’avaient pas encore été examinés (consid. 5.3 et 5.4).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4A_48/2023 du 22 mars 2023

Contrat de prêt; interprétation du contrat; art. 18 CO

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 5.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral admet qu’il n’est pas arbitraire de retenir que l’intention réelle des parties était de signer un contrat concernant des montants qui avaient été avancés avant la signature du contrat. En effet, la convention de prêt reflétait la volonté réelle et concordante des parties, puisque l’emprunteuse y reconnaissait devoir la somme de CHF 200'000.- au prêteur et s’engageait à la lui rembourser au plus tard à la remise des clés de sa villa. En outre, la convention ne contenait aucune clause stipulant que la somme prêtée devait être versée en mains de la notaire ou sur un quelconque compte bancaire en faveur de l’emprunteuse, ce qui tendait à confirmer que la somme avait déjà été mise à disposition de l’emprunteuse sous forme d’avances. Le contexte conduit à la même conclusion : la cause de cette obligation était de permettre au prêteur/promoteur de couvrir les frais annexes de la promotion immobilière (honoraires d’architectes, commission de courtage, frais de mise en valeur, etc.) qu’il avait accepté d’assumer dans un premier temps, pour le compte de l’emprunteuse, dans le but de construire sa villa. La notaire avait également confirmé cette interprétation (consid. 5.2 et 5.3).

Contrat de prêt

Contrat de prêt

TF 2C_296/2022 du 22 mars 2023

Marchés publics; question juridique de principe; modification de l’offre; art. 83 LTF; AIMP

Question juridique de principe (art. 83 let. f LTF) – Rappel des principes (consid. 1.3).

Le Tribunal fédéral déclare les recours irrecevables en niant l’existence d’une question juridique de principe au sens de l’art. 83 let. f LTF. Il rappelle certains principes du droit des marchés publics, appliqués en l’espèce.

Modifications de l’offre – Le principe est celui de l’inaltérabilité des offres après leur dépôt auprès de l’autorité adjudicatrice, les rectifications ne pouvant intervenir qu’en cas d’erreurs manifestes. L’existence d’une telle erreur manifeste ne doit toutefois pas être prise à la légère en raison du risque d’abus. Les erreurs de calcul et d’écriture ne sont manifestes que si, à partir d’un certain passage de texte mathématique ou linguistique, il est objectivement et indubitablement établi que le soumissionnaire n’a pas voulu exprimer ce qu’il a écrit, mais qu’il a voulu exprimer quelque chose d’autre. L’erreur n’est manifeste que si elle ressort déjà en tant que telle de l’offre elle-même, sans qu’une indication ou d’autres explications du soumissionnaire ne soient nécessaires, c’est-à-dire si l’erreur saute aux yeux à la lecture de l’offre (consid. 1.4.1). La volonté réelle d’un soumissionnaire peut résulter aussi bien de l’offre et des circonstances que de la demande d’explications au soumissionnaire. Lorsque l’erreur n’est pas manifeste ou que la volonté réelle ne peut pas être déterminée objectivement, l’offre doit être interprétée de bonne foi. En principe, elle reste dans la procédure ; toutefois, le résultat de l’interprétation peut révéler que l’offre doit être exclue parce qu’elle ne répond pas à certaines exigences du droit des marchés publics ou que l’erreur a entraîné une lacune ou une ambiguïté importante (consid. 1.4.3).

Marchés publics

Marchés publics

Procédure

Procédure

TF 4A_452/2022 du 16 mars 2023

Contrat d’entreprise; déductions et prix forfaitaire; avis des défauts; compensation; art. 367 ss CO; 163 Norme SIA

Interprétation du contrat – Rappel des principes (consid. 4.4.1).

Déductions et prix forfaitaire – Il n’est pas arbitraire de retenir que le prix forfaitaire contenu dans un contrat d’entreprise constitue la somme forfaitaire effectivement due, compte tenu d’éventuelles déductions déjà effectuées, lorsque ces déductions étaient prévues dans la rubrique « Décompte » des Conditions générales de construction, dont le préambule contient au surplus la phrase suivante : « [s]ofern und soweit nicht Pauschalen vereinbart » (consid. 4.4.2).

Avis des défauts – Les défauts constatés mais non signalés sont considérés comme approuvés conformément à l’art. 163 de la norme SIA 118. La norme SIA 118 ne contient aucune disposition sur le contenu de la réclamation, raison pour laquelle l’art. 367 CO est applicable à cet égard (consid. 6.2). L’avis des défauts doit être étayé de manière appropriée, indiquer au moins les défauts, le cas échéant leur emplacement ainsi que leur ampleur et exprimer que le maître n’accepte pas l’ouvrage comme conforme au contrat et qu’il entend rendre l’entrepreneur responsable. Inversement, il n’est pas nécessaire que le commettant indique les causes du défaut (consid. 6.3).

En l’espèce, un avis des défauts qui ne précise pas clairement si c’est l’entrepreneur ou un autre artisan qui est tenu pour responsable n’est pas suffisant (consid. 6.4.1 et 6.4.2). De la même façon, il n’est pas suffisant de simplement qualifier une partie d’ouvrage de défectueuse ou devant être réparée (consid. 6.4.3).

Compensation – En l’espèce, les créances compensantes n’ont pas été alléguées et prouvées à suffisance (consid. 7).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Normes SIA

Normes SIA

TF 5A_822/2022 du 14 mars 2023

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; rectification des vices de forme; retrait d’une requête; droit de réplique inconditionnel; maxime des débats; charge de l’allégation et renvoi à une pièce; art. 837 et 961 CC; 55, 65, 132, 221 ss CPC

Rectification des vices de forme (art. 132 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3.1).

Retrait d’une requête (art. 65 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3.2). Celui qui retire une demande devant le tribunal compétent pour statuer ne peut plus intenter un deuxième procès contre la même partie sur le même objet du litige si le tribunal a déjà notifié la demande au défendeur et que celui-ci ne consent pas au retrait.

Droit de réplique inconditionnel – Dans l’exercice du droit de réplique, il ne s’agit en principe que de pouvoir prendre position sur des pièces versées au dossier de la procédure. Des compléments de contenu des faits ne sont admissibles, si tant est qu’ils le soient, qu’aux conditions du droit des nova (art. 229 et 317 CPC).

Les demandes d’annotation de l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs au sens de l’art. 961 al. 1 ch. 1 CC doivent être effectuées en procédure sommaire, dans laquelle un seul échange d’écritures a lieu, sous réserve d’une décision différente du juge et du droit de réplique inconditionnel. Il n’existe donc aucun droit pour les parties de s’exprimer deux fois sur l’affaire. En principe, la clôture du dossier intervient après une seule prise de position. Si le tribunal ordonne exceptionnellement un deuxième échange d’écritures, les nova sont admissibles sans restriction ; dans ce cas, la clôture du dossier n’intervient qu’avec le deuxième échange d’écritures (consid.  3.3.6.1). Pour la partie qui requiert l’annotation d’une inscription préventive d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs, la clôture du dossier intervient donc en principe au moment du dépôt de sa requête (consid. 3.3.6.2).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 837 CC) – Rappel des principes et délais (consid. 4.1). Maxime des débats (art. 55 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.3 et 4.4). Charge de l’allégation et renvoi à une pièce (art. 221 ss CPC) – Rappel des principes (consid. 6.3.2.2).

Si un entrepreneur demande, après la fin des travaux, l’annotation d’une inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, il lui incombe de prouver les faits qui constituent la base juridique de la créance donnant droit au gage, à savoir en particulier la conclusion du contrat et les travaux effectués. Ces faits sont ceux qui déterminent l’étendue de la créance et dont résulte la propriété de la créance gagée. Il doit démontrer que les travaux de construction, de par leur nature, donnent droit à l’hypothèque et prouver la date d’achèvement des travaux. Il est en outre tenu de prouver le terrain en faveur duquel les travaux de construction ont été effectués ainsi que la propriété du défendeur sur le terrain. En procédure sommaire, il ne suffit pas de mentionner dans la requête les faits pertinents dans leurs grandes lignes, pour attendre de voir quels faits allégués sont contestés par la partie adverse. Au contraire, la partie requérante doit, dans l’attente des contestations de la partie adverse, étayer suffisamment son exposé des faits dès sa première requête (consid. 4.4).

En l’espèce, l’entrepreneur qui ne précise pas jusqu’à quelle date ont été effectués des travaux couverts par les contrats d’entreprise ne satisfait pas les exigences en matière d’allégation. S’il se fonde sur un rapport de régie portant sur des travaux supplémentaires, il lui incombe d’alléguer que les travaux seraient liés entre eux de telle sorte qu’ils formeraient un tout, raison pour laquelle les « travaux supplémentaires » seraient déclencheurs du délai (consid. 5.3). Les rapports de régie n’ont pas été élevés au rang d’allégation de faits, faute d’avoir expliqué les informations pertinentes qu’ils contenaient (consid. 6.3).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Procédure

Procédure

TF 4A_483/2022 du 08 mars 2023

Contrat de vente; confidentialité de la procédure de conciliation; art. 205 CPC

Confidentialité de la procédure de conciliation – Selon l’art. 205 al. 1 CPC, les dépositions des parties ne doivent ni figurer au procès-verbal de conciliation ni être prises en compte par la suite, durant la procédure au fond (consid. 3.1). Le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de savoir si un allégué d’une requête de conciliation peut être pris en compte pour déterminer si un accord est intervenu entre les parties sur le mazout laissé au moment de la vente par le vendeur et différents travaux de réparation et nettoyage. En effet, il est d’ores et déjà possible de nier l’existence d’un tel accord sur la base de l’ensemble des éléments du dossier (consid. 3.2).

Procédure

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Contrat de vente

Contrat de vente

TF 4A_260/2022 du 07 mars 2023

Poursuites pour dettes et faillites; action en répétition de l’indu; gage immobilier; motivation du recours; art. 86 LP; 818 CC; 42 LTF

Action en répétition de l’indu (art. 86 LP) – Rappel des principes (consid. 1.1).

Motivation du recours (art. 42 LTF) – Rappel des principes. Les conclusions doivent non seulement être chiffrées, mais au surplus elles doivent être justifiées dans la motivation du recours. Il est indispensable qu’à la lecture du mémoire du recourant, le Tribunal fédéral comprenne clairement ce que veut celui-ci et que, s’il admet le recours, il soit en mesure de statuer et de lui allouer les conclusions qu’il a formulées, voire un montant inférieur (consid. 1.2).

En l’espèce, les recourants ont pris des conclusions chiffrées et ont attaqué les intérêts moratoires en matière de gage immobilier, au sens de l’art. 818 al. 1 ch. 2 CC, le taux contractuel de 12% ayant été retenu par l’Office des poursuites au lieu du taux légal de 5%. Ils n’ont toutefois aucunement expliqué comment ils étaient parvenus au montant réclamé, étant précisé que le montant qui aurait été dû au taux de 5% ne correspond pas à leurs conclusions. Partant, le recours est déclaré irrecevable, faute de motivation suffisante (consid. 1.3).

Procédure

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LP

LP

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 1C_254/2021 du 02 mars 2023

Expropriation; indemnité d’expropriation; art. 26 al. 2 Cst.

Indemnité d’expropriation – Rappel du principe. Conformément à l’art. 26 al. 2 Cst., l’expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière (consid. 3.1).

Terrains menacés de dangers naturels – Une jurisprudence de longue date part du principe que les terrains menacés par des dangers naturels ne peuvent a priori pas avoir le caractère de terrain à bâtir du point de vue du droit de l’expropriation. Il en est ainsi même si le terrain est déjà construit et que l’utilisation existante doit être interdite en raison de la survenance de dangers. De même, la jurisprudence antérieure nie tout droit découlant d’une expropriation matérielle lorsque le terrain menacé par des dangers naturels n’est pas formellement exproprié, mais soumis à une interdiction d’utilisation. Cette jurisprudence a toutefois été nuancée dans un arrêt récent, dans lequel il a été reconnu qu’il faut le cas échéant tenir compte de la circonstance que l’expropriation sert à la réalisation d’un ouvrage qui vise à protéger d’autres terrains et des infrastructures publiques. Lorsque c’est le cas et qu’un autre terrain aurait pu être exproprié à la place du terrain concerné, la perte de l’utilité de la construction n’est finalement pas uniquement due au danger naturel, mais également à l’ouvrage. Il se justifierait donc d’indemniser l’expropriation d’une telle parcelle au prix du terrain à bâtir (consid. 3.2).

En l’espèce, les parcelles expropriées, situées en zone à bâtir mais non équipées, n’étaient pas constructibles, en raison du risque persistant de chutes de pierres et de blocs, aggravé par la problématique du permafrost. La mesure d’expropriation a touché de la même manière tous les propriétaires de biens immobiliers situés dans la zone menacée par les éboulements. C’est donc à raison que l’indemnité d’expropriation n’a pas été calculée selon la valeur vénale en zone à bâtir, mais selon sa valeur après évaluation des dangers et a été fixée à 10 francs/m2 (consid. 3.4).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 5A_784/2021, 5A_793/2021, 5A_794/2021 du 27 février 2023

Copropriété; suppression d’une copropriété; vente aux enchères publiques; art. 650 ss CC; 229 ss CO; ORFI

Suppression d’une copropriété (art. 650 ss CC ; art. 229 ss CO) – Chaque copropriétaire a le droit de demander la suppression de la copropriété (sous réserve des motifs d’exclusion mentionnés dans la loi). Si les copropriétaires ne parviennent pas à s’entendre sur le mode de dissolution, le juge ordonne le partage corporel de la chose ou, si cela n’est pas possible sans diminution notable de sa valeur, sa vente aux enchères publiques ou entre copropriétaires. Le tribunal doit décider en fonction des circonstances concrètes du cas d’espèce. Les contrats de vente conclus par voie d’enchères sont régis par les art. 229 à 236 CO : l’objet est en premier lieu les ventes aux enchères publiques volontaires (art. 229 al. 2 CO) ainsi que les ventes forcées (art. 229 al. 1 CO), qui sont toutefois exclusivement soumises à la LP.

Règles applicables à la vente aux enchères publiques au sens de l’art. 651 al. 2 CC – Le point litigieux est de savoir si les règles fixées par le tribunal de partage pour la vente aux enchères publiques, y compris l’estimation du bien par un expert désigné par le Tribunal, sont contraignantes ou si la vente aux enchères publiques est régie par la vente forcée d’immeubles selon la LP, qui règle le droit de procéder à une nouvelle estimation (art. 9 al. 2, art. 99 al. 2 ORFI).

Le Tribunal fédéral constate qu’il n’a jamais eu à trancher la question (consid. 3.4.1) et que les pratiques cantonales considèrent comme déterminantes les conditions d’enchères fixées par le tribunal de partage, ainsi que les art. 229 ss CO, en lien avec les dispositions de droit cantonal relatives à la vente aux enchères publiques (consid. 3.4.2). La doctrine indique également que la vente aux enchères publiques au sens de l’art. 651 al. 2 CC n’est pas considérée comme une vente forcée au sens de la LP ou de l’ORFI et qu’il revient plutôt au tribunal du partage de fixer les conditions de la vente aux enchères, dans la mesure où les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les détails, en tenant compte des ordonnances cantonales sur la vente aux enchères. Sont considérées comme des « ventes volontaires » non seulement les aliénations fondées sur la libre volonté, mais aussi les ventes aux enchères prévues par la loi dans de nombreuses dispositions, comme l’art. 651 al. 2 CC (consid. 3.4.3). Le Tribunal fédéral est d’avis que même si le caractère « volontaire » de la vente devait être nié, cela ne conduirait pas à l’application des règles de la LP et de l’ORFI, mais uniquement à l’application des règles cantonales, la participation d’un office dans le processus n’étant pas déterminante (consid. 3.5.2). Par conséquent, les modalités du partage ordonnées par le tribunal du partage sont contraignantes et notamment la désignation d’un expert déterminé pour l’estimation du bien ; l’office des poursuites n’a pas à procéder à une nouvelle estimation au sens de l’art. 9 al. 2 ORFI, sous réserve d’un accord contraire des parties (consid. 3.5.5).

Analyse de Pierre Rüttimann

Suppression d'une copropriété ; vente aux enchères publiques

Copropriété

Copropriété

LP

LP

Contrat de vente

Contrat de vente

Publication prévue

Publication prévue

TF 5A_826/2022 du 24 février 2023

Action possessoire; mesures provisionnelles; art. 927 CC; 98 LTF

Mesures provisionnelles : pouvoir d’examen du TF (art. 98 LTF) – Rappel des principes (consid. 2.1).

Mesures provisionnelles sur action possessoire – La possibilité de requérir des mesures provisionnelles dans le cadre de l’action possessoire n’a pas encore été tranchée par le Tribunal fédéral, qui laisse la question ouverte faute de grief formulé à cet égard (consid. 3.1). En tous les cas, cette mesure est soumise aux conditions des art. 261 ss CPC (consid. 3.1.2).

Réintégrande (art. 927 CC) – La réintégrande est une action possessoire, qui a pour fonction d’empêcher que la possession ne soit usurpée et tend ainsi à protéger la paix publique. Elle a pour objet la défense de la possession comme telle et vise à rétablir rapidement l’état antérieur. Elle ne conduit pas à un jugement sur la conformité au droit de cet état de fait. Elle n’assure au demandeur qu’une protection provisoire. Le juge ne doit examiner la question du droit à la possession de la chose que lorsqu’il est saisi de l’action pétitoire. Le demandeur à l’action réintégrande doit prouver la réalisation de deux conditions : premièrement, qu’il avait la possession de la chose et, deuxièmement, qu’il en a perdu la possession à la suite d’un acte d’usurpation illicite (consid. 3.1.1).

En l’espèce, le Tribunal relève que tant les parties que les instances précédentes se sont focalisées sur le droit de posséder le couloir litigieux, lequel dessert un appartement. Or c’est bien la question de savoir d’une part si la partie demanderesse à l’action en avait l’usage antérieurement et, d’autre part, si l’entrave à cet accès constitue une usurpation illicite, qui est pertinente. La Haute Cour y répond positivement et confirme la décision précédente au motif que la partie qui a entravé cet accès n’avait pas de droit préférable (consid. 3.4).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Procédure

Procédure

TF 5A_677/2022 du 20 février 2023

Revendication; contrat de vente; résiliation du contrat; gestion d’affaire sans mandat; frais judiciaires et dépens; art. 60, 109 al. 2, 419 ss CO; 106 CPC

Dommage résultant de la résiliation du contrat (art. 109 al. 2 CO) – Conformément à l’art. 109 al. 2 CO, celui qui résilie le contrat a droit à la réparation du dommage résultant de la non-exécution du contrat, à moins que le débiteur ne prouve qu’aucune faute ne lui est imputable. La réparation de l’intérêt négatif au contrat est due. Pour déterminer le dommage, il faut comparer l’état réel du patrimoine avec l’état du patrimoine qui existerait si le contrat n’avait pas été conclu (consid. 3.1).

Gestion d’affaire sans mandat (art. 419 ss CO) – Celui qui encaisse un loyer au lieu du propriétaire légitime doit restitution aux conditions de la gestion d’affaires sans mandat (consid. 4.1). Le fait que l’unité d’habitation n’ait pas été spécifiée est dénué d’importance (consid. 4.2). Il n’est pas possible de considérer, selon l’expérience générale de la vie, qu’une rémunération de CHF 4'500.- pour trois mois de pension et de logement couvre uniquement les frais et ne permet pas de réaliser le moindre bénéfice (consid. 4.3). Les prétentions du maître découlant de la gestion d’affaires sans mandat se prescrivent, du fait de leur nature délictuelle, conformément à l'art. 60 al. 1 CO (consid. 4.4.1). Il incombe au gérant d’alléguer et de prouver les faits qui permettent de constater le début du délai de prescription qu’il invoque, ce qu’il n’a pas fait en l’espèce (consid. 4.4.4).

Répartition des frais judiciaires (art. 106 CPC) – Rappel des principes (consid. 5.1).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

Contrat de vente

Contrat de vente

Procédure

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TF 5D_119/2022, 5D_120/2022 du 20 février 2023

Servitude; interprétation d’une servitude; exercice d’une servitude; art. 737 al. 3, 738, 942 et 948 CC

Interprétation d’une servitude (art. 738 en lien avec 942, 948 CC) – Rappel des principes. En l’espèce, l’inscription au registre foncier ne permettant pas de déterminer de manière définitive sur quelle surface les propriétaires du fond dominant ont un droit d’utilisation sur le terrain grevé, c’est à bon droit que l’instance précédente s’est fondée sur la demande de parcellisation à l’origine de la servitude et sur le plan réalisé à cet occasion (consid. 3.3).

Exercice de la servitude – Selon l’art. 737 al. 3 CC, le propriétaire d’une parcelle grevée d’une servitude ne peut rien faire qui empêche ou rende plus difficile l’exercice de la servitude. A l’inverse, le bénéficiaire de la servitude peut exiger du grevé qu’il enlève les dispositifs qui l’empêchent d’exercer celle-ci ou qui rendent son exercice plus difficile. Ainsi, demander à la propriétaire grevée d’enlever une barrière en bois qui n’est certes pas fermée, mais pourrait l’être afin de garantir l’exercice de la servitude n’est pas arbitraire (consid. 4.3).

Servitude

Servitude

TF 2C_255/2022 du 17 février 2023

Expropriation; indemnité d’expropriation; art. 26 al. 2 Cst. ; 16 ss LEx

Indemnité d’expropriation – Selon l’art. 16 LEx et conformément à l’art. 26 al. 2 Cst., l’expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière. Selon l’art. 19 LEx, doivent être pris en considération, pour la fixation de l'indemnité, tous les préjudices subis par l’exproprié du chef de la suppression ou de la diminution de ses droits. En conséquence, l’indemnité comprend : (a) la pleine valeur vénale du droit exproprié ; (b) en cas d’expropriation partielle d’un immeuble ou de plusieurs immeubles dépendant économiquement les uns des autres, le montant dont est réduite la valeur vénale de la partie restante ; (c) le montant de tous autres préjudices subis par l’exproprié, en tant qu’ils peuvent être prévus, selon le cours normal des choses, comme une conséquence de l’expropriation. Selon l’art. 20 LEx, l’estimation de la valeur vénale doit tenir compte dans une juste mesure de la possibilité de mieux utiliser l’immeuble (consid. 3.2).

En l’espèce, la méthode pour évaluer la valeur d’un terrain placé en zone ferroviaire à partir de l’état locatif, en tenant compte du rendement généré par la parcelle, laquelle était exploitée comme parking jusqu’à l’expropriation, n’est pas critiquable, même si le parking n’avait été autorisé qu’à titre précaire, compte tenu de son emplacement sur le tracé ferroviaire (consid. 3.3). Le Tribunal fédéral retient également qu’une moins-value moyenne de 15%, soit 20% pour une impossibilité de construire en sous-sol et 15% pour une limitation de construire à un étage, ne viole pas le droit fédéral (consid. 4.2).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 1C_662/2021 du 17 février 2023

Expropriation; indemnité d’expropriation; art. 26 al. 2 Cst.; 16 ss LEx

Indemnité d’expropriation – Selon l’art. 16 LEx et conformément à l’art. 26 al. 2 Cst., l’expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière. Selon l’art. 19 LEx, doivent être pris en considération, pour la fixation de l'indemnité, tous les préjudices subis par l’exproprié du chef de la suppression ou de la diminution de ses droits. En conséquence, l’indemnité comprend : (a) la pleine valeur vénale du droit exproprié ; (b) en cas d’expropriation partielle d’un immeuble ou de plusieurs immeubles dépendant économiquement les uns des autres, le montant dont est réduite la valeur vénale de la partie restante ; (c) le montant de tous autres préjudices subis par l’exproprié, en tant qu’ils peuvent être considérés, selon le cours normal des choses, comme une conséquence de l’expropriation. Selon l’art. 20 LEx, l’estimation de la valeur vénale doit tenir compte dans une juste mesure de la possibilité de mieux utiliser l’immeuble (consid. 3.2).

En l’espèce, la méthode pour évaluer la valeur d’un terrain placé en zone ferroviaire à partir de l’état locatif, en tenant compte du rendement généré par la parcelle, laquelle était exploitée comme parking jusqu’à l’expropriation, n’est pas critiquable, même si le parking n’avait été autorisé qu’à titre précaire, compte tenu de son emplacement sur le tracé ferroviaire (consid. 3.3). Le Tribunal fédéral retient également qu’une moins-value moyenne de 15%, soit 20% pour une impossibilité de construire en sous-sol et 15% pour une limitation de construire à un étage, ne viole pas le droit fédéral (consid. 4.2).

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 5A_355/2021 du 16 février 2023

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; délai pour déposer la requête en inscription définitive; art. 839 al. 2, 961 CC; 76 ORF; 263 CPC

Délai d’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 839 al. 2 CC, 961 al. 1 ch. 1 CC et 76 al. 3 ORF) – Rappel des principes (consid. 2).

Délai pour déposer la demande en inscription définitive – La durée de l’inscription provisoire peut être déterminée de deux manières : le juge peut soit fixer une durée de validité déterminée, soit accorder à l’artisan/entrepreneur un délai pour intenter une action en inscription définitive, faisant ainsi durer la validité de l’inscription provisoire jusqu’à la décision finale (consid. 2). En l’espèce, le Tribunal fédéral renonce à se prononcer sur la question de savoir si un tel délai commence à courir dès notification du jugement d’appel ou, comme le prétend l’entrepreneur, à l’échéance du délai de recours auprès du Tribunal fédéral, délai qui aurait en l’espèce encore été suspendu à la suite d’une demande de prolongation. En effet, la Haute Cour constate que la demande a dans tous les cas été déposée bien après ces échéances et est donc tardive (consid. 3.3).

Avertissement du juge quant au dépôt tardif – La Haute Cour rappelle l’ATF 143 III 554 consid. 2.5.1, dans lequel il a confirmé que le délai pour intenter une action en validation d’une inscription provisoire d’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est un délai de déchéance de droit matériel, régi par l’art. 961 al. 3 CC et non par l’art. 263 CPC. L’art. 961 al. 3 CC n’impose pas que le juge indique dans sa décision les conséquences d’un éventuel non-respect du délai qu’il fixe. L’art. 263 CPC n’étant pas applicable, le Tribunal fédéral renonce à examiner quelle aurait été la sanction quant aux conséquences d’un dépôt tardif, en l’absence d’avertissement du juge (consid. 4).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Procédure

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TF 2C_255/2022 du 07 février 2023

Droit foncier rural; champ d’application de la LDFR; zone de gravière; art. 2 LDFR; 15 et 18 LAT

Champs d’application territorial et matériel de la LDFR (art. 2 ss LDFR) – La LDFR s’applique aux immeubles agricoles isolés ou aux immeubles faisant partie d’une entreprise agricole et situés en dehors d’une zone à bâtir au sens de l’art. 15 LAT (consid. 4.1). Constitue un immeuble agricole, celui qui est approprié à un usage agricole ou horticole, à savoir celui qui, par sa situation et sa composition, peut être exploité sous cette forme (consid. 4.2). Les zones de l’art. 18 LAT destinées à répondre à des besoins spécifiques hors des zones à bâtir, telles que les zones d’extraction, sont en principe imposées par leur destination à l’emplacement prévu par le plan d’affectation. Elles sont clairement à l’extérieur des zones à bâtir de l’art. 15 LAT et, sous réserve de leur affectation spécifique, obéissent au régime de la zone non constructible. Une telle zone n’est considérée comme zone à bâtir au sens de l’art. 15 LAT que si la zone d’extraction doit ensuite être utilisée à des fins d’urbanisation (consid. 4.4.3).

En l’espèce, le plan d’extraction constitue un plan d’affectation spécial au sens de l’art. 18 LAT et la zone qu’il concerne ne peut pas être considérée comme une zone à bâtir au sens de l’art. 15 LAT, puisque les parcelles exploitées devront retourner à l’agriculture après remise en état des lieux (consid. 4.6). Par conséquent, l’entrée en vigueur du plan d’extraction et le changement d’affectation n’ont pas d’influence sur le respect des conditions de l’art. 2 al. 1 LDFR (consid. 4.8). C’est au contraire l’octroi d’une autorisation d’exploiter, voire le début de l’exploitation de la gravière qui entraînera la fin de l’assujettissement à la LDFR en raison d’une sortie du champ d’application matériel de cette loi, l’immeuble ne pouvant alors plus être considéré comme agricole (consid. 5). Pour le Tribunal fédéral, il serait choquant de considérer que l’entrée en vigueur d’un plan d’affectation pourrait automatiquement soustraire à la LDFR un terrain agricole, actuellement utile à l’agriculture et qui retournera à celle-ci une fois l’extraction terminée, alors que les travaux d’extraction ne seront possibles qu’une trentaine d’années plus tard (consid. 7).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

Publication prévue

Publication prévue

TF 2C_255/2022 du 07 février 2023

Droit foncier agricole; qualité pour recourir dans la LDFR; art. 83 al. 3 LDFR; 15 et 18 LAT

Qualité pour recourir concernant les décisions au sens des art. 61 ss LDFR – Aux termes de l’art. 83 al. 3 LDFR, les parties contractantes peuvent interjeter un recours devant l’autorité cantonale de recours (art. 88) contre le refus d’autorisation, alors que l’autorité cantonale de surveillance, le fermier et les titulaires du droit d’emption, du droit de préemption ou du droit à l’attribution, ont un droit de recours contre l’octroi de l’autorisation. En tant que lex specialis, cette disposition prime sur la disposition générale de légitimation de l’art. 89 al. 1 LTF. Une légitimation allant au-delà du texte de l’art. 83 al. 3 LDFR n’est admise que lorsqu’il existe un intérêt digne de protection, à la lumière des objectifs de la LDFR, au maintien de la propriété de l’immeuble concerné et que cet intérêt ne peut pas être invoqué par d’autres moyens (consid. 3.2).

En l’espèce, il n’est pas contesté que les recourants ne disposaient pas d’un droit d’emption ou de préemption et le Tribunal fédéral constate que c’est sans arbitraire que l’instance précédente a nié l’existence d’un bail (consid. 3.3 et 3.4). Finalement, la Haute Cour confirme que la qualité pour recourir n’est pas non plus fondée, au-delà du texte de l’art. 83 al. 3 LDFR, sur la qualité des recourants de parties à un contrat de vente. Si un contrat de vente avait bien été conclu entre la venderesse et l’un des recourants, cette première est décédée, sa succession a été répudiée et liquidée selon les règles de la faillite. Or l’administration de la faillite a décidé de ne pas exécuter ledit contrat, ensuite de quoi la Commune a fait usage de son droit de préemption. Contrairement à l’appel d’offres public selon l’art. 64 al. 1 let. f LDFR, la vente de gré à gré selon le droit des poursuites ne donne pas à chaque exploitant à titre personnel l’occasion de présenter une offre, mais uniquement à ceux qui sont créanciers de la masse, ce qui n’est pas le cas des recourants. C’est donc à juste titre que l’instance précédente leur a dénié la qualité pour recourir selon l’art. 83 al. 3 LDFR (consid. 4).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

Procédure

Procédure

TF 2C_130/2022 du 07 février 2023

Droit foncier agricole; qualité pour recourir dans la LDFR; art. 83 al. 3 LDFR; 15 et 18 LAT

Qualité pour recourir concernant les décisions au sens des art. 61 ss LDFR – Aux termes de l’art. 83 al. 3 LDFR, les parties contractantes peuvent interjeter un recours devant l’autorité cantonale de recours (art. 88) contre le refus d’autorisation, alors que l’autorité cantonale de surveillance, le fermier et les titulaires du droit d’emption, du droit de préemption ou du droit à l’attribution, ont un droit de recours contre l’octroi de l’autorisation. En tant que lex specialis, cette disposition prime sur la disposition générale de légitimation de l’art. 89 al. 1 LTF. Une légitimation allant au-delà du texte de l’art. 83 al. 3 LDFR n’est admise que lorsqu’il existe un intérêt digne de protection, à la lumière des objectifs de la LDFR, au maintien de la propriété de l’immeuble concerné et que cet intérêt ne peut pas être invoqué par d’autres moyens (consid. 3.2).

En l’espèce, il n’est pas contesté que les recourants ne disposaient pas d’un droit d’emption ou de préemption et le Tribunal fédéral constate que c’est sans arbitraire que l’instance précédente a nié l’existence d’un bail (consid. 3.3 et 3.4). Finalement, la Haute Cour confirme que la qualité pour recourir n’est pas non plus fondée, au-delà du texte de l’art. 83 al. 3 LDFR, sur la qualité des recourants de parties à un contrat de vente. Si un contrat de vente avait bien été conclu entre la venderesse et l’un des recourants, cette première est décédée, sa succession a été répudiée et liquidée selon les règles de la faillite. Or l’administration de la faillite a décidé de ne pas exécuter ledit contrat, ensuite de quoi la Commune a fait usage de son droit de préemption. Contrairement à l’appel d’offres public selon l’art. 64 al. 1 let. f LDFR, la vente de gré à gré selon le droit des poursuites ne donne pas à chaque exploitant à titre personnel l’occasion de présenter une offre, mais uniquement à ceux qui sont créanciers de la masse, ce qui n’est pas le cas des recourants. C’est donc à juste titre que l’instance précédente leur a dénié la qualité pour recourir selon l’art. 83 al. 3 LDFR (consid. 4).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

Procédure

Procédure

TF 5A_117/2022 du 06 février 2023

Poursuites pour dettes et faillites; contestation de l’état des charges; art. 140, 156 LP

Contestation de l’état des charges (art. 140 en lien avec l’art. 156 LP) – Rappel des principes (consid. 2). Dans le cadre d’une procédure de réalisation de gages immobiliers, la poursuivie conteste notamment le montant d’une créance comprenant des intérêts calculés selon les Conditions générales de la banque, intégrées dans les crédits immobiliers.

Intégration de conditions générales dans le contrat – Rappel des principes (consid. 3.2.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral retient sur le plan subjectif qu’une entreprise active et expérimentée dans le secteur de la construction a les connaissances suffisantes pour comprendre le contenu des Conditions générales signées, de sorte qu’elles ne sont pas insolites. Il renonce par conséquent à examiner, sous l’angle objectif, si les Conditions générales, en ne prévoyant notamment pas d’obligation de la banque de consolider les crédits immobiliers ou encore en prévoyant que la banque peut unilatéralement modifier le taux d’intérêt entre 5 et 10 %, étaient insolites (consid. 3.2.4.1).

LP

LP

TF 4A_603/2021 du 31 janvier 2023

Contrat mixte de vente et d’entreprise; expertise-arbitrage; garantie pour les défauts; vérification de l’ouvrage et notification des défauts; prescription; art. 367 ss CO; 189 CPC

Garantie pour les défauts (art. 367 ss CO) – Sauf convention contraire, en présence de contrats mixtes, combinant des éléments du contrat de vente et du contrat d’entreprise, la garantie des défauts est soumise aux règles du contrat d’entreprise (art. 368 ss CO), en tout cas pour les défauts affectant les parties communes (consid. 3.2).

Vérification de l’ouvrage et notification des défauts – Selon l’art. 367 CO, après la livraison de l’ouvrage, le maître d’ouvrage doit, dès que la marche ordinaire des affaires le permet, en vérifier l’état et signaler les défauts à l’entrepreneur. Si les défauts ne se révèlent que plus tard, l’avis doit être donné dès leur découverte, faute de quoi l’ouvrage est réputé approuvé nonobstant les défauts (art. 370 al. 3 CO). La loi crée une fiction de réception de l’ouvrage lorsque le maître d’ouvrage ne signale pas l’existence de défauts dès qu’il en a connaissance. L’entrepreneur est libéré de sa responsabilité pour les défauts signalés tardivement (art. 370 al. 1 CO). Les circonstances du cas concret, en particulier la nature des défauts, sont déterminantes pour apprécier si le maître a agi en temps utile. L’entrepreneur peut toutefois renoncer à se prévaloir de la tardiveté de l’avis de défaut. Cette renonciation peut être expresse ou tacite. C’est par exemple le cas lorsque l’entrepreneur, conscient de la tardiveté de l’avis, entreprend la réfection de l’ouvrage ou reconnaît son obligation de remédier au défaut. Les circonstances concrètes doivent permettre de déduire clairement une renonciation tacite : le fardeau de la preuve à cet égard incombe au maître de l’ouvrage (consid. 3.3).

En l’espèce, les parties ont signé une convention d’expertise-arbitrage au sens de l’art. 189 CPC, par laquelle ils ont notamment chargé l’arbitre de définir les modalités et les coûts de réfection de chaque défaut notifié. La convention prévoyait également que l’entrepreneur indemniserait les copropriétaires pour tous les défauts qui ne leur sont pas imputables dans un délai de trois mois à compter de la réception du rapport d’expertise. L’existence d’un avis de défaut valable était ainsi une condition préalable à l’accord et a été considérée comme acquise par les parties, subsidiairement l’entrepreneur a en tout état de cause renoncé à se prévaloir de la tardiveté des annonces en signant la convention (consid. 3.4-3.5).

Interruption de la prescription (art. 135 CO) – Rappel des principes (consid. 4.3).

En s’engageant dans une convention d’expertise-arbitrage à réparer les défauts qui seraient confirmés et quantifiés par l’expert, respectivement à indemniser les maîtres de l’ouvrage pour ces défauts, l’entrepreneur a signé une reconnaissance de dette entraînant l’interruption de la prescription (consid. 4.3).

Qualité pour agir dans la PPE – Selon une jurisprudence constante, chaque propriétaire d’étage peut sur la base de son propre contrat faire valoir les droits de la garantie pour les défauts pour les parties communes. La convention d’expertise-arbitrage ne prévoit pas de règle différente en l’espèce, de sorte que l’entrepreneur ne peut rien tirer du fait que les propriétaires d’étages signataires de la convention n’ont pas tous agi (consid. 5).

Cession des droits de garantie en cas de vente d’une demi-part de PPE au cours de litige – Selon la jurisprudence, le droit à la réduction du prix, en tant que droit formateur, est en principe incessible. Toutefois, une créance en restitution partielle du prix payé peut être cédée. Après la signature de la convention d’expertise-arbitrage, ce n’est plus le droit à la réduction du prix qui est cédé en cas de vente d’une demi-part de PPE mais la créance correspondante au remboursement d’une partie du prix, laquelle est cessible (consid. 6.2). Lorsque l’un des copropriétaires d’une part vend sa demi-part à l’autre copropriétaire, lequel devient alors seul propriétaire de la part d’étage, il incombe à celui qui conteste une cession valable d’apporter la preuve que la cession n’a pas été voulue, p.ex. en démontrant l’existence d’un litige sur cette question entre les parties au contrat de vente ou en démontrant que l’ancien copropriétaire qui a vendu sa demi-part continue de réclamer à l’entrepreneur une indemnité en lien avec les défauts. Comme tel n’est pas le cas en l’espèce, il faut retenir que le propriétaire (désormais) unique de la part d’étage en question est fondé à demander la réduction intégrale du prix relatif à sa part d’étage (consid. 6.3).

Contestation d’une expertise-arbitrage (art. 189 CPC) – L’expert-arbitre au sens de l’art. 189 CPC est en principe doté de connaissances spécialisées et est chargé par les parties de constater les faits juridiquement pertinents d’une manière qui les lie. S’agissant de ces faits, le juge saisi de la cause n’est donc pas tenu d’administrer d’autres preuves. Celui qui conteste une telle expertise doit démontrer une erreur manifeste et ne peut se borner à exiger le contrôle de son contenu librement. Les résultats d’une expertise-arbitrage doivent être immédiatement contestés, faute de quoi la contestation est contraire à la bonne foi et tardive. En outre, lorsqu’une partie n’a pas fait usage du droit, prévu dans la convention d’expertise-arbitrage, de demander à l’expert d’éventuelles précisions et compléments d’information, une erreur manifeste dans le rapport d’expertise au sens de l’art. 189 al. 3 CPC n’est pas vraisemblable (consid. 7).

Répartition de la moins-value – Une répartition de la moins-value proportionnelle aux parts de PPE n’est pas arbitraire, lorsque les défauts affectent les parties communes et donc le bâtiment dans son ensemble (consid. 9.2).

Analyse de Marcel Eggler

Le compromis d’expertise-arbitrage engage la partie qui le signe

Contrat de vente

Contrat de vente

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

PPE

PPE

Procédure

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TF 4A_403/2022 du 31 janvier 2023

Garanties; interprétation du contrat; délimitation entre le porte-fort et le cautionnement; art. 18, 111 et 492 ss CO

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 6.2 et 6.3).

Lorsque le maître d’ouvrage s’engage dans un accord écrit à payer la créance résultant d’un certain nombre de contrats signés par les entrepreneurs sans limitation (« zur Zahlung der Forderung aus Verträgen »), l’on ne peut retenir, dans le cadre d’une interprétation objective, qu’il ne s’engageait qu’au paiement de l’acompte, lequel était chiffré à CHF 100’000.-. C’est en particulier le cas lorsqu’il apparaît que le but du contrat était de garantir l’achèvement des travaux du côté du maître, en contrepartie d’une garantie pour l’entier des créances auprès d’un tiers dont la solvabilité est douteuse. En outre, la créance finale était estimée dans le contrat à CHF 204’723.20 (consid. 6.3 et 6.4).

Délimitation entre le porte-fort (art. 111 CO) et le cautionnement (art. 492 ss CO) – Présentation des deux contrats (consid. 7.1.1). Le critère de délimitation prépondérant entre les deux institutions est l’accessoriété. Alors que le porte-fort correspond à une garantie indépendante, le cautionnement est accessoire, ce qui signifie qu’il partage le sort de la dette principale, en ce sens que l’obligation accessoire dépend de la dette principale et la suit en tant que droit accessoire (consid. 7.1.2). L’intérêt du promettant dans l’opération est un indice important : en cas de cautionnement, il n’y a généralement pas d’intérêt propre de la caution dans l’opération à garantir. Il est typiquement conclu pour garantir un engagement de membres de la famille ou d’amis proches et c’est aussi la raison pour laquelle il a été soumis à des prescriptions de forme particulière (consid. 7.1.3).

En l’espèce, l’intérêt propre du maître d’ouvrage qui souhaitait terminer les travaux sur son bâtiment afin de pouvoir y ouvrir un hôtel est manifeste, ce qui plaide en faveur d’une qualification de porte-fort. Le fait que la convention ne contienne pas de renonciation expresse aux exceptions et objections ne change rien à cette qualification, car une telle renonciation n’est en rien constitutive du contrat de porte-fort (consid. 7.2 et 7.3). De plus, contrairement au cautionnement, il n’est pas nécessaire de prévoir un montant garanti maximal et déterminé dans le porte-fort (consid. 7.3.1). Enfin, la présomption jurisprudentielle en faveur du cautionnement ne trouve pas application en l’espèce, car elle s’applique aux personnes privées alors que le maître est une société active dans l’immobilier. Cette présomption ne peut en outre entrer en ligne de compte que si la qualification du contrat selon le principe de la confiance n’aboutit à aucun résultat, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence (consid. 7.3.2). Le fait que les parties ait décrit l’accord comme une reprise cumulative de dette n’a pas d’effet sur la qualification juridique d’un contrat que le tribunal examine librement (consid. 7.3.3).

Garanties

Garanties

TF 5A_425/2022 du 23 janvier 2023

Arbitrage interne; droit de superficie; art. 353 ss CPC

Recours contre sentence arbitrale (art. 389 ss CPC) – Le recours contre une sentence arbitrale est en principe de nature cassatoire, raison pour laquelle seuls l’annulation de la décision attaquée et le renvoi de l’affaire au tribunal arbitral entrent en ligne de compte en cas d’admission de celui-ci. Une exception est prévue dans la loi pour le cas où la sentence arbitrale est contestée en raison d’indemnités et de frais manifestement trop élevés (art. 395 al. 4 CPC). Dans ce cas, la partie recourante doit chiffrer les indemnités et les frais qu’elle estime appropriés (consid. 1.2).

Motifs limités d’un recours contre sentence arbitrale (art. 393 CPC) – Rappel des principes (consid. 2.1). Exigences de motivation en cas de griefs sur les frais et indemnités (art. 393 let. f CPC) – Rappel des principes (consid. 4.1).

En l’espèce, un droit de superficie prévoit la possibilité de bâtir une maison individuelle sur le fonds grevé ; il mentionne à plusieurs reprises une pluralité de bâtiments. Le propriétaire du droit a construit un pavillon en verre sur la parcelle. Le Tribunal fédéral retient qu’il n’est pas arbitraire de considérer que le contrat permet la construction de bâtiments annexes, dont le pavillon litigieux (consid. 3.3 et 3.4). Par ailleurs, le Tribunal arbitral a retenu sans arbitraire que le propriétaire du droit de superficie utilise le pavillon comme garage à vélos et motos, alors que la commune propriétaire du fonds prétend, photos à l’appui, que le pavillon a servi à une cérémonie funéraire (consid. 3.2).

En l’absence d’accord des parties sur les frais d’arbitrage (convention d’honoraires ou règlement d’arbitrage), le tribunal arbitral détermine les frais de procédure selon son appréciation. Celle-ci doit être exercée selon des critères objectivement compréhensibles. Parmi ces critères figure notamment la valeur litigieuse, car elle exprime l’intérêt des parties au litige et son importance. Il ne peut être question d’une obligation pour le tribunal arbitral, de se référer à un tarif étatique pour les frais (consid. 4.3).

Arbitrage interne

Arbitrage interne

Procédure

Procédure

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 2C_365/2022 du 19 janvier 2023

Marchés publics; droit d’être entendu (accès au dossier); offre anormalement basse; interprétation des documents d’appel d’offres; exclusion d’une offre; règles relatives à la formation des prix; art. 29 al. 2 Cst.; AIMP

Droit d’être entendu (accès au dossier) (art. 29 al. 2 Cst.) – Le droit de consulter le dossier qui découle du droit d’être entendu n’est pas absolu et peut être limité en raison d’intérêts publics ou privés prépondérants. Une telle restriction s’applique notamment aux marchés publics. Les documents remis doivent en effet être traités de manière confidentielle dans la mesure où des secrets d’affaires ou de fabrication sont concernés, lesquels ne peuvent être utilisés, transmis ou communiqués à des tiers sans l’accord du soumissionnaire ou sans base légale. Selon la jurisprudence, il n’existe pas de droit de regard sur les offres concurrentes, mais uniquement sur les renseignements de référence sur lesquels l’adjudicateur souhaite se fonder, ce qui vaut également en procédure de recours (consid. 4.2).

Offre anormalement basse et droit d’être entendu – Selon une jurisprudence bien établie, les offres ne couvrant pas les coûts ou les sous-enchères sont autorisées. Selon l’ancien droit thurgovien applicable au cas d’espèce, l’adjudicateur « peut », en cas d’offres anormalement basses, se renseigner auprès du soumissionnaire afin de s’assurer qu’il respecte les conditions de participation et remplit les conditions du marché. Selon la jurisprudence, ce droit se transforme en obligation lorsque l’adjudicateur a des doutes sur la capacité du soumissionnaire à fournir la prestation ou sur le sérieux de l’offre et qu’il envisage d’exclure ce soumissionnaire. Dans ces cas, le soumissionnaire doit être entendu avant une éventuelle exclusion, sinon il y a violation du droit d’être entendu. Si les renseignements révèlent effectivement des lacunes ou que les doutes ne peuvent pas être levés, l’offre est donc exclue ou moins bien notée ; elle ne l’est pas en raison du prix trop bas (consid. 5.3).

Interprétation des documents d’appel d’offres – Rappel des principes (consid. 6.1).

En l’espèce, l’interprétation objective des documents d’appel d’offres permet d’arriver à la conclusion que chaque sous-poste devait indiquer le prix par unité de mesure ou par pièce et donc un prix unitaire. Ce n’est qu’ainsi que le prix total par sous-position pouvait être calculé, lequel résultait de la multiplication de la quantité et du prix unitaire (consid. 6.2).

Exclusion d’une offre – Conformément à la jurisprudence, l’adjudicateur dispose d’un certain pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’exclusion des soumissionnaires. Le motif d’exclusion doit toutefois présenter une certaine gravité, faute de quoi l’autorité adjudicatrice agit de manière disproportionnée et exagérément formaliste. Les écarts par rapport aux directives de l’appel d’offres et le non-respect des prescriptions de forme du droit des marchés publics peuvent conduire à l’exclusion d’une offre. Si de tels défauts ont un caractère secondaire et qu’ils ne portent pas sérieusement atteinte au but poursuivi par les prescriptions de forme en question, ils ne doivent toutefois pas conduire à l’exclusion d’un soumissionnaire. L’instance de recours ne peut qu’examiner si l’autorité adjudicatrice a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation au sens précité, c’est-à-dire si elle a agi de manière arbitraire. En revanche, elle ne doit pas faire preuve de la même retenue dans l’examen des règles de procédure en matière de marchés publics (consid. 7.1).

Règles relatives à la formation des prix – Les règles relatives à la formation des prix, en particulier la condition d’indiquer des prix unitaires, constituent des règles formelles. Leur but est de donner un aperçu pertinent et complet du rapport qualité-prix des offres et de permettre leur comparaison. Le non-respect de telles prescriptions entraîne l’exclusion de la procédure d’adjudication. Il y a notamment non-respect de telles prescriptions lorsque le soumissionnaire utilise des prix tellement bas, c’est-à-dire non réels, pour des postes essentiels, de sorte que l’offre n’est pas comparable avec les autres offres. L’obligation d’indiquer les prix unitaires doit justement permettre une comparaison équitable entre les offres. Par conséquent, on peut et on doit exiger que tous les postes individuels importants soient entièrement remplis avec des prix unitaires. Dans le cas contraire, le rapport qualité-prix de l’offre ne peut pas être évalué. En règle générale, une telle offre doit être exclue parce qu’elle n’est pas comparable en raison de défauts de contenu, mais aussi parce qu’elle est incomplète (consid. 7.2).

En l’espèce, l’offre de la soumissionnaire qui a utilisé des prix unitaires d’un centime au lieu de prix unitaires réels, dans quatorze positions importantes pour l’ouvrage à réaliser, doit être exclue. En effet, une évaluation pertinente de cette offre, en particulier du rapport qualité-prix, est ainsi rendue impossible. Une telle offre est en outre incomplète (consid. 7.3). Le Tribunal fédéral ajoute encore que l’adjudicataire est tenu de respecter l’égalité de traitement, ce qui ne serait pas le cas si une offre présentant de graves défauts était prise en considération. Le remplacement ultérieur des prix de substitution de l’offre litigieuse par des prix réels n’était pas non plus possible en raison du principe de l’immuabilité des offres et de l’interdiction des tours d’offres (consid. 7.4).

Analyse de Thomas P. Müller

Kreativität in der Preisbildung scheidet in Beschaffungsverfahren aus

Marchés publics

Marchés publics

TF 4A_355/2022 du 18 janvier 2023

Contrat de vente; demeure qualifiée; art. 107 et 108 CO

Demeure qualifiée (art. 107 et 108 CO) – Rappel des principes (consid. 6.1).

En l’espèce, le contrat de vente prévoyait un droit d’habitation en faveur de l’une des venderesses ainsi que la réalisation de travaux de rénovation de l’immeuble par les acheteurs, à la charge de ces derniers. Le contrat de vente contenait un délai pour le dépôt de la demande de permis de construire et un autre pour le début des travaux. Les acheteurs ont déposé une demande de permis conforme aux travaux prévus par le contrat et dans le délai prévu par celui-ci. Le permis a toutefois été refusé, à la suite de quoi les parties ont échangé plusieurs missives tendant à une résolution amiable du litige ; le second délai pour le démarrage des travaux a été dépassé pendant cette période. Au cours de ces échanges, les venderesses ont indiqué que les travaux du rez-de-chaussée n’étaient pas urgents. Les venderesses ont résolu le contrat, sans toutefois avoir mis au préalable en demeure les acheteurs de s’exécuter. Suivant l’instance précédente, le Tribunal fédéral retient que la résolution du contrat n’était pas possible faute de mise en demeure au sens de l’art. 107 CO, respectivement de l’existence d’une situation prévue par l’art. 108 CO, rendant une telle mise en demeure superflue. L’attitude des acheteurs démontrait qu’ils avaient bien eu l’intention d’effectuer les travaux (art. 108 ch. 1 CO) et le second délai prévu pour le démarrage des travaux ne constituait pas un terme fixe (art. 108 ch. 3 CO), dès lors que les venderesses avaient elles-mêmes déclaré les travaux concernés comme non urgents (consid. 6.2 et 6.3).

Contrat de vente

Contrat de vente

TF 4A_422/2022 du 18 janvier 2023

Contrat d’entreprise; clause pénale; art. 160 ss CO

Clause pénale – La peine conventionnelle ou clause pénale au sens de l’art. 160 CO est la prestation que le débiteur promet au créancier en cas d’inexécution ou d’exécution imparfaite d’une obligation déterminée (obligation principale). Une telle promesse vise à protéger l’intérêt du créancier à l’exécution du contrat, en constituant une incitation supplémentaire pour le débiteur à se conformer au contrat. Elle améliore également la position juridique du créancier, qui est dispensé de prouver son dommage. Selon l’art. 160 al. 2 CO, lorsque la peine a été stipulée en vue de l’inexécution du contrat au temps ou dans le lieu convenu, le créancier peut demander à la fois que le contrat soit exécuté et la peine acquittée, s’il ne renonce expressément à ce droit ou s’il n’accepte l’exécution sans réserve (consid. 5.1).

En l’espèce, l’ouvrage a été livré le 24 avril 2017 et les retouches demandées par le maître terminées en octobre 2017. Le maître qui a signé le procès-verbal d’acceptation de l’ouvrage sans émettre de réserve a accepté tacitement l’exécution tardive et a ainsi renoncé à se prévaloir de la clause pénale au sens de l’art. 160 al. 2 CO. Par conséquent, il ne peut plus se prévaloir de la peine conventionnelle dans une demande reconventionnelle déposée dans le cadre d’une procédure en paiement, initiée par l’entrepreneur par demande du 22 mars 2019 et y invoquer la compensation (consid. 5.2 et 5.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

TF 5A_551/2022 du 18 janvier 2023

Poursuites pour dettes et faillites; mainlevée provisoire; gage immobilier; art. 82 LP

Mainlevée provisoire (art. 82 LP) – Rappel des principes (consid. 3.1).

Poursuite en réalisation du gage – Pour qu’il puisse valablement se prévaloir de la créance abstraite dans une poursuite en réalisation de gage immobilier, le créancier poursuivant doit être le détenteur de la cédule hypothécaire. Par ailleurs, le débiteur de cette cédule doit être inscrit sur le titre produit ou, à tout le moins, faut-il qu’il reconnaisse sa qualité de débiteur de la cédule ou que cette qualité résulte de l’acte de cession de propriété de la cédule qu’il a signé. Ainsi, si la cédule hypothécaire ne comporte pas l’indication du débiteur, le créancier ne pourra obtenir la mainlevée provisoire que s’il produit une autre reconnaissance de dette, soit, par exemple, une copie légalisée de l’acte constitutif conservé au registre foncier dans lequel la dette est reconnue ou la convention de sûretés contresignée dans laquelle le poursuivi se reconnaît débiteur de la cédule cédée à titre de sûretés (consid. 3.2).

En l’espèce, la cédule ne comporte pas l’indication du débiteur et partant, ne constitue pas un titre de mainlevée. La mainlevée provisoire ne peut être accordée à la poursuivante qui n’a pas fourni d’autre pièce dans laquelle la poursuivie se reconnaissait débiteur de la cédule cédée à titre de sûretés (consid. 4). En particulier, il n’est pas possible de présumer que le débiteur de la créance abstraite est le propriétaire de l’immeuble, puisque le gage peut être constitué en faveur d’une personne qui n’est pas (ou qui n’est plus) propriétaire de l’immeuble (consid. 5).

LP

LP

TF 6B_1486/2021 du 18 janvier 2023

Droit pénal; lésions corporelles graves par négligence; signalisation des chantiers routiers; art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP ; 4 LCR et OSR

Lésions corporelles graves par négligence (art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP) – Rappel théorique concernant ces conditions et leurs principes (consid. 3.1.1 et 3.1.2).

Signalisation des chantiers routiers – Selon l’art. 4 al. 1 LCR, les obstacles à la circulation ne doivent pas être créés sans raison impérative ; ils doivent être suffisamment signalés et éliminés le plus rapidement possible. Détails des obligations en la matière selon l’Ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 (OSR) (consid. 3.1.3).

En l’espèce, le chantier était signalé par les signaux de danger « chantier » avant la zone sur laquelle le revêtement avait été fraisé. Le Tribunal fédéral retient qu’il aurait été possible pour les cyclistes de s’engager sans danger à l’endroit fraisé, du moins à une vitesse adaptée, ce qui n’était manifestement pas le cas de la partie plaignante qui n’avait pas vu la signalisation et roulait à 57,3 km/h, malgré un périmètre de visibilité restreint et une courbe importante à l’endroit de l’accident. La Haute Cour souligne que la partie plaignante a ainsi foncé sur le lieu de l’accident à près de 60 km/h, pratiquement sans freiner. Par conséquent, la responsabilité de la partie plaignante est considérable et aurait dans tous les cas pour conséquence d’interrompre le lien de causalité adéquate. Le Tribunal fédéral laisse ainsi ouverte la question de savoir si l’instance précédente a également eu raison de considérer qu’il n’y avait pas d’obstacle à la circulation au sens de l’art. 4 LCR, ainsi que de savoir si elle pouvait partir du principe que la signalisation du chantier était suffisante et nier une violation du devoir de diligence (consid. 3.3.1 et 3.3.2).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4A_419/2021 du 12 janvier 2023

Contrat d'entreprise; défaut; art. 363 ss CO

Défaut – Lorsqu’un document contractuel prévoit expressément que le parvis réalisé permettra le transit de machines et véhicules à roues, mais que l’usage de l’ouvrage devra être limité pour les véhicules à chenilles à ceux disposant des protections adéquates, le maître qui utilise des véhicules à chenilles sans lesdites protections fait un usage au moins partiellement inapproprié de l’ouvrage et ne saurait se plaindre d’un défaut de l’ouvrage concernant le parvis en question (consid. 3 et 4).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 4A_253/2022 du 11 janvier 2023

Contrat de courtage et contrat de société; interprétation du contrat; fardeau de la preuve; relation entre droit civil et droit pénal; art. 8 CC; 18, 53 CO; 157 CPC

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 4.1).

Par l’établissement de leur volonté réelle, il faut retenir que les parties qui ont collaboré pour une vente auprès d’un acheteur envisagé – vente qui a finalement échoué – ne sont liées ni par un contrat de courtage ni par un contrat de société simple, lorsqu’aucun des échanges déposés ne laisse penser qu’elles seraient convenues de collaborer pour la vente à tout client, respectivement qu’aucun document ne laisse transparaître un animus societatis, par lequel les parties auraient cherché à unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d’atteindre le but commun que serait la vente à n’importe quel acquéreur (consid. 4.2).

La réelle et commune intention des parties prend le pas sur l’interprétation objective de la volonté des parties (consid. 5).

Répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 6.1.1).

Appréciation des preuves (art. 157 CPC) – Rappel des principes (consid. 6.1.2).

Relation entre droit civil et droit pénal (art. 53 CO) – Rappel des principes (consid. 6.1.3). Le fait que le Ministère public a considéré qu’un contrat existait n’a pas d’impact sur le procès civil (consid. 6.3).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

Société simple

Société simple

Procédure

Procédure

TF 4A_409/2021 du 10 janvier 2023

Contrat de société simple; qualification du contrat; calcul du bénéfice de liquidation; art. 530 ss CO

Contrat de société simple (art. 530 ss CO) – La société simple se caractérise par la volonté des associés d’unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d’atteindre un but commun. Lorsque des concubins agissent dans une société simple pour l’acquisition et la rénovation d’appartements, le fait que l’un des époux ne cherche pas à être inscrit comme propriétaire au registre foncier ou qu’il ne figure pas sur les prêts hypothécaires nécessaires à la réalisation du projet n’influe pas sur la volonté commune d’acquérir un immeuble, ni sur les différents apports effectués. Dès lors que le concubin a fourni des apports financiers et réalisé lui-même une partie des travaux, la qualification de société simple est retenue à juste titre (consid. 4.1).

Calcul du bénéfice de liquidation – Lorsque l’associé effectue un apport non pas en pleine propriété (quoad dominium), mais en usage (quoad usum) ou en destination (quoad sortem), ce type d’apport est repris, à la dissolution de la société, par l’associé qui en est resté propriétaire. En principe, il bénéficie seul d’une éventuelle plus-value conjoncturelle, tandis que la plus-value due à l’activité de la société simple est considérée comme un gain à partager entre les associés. Toutefois, en cas d’apport quoad sortem, toute plus-value, même conjoncturelle, entrera dans le bénéfice de la société dans la mesure où les associés auront traité l’apport, dans leurs relations internes, comme s’ils en étaient les propriétaires collectifs (consid. 5.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral cite un avis doctrinal selon lequel un immeuble acheté par un concubin pour servir de logement au couple constitue un apport quoad sortem. Il ajoute que les faits constatés par l’instance précédente montrent bien qu’à l’interne, les deux associés se sont comportés comme si les deux appartements leur appartenaient collectivement. A l’appui de cette analyse, la Haute Cour souligne que le concubin a réalisé des travaux personnellement et en a fait réaliser par des tiers dans les deux appartements, qu’il a signé la convention de réservation de l’un des appartements, qu’il a réglé la moitié des intérêts hypothécaires, qu’il a co-signé l’un des prêts hypothécaires, qu’il a représenté sa concubine en signant les baux et enfin qu’il a été identifié comme maître d’ouvrage par l’un des artisans intervenant sur le chantier (consid. 5.1).

Société simple

Société simple

TF 5A_451/2022 du 28 décembre 2022

Servitude; détermination du contenu d’une servitude; art. 730 et 738 CC

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 4.3.1).

En l’occurrence, une servitude de restriction de bâtir prévoit que seule une villa indépendante pour une ou deux familles (« eine freistehende Ein- oder Zweifamilienvilla mit Garage ») peut être érigée sur la parcelle litigieuse. Le terme « freistehend » signifie, selon l’usage courant, qu’une maison n’est pas construite avec une autre maison ou reliée à une autre maison. L’on ne peut toutefois s’arrêter à une interprétation littérale ; il s’agit de prendre également en compte le but de la servitude, en particulier les intérêts qui, considérés objectivement, paraissent importants en raison des besoins du fonds dominant (consid. 4.3.2 et 4.3.3).

Le Tribunal fédéral retient dans le cas d’espèce que la construction projetée, qui prévoit un seul bâtiment de deux logements, ayant les caractéristiques d’une villa, est conforme au texte de la servitude. Il précise notamment que le risque de modification non uniforme qui existe pour des maisons mitoyennes existe également pour des maisons comprenant deux logements, de sorte que les propriétaires du fonds dominant ne peuvent rien tirer de cet argument (consid. 4.3.4 et 5). Il en est de même du fait que le jardin soit strictement ou non réparti entre les logements, dès lors que l’aménagement du jardin peut en tout état de cause être réalisé selon les goûts de chaque habitant de l’immeuble. Seul est déterminant le nombre de parties qui habitent l’immeuble. Or en prévoyant deux logements, les propriétaires du fonds grevé respectent la servitude également à cet égard (consid. 5.3).

Servitude

Servitude

TF 4A_394/2022 du 27 décembre 2022

Contrat d'architecte; rémunération de l'architecte; expertise; art. 183 ss CPC

Rémunération de l’architecte – Lorsque le Tribunal ne parvient pas à déterminer précisément quels travaux l’architecte aurait effectués en lien avec une certaine entreprise, il n’est pas arbitraire de retenir que les honoraires ne sont pas dus (consid. 3.1).

Appréciation d’une expertise – Le Tribunal peut s’écarter d’une expertise en expliquant avec soin les raisons pour lesquelles celle-ci ne saurait être suivie. Si le juge doit motiver son appréciation quant à l’expertise, cette exigence n’implique pas qu’il s’épanche sur tous les détails de son raisonnement ; il peut se contenter d’en livrer les traits essentiels. En outre, le fait que le Tribunal suive l’expertise sur certains postes, et non sur d’autres, n’est pas critiquable, dès lors qu’il a exposé à satisfaction son appréciation. De la même façon, le fait que les propriétaires de l’immeuble n’ont pas requis de contre-expertise n’est pas suffisant pour admettre que le tribunal aurait dû faire siennes toutes les conclusions de l’expert (consid. 4).

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Expertise

Expertise

TF 4A_445/2022 du 22 décembre 2022

Promesse de vente; responsabilité contractuelle; maxime des débats; fardeau de la preuve; art. 2, 8 CC; 97, 151, 156, 184 CO; 55 CPC

Maxime des débats (art. 55 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.1.1). Répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 3.1.2).

Pour prouver la pollution d’une parcelle, l’acquéresse qui n’a sollicité que l’interrogatoire des parties, ne satisfait pas aux exigences en matière de preuve, permettant de démontrer une telle pollution. Une expertise ou à tout le moins un rapport de spécialiste aurait été nécessaire sur cette question (consid. 3.3). Le fait que la venderesse ait remboursé l’acompte prévu par la promesse de vente, en application du contrat qui prévoyait une restitution à première réquisition en cas de non-réalisation des conditions résolutoires dans le délai imparti, n’apporte pas non plus la preuve nécessaire. Il en est de même de déclarations de la venderesse mentionnant des polluants, alors que les allégués de l’acquéresse avaient été contestés (consid. 3.5).

Responsabilité contractuelle (art. 97 CO) – Lorsque le contrat prévoit uniquement que la venderesse doit prendre en charge financièrement les éventuelles mesures d’assainissement des parcelles, l’acquéresse ne saurait faire valoir une violation contractuelle au motif que la venderesse n’a pas elle-même entrepris lesdites mesures (consid. 4 et 5).

Contrat de vente

Contrat de vente

Procédure

Procédure

TF 4A_152/2021 du 20 décembre 2022

Contrat mixte de vente et d’entreprise; cession des droits de garantie pour les défauts; substitution de partie; art. 18, 172, 368 ss et 467 al. 2 CO; 83 CPC

Substitution de partie (art. 83 CPC) – En cas d’aliénation de l’objet du litige en cours d’instance, l’art. 83 al. 1 CPC permet à celui qui a acquis la légitimation (le substituant) et au plaideur qui l’a perdue (le substitué) d’obtenir, par leur volonté conjointe, que le premier remplace le second dans le procès, le consentement de la partie adverse étant sans pertinence dans ce contexte. L’objet du litige s’entend au sens large ; il peut s’agir d’un rapport de droit comme d’une chose. L’aliénation doit avoir pour conséquence un changement de légitimation pour l’un ou l’autre des plaideurs ; elle recouvre tout changement de situation juridique effectué à titre particulier et portant sur la propriété d’une chose ou sur la titularité de l’un ou l’autre côté du rapport de droit litigieux, comme par exemple une cession de créance.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral relève que l’objet du litige n’est pas la propriété de l’unité d’étage qui a été vendue en cours de procédure, mais la titularité des droits de garantie découlant du contrat de vente entre l’entrepreneur et les acheteurs initiaux. La substitution de partie supposait donc une cession de créance, laquelle n’a pas été alléguée et établie par les parties en cours d’instance (consid. 3.2).

Garantie pour les défauts (art. 368 ss CO) – Sauf convention contraire, en présence de contrats mixtes, combinant des éléments du contrat de vente et du contrat d’entreprise, la garantie des défauts est soumise aux règles du contrat d’entreprise (art. 368 ss CO), en tout cas pour les défauts affectant les parties communes. Depuis l’ATF 145 III 8 (changement de jurisprudence), le droit à la réfection d’une partie commune appartient indivisiblement et pleinement à chaque propriétaire d’étage. Vu le caractère indivisible du droit à la réfection des parties communes, il faut admettre que les créances pécuniaires déduites de l’exercice du droit à la réfection sont également indivisibles. Les copropriétaires d’étages peuvent agir en consorts volontaires (consid. 4.1).

Lorsque les copropriétaires agissent en paiement d’un montant correspondant au coût d’élimination des défauts qui touchaient toutes les parties communes, ils agissent en exécution du droit (indivisible) à la réfection de toutes les parties communes et non en réduction du prix (consid. 4.2).

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 5.2.1).

Cession des droits de garantie (art. 172 et 467 al. 2 CO) – En l’occurrence, les contrats de vente immobilière contenaient tous des clauses de cession de droits de garantie. La plupart des contrats comportaient pour le surplus une clause d’exclusion de garantie de la venderesse, raison pour laquelle les instances cantonales avaient rejeté l’action à l’égard des acheteurs concernés ; l’action des deux copropriétaires dont le contrat était dépourvu d’une telle clause avait toutefois été admise.

En analysant les clauses litigieuses, le Tribunal fédéral retient qu’en l’absence d’une clause contractuelle limitant la propre obligation de garantie de la venderesse, le texte clair de la cession se comprend, selon le principe de la confiance, uniquement comme l’attribution aux acquéreurs de la possibilité d’exercer directement contre les entrepreneurs les prétentions en garantie du maître de l’ouvrage, lesquelles s’ajoutent donc à leurs droits de garantie envers la venderesse (consid. 5.2.3). Le Tribunal fédéral rappelle également qu’en matière de cession des droits de garantie, il est largement admis que le droit à la réfection du défaut est cessible, qu’il s’agisse de la prétention en suppression du défaut lui-même ou de la créance pécuniaire qui peut en découler (consid. 5.3).

Toutefois, la cession du droit de réfection intervient en vue d’exécution (art. 172 CO). En pareil cas, le cessionnaire (l’acheteur) est tenu, par application analogique de l’art. 467 al. 2 CO, de faire valoir en priorité le droit cédé, la prestation due par le cédant restant en suspens entretemps. Le cessionnaire ne doit toutefois respecter cette obligation que s’il dispose des informations suffisantes pour agir contre les entrepreneurs concernés. Au surplus, il doit uniquement faire les efforts qui peuvent être raisonnablement exigés de sa part. En particulier, il n’a pas à recourir à la voie judiciaire. De plus, comme seul le droit à la réfection peut être cédé, rien n’empêche l’acquéreur d’exercer envers le vendeur, si les conditions en sont remplies, le droit à la réduction du prix ou à la résolution du contrat, sans avoir à faire valoir préalablement le droit de réfection cédé (consid. 6.1).

En l’espèce, les acheteurs n’ont pas exercé leur droit de réfection envers les entreprises qui avaient œuvré sur les parties communes de l’immeuble affectées de défauts. De plus, les renseignements promis pour l’exercice des droits de garantie avaient été remis assez tôt aux acheteurs et il n’était pas démontré que la venderesse eut entravé les demandeurs dans l’exercice de leurs droits de garantie. Le recours de la venderesse est admis et l’action rejetée (consid. 6.2).

Analyse de Blaise Carron

PPE, défaut des parties communes et cession des droits de garantie : un besoin de réforme législative ?

Contrat de vente

Contrat de vente

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Procédure

Procédure

TF 5A_697/2022 du 20 décembre 2022

Servitude; interprétation d'une servitude de passage pour tout véhicule; garantie constitutionnelle de la propriété; art. 738-739 CC; 26 Cst.

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 4.3.1.1).

En l’occurrence, l’inscription au registre foncier de la servitude se limite à indiquer l’existence d’un « passage pour tout véhicule », sans autres précisions quant à la possibilité d’utiliser à pied le passage. L’acte constitutif de la servitude est également muet à ce sujet. En l’absence de tout élément permettant de retenir que le passage à pied était exclu en l’espèce, il n’apparaît pas arbitraire de considérer, a majore ad minus, qu’un passage pour tout véhicule inclut la possibilité d’un parcours à pied. En passant à pied sur le passage litigieux plutôt qu’en véhicule, il ne fait aucun doute que les bénéficiaires de la servitude exercent celle-ci de la manière la moins dommageable au sens de l’art. 737 al. 2 CC (consid. 4.3.2).

Garantie constitutionnelle de la propriété (art. 26 Cst.) – Les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales, par lesquelles l’individu est protégé contre les atteintes que d’autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels. Les propriétaires du fonds grevé ne peuvent ainsi pas directement se prévaloir, dans une cause relevant des droits réels, de la garantie constitutionnelle de la propriété (consid. 5).

Servitude

Servitude

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 4A_365/2022 du 16 décembre 2022

Contrat d’entreprise; avance de frais pour l’exécution par substitution; art. 367 ss CO

Avance de frais pour l’exécution par substitution – Le maître qui a le droit de faire réparer un défaut de l’ouvrage par un tiers aux frais de l’entrepreneur a également le droit d’obtenir une avance sur les frais d’exécution de remplacement. L’ordre de grandeur de l’avance doit être plausible, ce qui n’est pas contesté en l’espèce (consid. 3.3.2). Le maître est tenu de faire le décompte des coûts à l’issue de la réparation par le tiers et de restituer à l’entrepreneur l’éventuel excédent. Une éventuelle demande de remboursement est exclue si une décision détaillée a déjà été prise sur l’étendue des travaux de réparation. Une estimation de l’avance de frais basée sur des clarifications détaillées telles qu’une expertise n’entraîne pas en soi d’effet contraignant, mais tout au plus des exigences de motivation accrues en ce qui concerne la justification d’un écart par rapport au montant avancé. En tout état de cause, le maître doit restituer l’intégralité du montant s’il ne fait pas procéder à la réparation dans un délai raisonnable (consid. 3.3.3). En l’espèce, l’instance précédente a respecté le droit en accordant l’avance en précisant qu’un décompte devrait être effectué après l’exécution par substitution.

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 4A_23/2021 du 12 décembre 2022

Contrat d'entreprise; garantie pour les défauts; réduction du prix; méthode relative; art. 367 ss CO

Garanties pour les défauts (art. 367 ss CO) – Le maître de l’ouvrage peut faire valoir les droits à la garantie suivants : la réfection de l’ouvrage, la réduction du prix ou la résolution du contrat. Il s’agit de droits formateurs alternatifs ; ce choix est en principe irrévocable (consid. 3).

Action en réduction du prix – L’art. 368 al. 2 CO dispose que le prix doit être réduit « en proportion de la moins-value ». Cela étant, il faut distinguer la moins-value de l’ouvrage du montant de la réduction que le maître peut retrancher du prix plein en exerçant son droit à la réduction de prix. La moins-value a trait à l’ouvrage et le montant de la réduction au prix. Le droit à la réduction suppose une moins-value, laquelle consiste dans la différence entre la valeur objective de l’ouvrage hypothétiquement conforme au contrat et celle de l’ouvrage effectivement livré. Lorsqu’une moins-value objective est établie, le droit à la réduction existe même si la valeur de l’ouvrage avec le défaut atteint ou dépasse le prix convenu.

Pour calculer la réduction de prix « en proportion de la moins-value », la jurisprudence et la doctrine majoritaire prescrivent la méthode relative – comme en matière de réduction du prix de la chose vendue –, en fonction de la proportion qui existe entre la valeur objective de l’ouvrage avec défaut et la valeur objective de l’ouvrage sans défaut : le prix convenu est réduit dans la proportion obtenue. La réduction du prix se confond avec la moins-value si le prix convenu ou fixé pour l’ouvrage sans défaut est égal à la valeur objective de l’ouvrage sans défaut. Lorsque la valeur de l’ouvrage défectueux se révèle nulle, le prix est réduit à zéro (consid. 4, première partie).

Double présomption en matière de réduction du prix – La jurisprudence a premièrement posé comme présomption que la valeur de l’ouvrage qui aurait dû être livré (valeur objective de l’ouvrage sans défaut) est égale au prix convenu par les parties. Cette présomption se fonde sur la considération que, d’ordinaire, le prix est l’expression de la valeur marchande. Si cette présomption n’est pas renversée, la réduction du prix est simplement égale à la moins-value. Facilitant encore l’application de l’art. 368 al. 2 CO, le Tribunal fédéral a posé que la moins-value est présumée égale aux coûts de remise en état de l’ouvrage. L’application conjointe de ces deux présomptions aboutit à une réduction du prix égale au coût de l’élimination du défaut. Il appartient à celle des parties qui prétend que l’une de ces deux présomptions ne s’applique pas au cas d’espèce de l’établir (consid. 4, seconde partie).

En l’espèce, le litige porte sur le défaut de l’isolation phonique de certaines parois, pour lesquelles un accord séparé de CHF 3’877.90 avait été signé et dont l’expert judiciaire avait estimé le coût d’élimination à CHF 50’000.-. En application du calcul de la méthode relative, dès lors qu’aucune partie n’a attaqué les présomptions applicables, le Tribunal fédéral retient que la valeur objective de l’ouvrage avec défaut est nulle, de sorte que le prix s’en trouve réduit à zéro. Le maître d’ouvrage a ainsi droit à une réduction de prix de CHF 3’877.90, soit l’entier de ce qu’il a payé pour les parois en cause, et non de CHF 50’000.- comme l’autorité précédente l’avait jugé, en réduction du prix de l’ouvrage total de CHF 1,3 millions (consid. 5.2).

Contrat d'entreprise

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Défauts/Garantie

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TF 5A_420/2022 du 08 décembre 2022

Propriété d'une source; principe de l'accession; critères pour déterminer le caractère privé ou public d'une source; art. 664 al. 2, 667 al. 2 et 704 al. 1 CC

Propriété d’une source (art. 664 al. 2, 667 al. 2 et 704 al. 1 CC) – En vertu du principe de l’accession, les sources sont en principe des éléments constitutifs des immeubles sur lesquels elles apparaissent. La propriété de l’immeuble s’étend donc aussi à la source qui y jaillit (consid. 3.1). Sauf preuve contraire, les eaux publiques ne rentrent pas dans le domaine privé (consid. 3.2) ; il appartient aux cantons de délimiter parmi les eaux celles qui doivent être considérées comme publiques, le droit fédéral ne précisant pas les critères de distinction (consid. 3.2.1). En dérogation au principe de l’accession, les sources des eaux publiques sont considérées comme faisant partie du cours d’eau dont elles sont à l’origine et non comme faisant partie de l’immeuble sur lequel elles se trouvent (consid. 3.2.2). Dans le canton du Valais, tous les cours d’eau sont publics, y compris leur source (consid. 3.2). Est déterminante la question de savoir si la source d’eau, indépendamment de savoir si elle jaillit en plusieurs endroits, constitue dès le départ un cours d’eau (ruisseau). Il s’agit de savoir si, en raison de l’épaisseur et de la continuité de l’écoulement, la source crée ou aurait pu créer un lit avec des rives fixes si elle n’avait pas été captée (consid. 3.3). Dans cet examen, il faut se fonder sur l’état initial de la source et non sur d’éventuelles modifications résultant de l'intervention humaine (consid. 4.3).

En l’espèce, la source jaillit en plusieurs endroits et n’a été captée que de manière rudimentaire. Aucun lit ne s’est jamais formé, y compris avant ledit captage ; au contraire, l’eau s’infiltrait dans le sol. En l’absence de tout lien avec un cours d’eau, la source est privée en application du principe de l’accession et ne saurait être considérée comme publique (consid. 4.1 et 4.4).

Propriété/Possession

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Publication prévue

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TF 4A_371/2021 du 05 décembre 2022

Contrat d'entreprise; prix de l'ouvrage; principe de disposition; art. 374 CO; 55 CPC

Prix de l’ouvrage (art. 374 CO) – Par le contrat d’entreprise, l’entrepreneur s’engage à réaliser un ouvrage et le mandant à verser une rémunération. Si le prix n’a pas été déterminé à l’avance, il est fixé en fonction de la valeur du travail et des dépenses de l’entrepreneur. La base d’une indemnisation d’après les dépenses est constituée par les dépenses objectivement nécessaires en cas d’exécution minutieuse. Les dépenses invoquées doivent donc être présentées de manière à ce que leur nécessité et leur adéquation puissent être vérifiées. Cela présuppose des indications compréhensibles sur les travaux effectués et les heures de travail qui y ont été consacrées (consid. 3).

Principe de disposition dans le cadre de la fixation du prix – Lorsque l’entrepreneur détaille ses dépenses, produit des rapports hebdomadaires et des bons de régie, le maître qui se contente de les contester en bloc en indiquant qu’elles n’étaient pas prouvées, sans même prétendre que les travaux allégués n’avaient pas été effectués, que le matériel n’avait pas été utilisé ou que le taux de régie n’était pas approprié, ne satisfait pas aux exigences du fardeau de la contestation. Il lui incombe notamment de détailler quelles dépenses et quelles heures de travail sont contestées et pour quelle raison (consid. 5).

Contrat d'entreprise

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Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

Procédure

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TF 4D_44/2022 du 01 décembre 2022

Contrat d'architecte; arbitraire dans la constatation des faits; art. 9 Cst.

Arbitraire dans la constatation des faits (art. 9 Cst.) – Lorsque le contrat prévoit que l’architecte est en charge de la direction des travaux, il n’est pas arbitraire de retenir que le maître d’ouvrage assurait toutefois seul cette mission pour les travaux de démolition, dès lors que ces travaux ont commencé pendant les vacances de l’architecte, à une date fixée par le maître et que le maître avait communiqué aux entreprises chargées des travaux qu’il serait leur seul interlocuteur (consid. 4).

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Contrat d'architecte et d'ingénieur

TF 5D_127/2022 du 29 novembre 2022

Mise à ban; action possessoire: principe de disposition; art. 58, 258 ss CPC; 928 CC

Principe de disposition (art. 58 CPC) – Le principe n’est pas violé lorsque le Tribunal constate que la mise à ban est opposable à l’intéressé, en présence de conclusions visant à la validation de la mise à ban, à la levée de l’opposition formulée par le recourant ainsi qu’au prononcé envers l’intéressé d’une interdiction de stationner sur les places de parc en question (consid. 3.1 et 3.2).

Mise à ban (art. 258 ss CPC) – Rappel des principes (consid. 4.2). A la suite d’une opposition à la mise à ban au sens de l’art. 260 CPC, laquelle s’apparente à l’opposition en cas de poursuite, le bénéficiaire de la mise à ban qui souhaite qu’elle s’applique également à l’égard de l’opposant doit déposer une action en reconnaissance de droit. Celle-ci peut prendre la forme d’une action en raison du trouble de la possession (consid. 4.2-4.3).

Trouble de la possession (art. 928 CC) – Il y a trouble de la possession, lorsqu’un locataire admet se parquer où bon lui semble, alors qu’il n’y est autorisé que sur certaines places de stationnement par le contrat de bail (consid. 5).

Propriété/Possession

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Procédure

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TF 6B_375/2022 du 28 novembre 2022

Droit pénal; lésions corporelles graves par négligence; art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP; OPA; aOTConst

Lésions corporelles graves par négligence (art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP) – Cette infraction suppose la réalisation de trois conditions, à savoir une négligence, une atteinte à l’intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments. Rappel théorique concernant ces conditions et leurs principes (consid. 3.1.1).

Règles concernant la prévention des accidents pour les travaux de construction (OPA et aOTConst) – Mention des règles applicables (consid. 3.1.2).

En l’espèce, l’entrepreneur a manqué à son devoir de prudence, déduit des art. 21 OPA, 15 al. 1, 16 et 19 al. 1 aOTConst, en n’installant pas une protection et en ne prenant ainsi pas les mesures nécessaires pour prévenir les chutes (consid. 3.3.4, 3.3.5, 3.4.2).

Interruption de causalité – La Cour cantonale avait toutefois retenu que l’employé accidenté et souffrant désormais de tétraplégie incomplète avait interrompu le lien de causalité adéquate par son comportement, dès lors qu’il n’avait pas chuté de l’ouverture restée sans protection, mais s’était volontairement approché de celle-ci, alors même qu’il n’était pas affairé auprès d’elle, pour s’élancer sur l’échafaudage mobile situé en contrebas (consid. 3.4.1).

Pour le Tribunal fédéral, il convient de se poser la question de savoir si l’installation par l’entrepreneur de protections latérales ou de mesures de protection équivalentes aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité que l’employé emprunte volontairement ce passage et, conséquemment, chute. Les normes en la matière visent en effet à prévenir tant les chutes involontaires que le passage de personnes pouvant chuter, afin de tenir compte du caractère éminemment dangereux de toute activité de construction et de la propension naturelle de toute personne y travaillant de prendre occasionnellement des risques, volontairement ou non, pour autant que ces risques n’apparaissent pas à ce point extraordinaires et inattendus qu’ils justifient l’interruption du lien de causalité adéquate. Par conséquent, le Tribunal fédéral admet la causalité adéquate, puisque la simple présence de protections latérales ou de mesures de protection équivalentes aurait, à tout le moins, eu pour effet de porter l’attention de l’employé sur les risques inhérents à la manœuvre envisagée et l’aurait très vraisemblablement décidé à emprunter la sortie réglementaire. Une interruption de la causalité ne peut être retenue, notamment parce qu’il n’y a rien de surprenant à ce qu’un ouvrier, pour gagner du temps ou pour toute autre raison, prenne des risques pouvant conduire à une chute involontaire. Le comportement d’espèce était d’autant moins inattendu que la voie d’accès prescrite impliquait un détour (consid. 3.4.2).

Droit pénal

Droit pénal

TF 4F_16/2022 du 25 novembre 2022

Révision; qualité pour déposer une révision; arbitrage; droit d’emption; art. 76, 99, et 121 ss LTF; 393 et 395 CPC

Qualité pour former une révision (art. 76 LTF en lien avec les art. 121 ss LTF) – Selon la jurisprudence, la qualité pour former une révision correspond à la qualité pour recourir. Selon l’art. 76 LTF, ce sont avant tout les parties au procès qui ont la qualité pour recourir, à l’exclusion de l’instance inférieure désavouée (consid. 1.2.2). Ce principe connaît toutefois une exception, lorsque le Tribunal fédéral, en admettant un grief selon l’art. 393 let. f CPC, réduit les honoraires de l’arbitre sur la base de l’art. 395 al. 4 CPC. Dans cette hypothèse, l’arbitre est directement lésé dans ses intérêts financiers par la réduction d’honoraires. Cela correspond à un intérêt digne de protection au sens de l’art. 76 al. 1 let. b LTF qui permet à l’arbitre de former une demande de révision (consid. 1.2.3).

Révision fondée sur des faits découverts ultérieurement (art. 123 al. 2 let. a LTF) – Rappel des principes. Il n’est tenu compte des faits qui ne se produisent qu’au cours de la procédure devant le Tribunal fédéral qu’aux conditions de l’art. 99 LTF. En application de cette dernière disposition, il est concevable qu’un demandeur en révision invoque, dans la procédure de recours du Tribunal fédéral, un fait qui s’est produit après l’arrêt attaqué, afin de démontrer que l’intérêt actuel du recourant à la protection juridique est tombé en désuétude au cours de la procédure de recours du Tribunal fédéral, ce qui aurait conduit le Tribunal fédéral – s’il en avait eu connaissance à temps – à classer la procédure de recours. Les faits qui se sont produits après l’arrêt du Tribunal fédéral à réviser sont en revanche exclus sous cet aspect également (consid. 2.2).

En l’espèce, l’arbitre prétend que l’intérêt au recours portant sur les frais d’arbitrage aurait dû être nié, dès lors que ces frais avaient déjà été réglés par une société proche de la partie recourante et qu’une réduction des frais aurait donné lieu à un remboursement à la partie recourante et constitué un avantage illicite. Le Tribunal fédéral ne suit pas cet argumentaire, au motif que cette explication ne constitue pas un fait nouveau, mais uniquement une interprétation des faits. En outre, le fait que le paiement ait été effectué par une société tierce ne suffit pas à retenir un comportement contraire à la bonne foi ou la présence d’un avantage illicite (consid. 2.4-2.5).

Révision fondée sur une inadvertance du Tribunal (art. 121 let. d LTF) – Rappel des principes (consid. 3.2). Un fait qui fait certes partie du dossier d’arbitrage, mais dont le Tribunal fédéral n’a pas pu tenir compte dans la procédure de recours, car il n’avait pas été constaté dans la sentence arbitrale et ne constitue pas un fait exceptionnellement admissible devant le TF ne peut pas être invoqué dans le cadre de la révision fondée sur l’art. 121 let. d LTF.

Révision fondée sur une violation du principe de disposition (art. 121 let. b LTF) – Rappel des principes (consid. 4.2). L’arbitre qui prétend que la demande de réduction des frais de procédure ne portait que sur les honoraires de l’arbitre et non sur l’ensemble des frais de procédure ne remplit pas les conditions d’une révision. Il s’agit d’un argument qu’il aurait pu développer dans la procédure de recours (consid. 4.4).

Procédure

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Arbitrage interne

Arbitrage interne

Publication prévue

Publication prévue

TF 4A_510/2021 du 24 novembre 2022

Contrat de courtage; transfert du contrat; constatation arbitraire des faits; art. 18 C0; 95 et 105 LTF

Constatation arbitraire des faits (art. 9 Cst. ; art. 95 et 105 LTF) – Rappel des principes (consid. 2.2).

Transfert d’un contrat de courtage – La détermination de la volonté réelle et commune des parties contractantes au sens de l’art. 18 al. 1 CO, c’est-à-dire procéder à l’interprétation subjective du contrat, est une question de fait. Une telle interprétation ne peut par conséquent être remise en cause devant le Tribunal fédéral qu’en démontrant son caractère arbitraire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (consid. 5.1).

En l’espèce le contrat contenait une clause prévoyant que les prestations de sociétés tierces ne pourraient être facturées que si ces sociétés disposaient des licences, permis et autorisations nécessaires à l’activité de courtage. Tel n’était toutefois pas le cas de la société qui alléguait s’être substituée au courtier dans le contrat. En outre, le contrat prévoyait également que toute modification devait se faire par écrit, de sorte que la thèse d’un transfert du contrat par actes concluants pouvait être rejetée sans arbitraire (consid. 5.2).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

Procédure

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TF 4A_610/2022 du 24 novembre 2022

Contrat de société simple; apport dans la société simple; dénonciation du contrat; droit applicable au contrat; art. 530 ss CO; 117 LDIP

Contrat de société simple (art. 530 ss CO) – Le couple qui, après avoir réalisé qu’il n’était pas en mesure d’acquérir lui-même l’immeuble qui l’intéressait, met à disposition des fonds à un tiers apte à l’acquérir, à condition que ces fonds lui soient restitués et que la jouissance de l’immeuble soit partagée entre le couple et le tiers, conclut avec ce tiers un contrat de société simple. L’économie du contrat se résume ainsi à une mise en commun de certaines ressources et capacités (liquidités d’une part ; capacité à acquérir un bien immobilier d’autre part) dans l’optique d’un but commun (partage de la jouissance du bien immobilier). La mise à disposition de la capacité à acquérir un immeuble peut constituer un apport au sens de l’art. 531 CO. En effet, la notion juridique est relativement large et  appréhende toute prestation susceptible de favoriser la réalisation du but social. En l’absence d’une clause permettant au couple d’exiger de se faire remettre la propriété du bien à première réquisition, une acquisition à titre fiduciaire par le tiers est exclue (consid. 4).

Droit applicable (art. 117 LDIP) – Le droit suisse est applicable à la société simple, nonobstant le domicile étranger du couple partie au contrat. Le but de la société simple était d’acquérir, puis de jouir d’un immeuble en Suisse. L’associé chargé de gérer l’immeuble était domicilié en Suisse. Le centre de gravité de la société simple se trouvait ainsi en Suisse, lieu de situation de l’immeuble et lieu de l’administration effective de la société simple (consid. 3.2 et 5).

Dénonciation du contrat de société simple (art. 546 CO) – Le fait que les instances cantonales ont considéré la demande de remboursement orale du couple comme une dénonciation du contrat de société simple ne prête pas le flanc à la critique, la forme écrite n’étant pas exigée (consid. 6.2).

Société simple

Société simple

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TF 4A_325/2022 du 22 novembre 2022

Droit d’emption et donation; cas clair; promesse de donation; révocation; art. 216a, 239 ss CO; 959 CC; 257 CPC

Cas clair (art. 257 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.1). Le TF doit se pencher sur la possibilité de trancher par la voie du cas clair l’attribution de la propriété au bénéficiaire d’un pacte d’emption portant sur une vraisemblable donation mixte.

Droit d’emption – Rappel des principes. Les droits d’emption sur des immeubles peuvent être annotés au registre foncier (art. 216a CO ; art. 959 CC) (consid. 4.2). Le droit d’emption en tant que tel peut être octroyé à titre onéreux ou gratuit. La rémunération (le prix du droit d’emption) constitue la contrepartie de l’engagement de la propriétaire et de son obligation de s’abstenir, pendant la durée du droit d’emption, de tout acte susceptible d’empêcher un achat. Cette question est indépendante de celle de savoir si le contrat de vente envisagé constitue une vente ou une donation mixte (consid. 6.3.1 et 6.3.2).

Donation immobilière – Est considérée comme une donation toute attribution entre vifs par laquelle une personne enrichit une autre personne de son patrimoine sans contrepartie correspondante (art. 239 al. 1 CO). L’art. 242 CO régit la donation de main à main, sachant qu’en cas de propriété foncière, une donation n’est réalisée qu’avec l’inscription au registre foncier (al. 2). Cette inscription présuppose une promesse de donation valable (al. 3). Selon l’art. 243 al. 1 CO, la promesse de donation doit revêtir la forme écrite pour être valable. Si des immeubles font l’objet de la donation, la validité de celle-ci requiert, selon l’art. 243 al. 2 CO, l’établissement d’un acte authentique (consid. 4.3).

Révocation d’une promesse de donation – Une promesse de donation peut en général – et également en ce qui concerne les immeubles – être révoquée si l’une des conditions des art. 249 et 250 CO est réalisée. Si la promesse de donation a déjà été exécutée, la donatrice est limitée aux motifs de révocation décrits à l’art. 249 CO. La révocation peut intervenir pendant une année à compter du moment où la donatrice a eu connaissance du motif de révocation (art. 251 al. 1 CO) (consid. 4.3).

En l’espèce, le fait que le droit d’emption, accordé à titre gratuit, ait été exécuté et annoté au registre foncier ne rend pas la situation claire au sens de l’art. 257 CPC. En effet, il convient notamment de déterminer si le contrat de vente envisagé dans la promesse constitue bien une donation mixte et si les motifs de la révocation de l’art. 250 CO peuvent encore être invoqués, alors que le transfert de propriété n’a pas encore été inscrit au registre foncier, mais le pacte d’emption l’a bien été (consid. 6.3.3).

Donation

Donation

Contrat de vente

Contrat de vente

Procédure

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TF 4A_115/2021 du 22 novembre 2022

Contrat de courtage; rémunération du courtier; conclusion de la vente avec un tiers proche de la partie intéressée; motivation de l'appel; art. 413 CO; 311 al. 1 CPC

Rémunération du courtier (art. 413 CO) – Selon cette disposition, le courtier a droit à son salaire dès que l’indication qu’il a donnée ou la négociation qu’il a conduite aboutit à la conclusion du contrat. Le droit au salaire du courtier suppose un lien de causalité entre l’activité du courtier et la conclusion effective du contrat principal ; un lien psychologique entre les efforts du courtier et la décision du tiers est toutefois en principe suffisant. Le lien psychologique peut exister même si les négociations ont été rompues entre-temps, respectivement même si le courtier n’a pas été impliqué jusqu’à la conclusion du contrat ou encore si un autre courtier est intervenu entre-temps. Le lien psychologique est toutefois rompu, lorsque l’activité du courtier n’a pas abouti à un résultat, que les négociations ont été définitivement rompues et que la vente a finalement été conclue sur une toute nouvelle base (consid. 3, première partie).

Conclusion de la vente avec un tiers proche de la partie intéressée – Le courtier a également droit aux honoraires, lorsque le contrat de vente est finalement conclu avec une personne proche de la partie initiale acquéresse que le courtier avait amenée dans un premier temps. Un tel cas se présente lorsqu’il existe une relation économique ou socio-personnelle si étroite entre l’acheteur final et la partie initiale qu’ils forment en quelque sorte une unité. Cette condition est remplie lorsque, au lieu de la partie initiale, une société à laquelle elle participe conclut le contrat ou si elle et le tiers acquéreur appartiennent au même ménage ou à la même famille. Dans de telles circonstances, on peut supposer, sur la base de l’expérience générale de la vie, qu’en raison des liens économiques ou personnels existant entre l’intéressé initial et l’acquéreur final, l’activité du courtier a également influencé ce dernier (consid. 3, deuxième partie).

En l’espèce, le bien a finalement été acheté par une société dont l’intéressé initial détenait 34 % et le concubin de celui-ci quelque 33 %, de sorte qu’il n’est pas arbitraire de retenir que le lien de causalité psychologique n’a pas été rompu et que le salaire du courtier est dû (consid. 5).

Obligation de motivation de l’appel (art. 311 al. 1 CPC) – Rappel des principes (consid. 6.3).

Reprise de la dette du salaire du courtier – Le courtier peut diriger son action en paiement du salaire envers l’intéressée initiale, lorsque celle-ci a accepté de payer la commission en libérant les vendeurs (consid. 7 et 8).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

Procédure

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TF 5A_378/2022 du 17 novembre 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; droit à l’inscription après la résiliation du contrat; art. 839 al. 1 CC

Droit à l’inscription d’une HLAE (art. 839 al. 1 CC) – L’hypothèque des artisans et des entrepreneurs peut être inscrite à partir du jour où ceux-ci se sont obligés à exécuter le travail ou les ouvrages promis. Le droit à l’inscription de l’hypothèque ne dépend donc pas du fait que l’artisan ou l’entrepreneur a effectivement exécuté sa prestation ou commencé à l’exécuter. L’objet de l’action en inscription de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs n’est en effet pas de fixer la créance en paiement de ceux-ci en tant que telle, mais uniquement le montant à concurrence duquel l’immeuble devra répondre, à savoir le montant du gage ou, en d’autres termes, l’étendue de la garantie hypothécaire. Le montant de la rémunération convenue contractuellement est ainsi susceptible d’être inscrit à ce titre au registre foncier, que les travaux aient été exécutés ou qu’ils doivent l’être n’étant déterminant que sous l’angle de l’exécution du gage lui-même.

La garantie relative aux travaux qui doivent encore être exécutés ne peut en revanche être inscrite qu’aussi longtemps que ceux-ci sont encore dus. A supposer ainsi que l’obligation d’exécution de l’artisan ou l’entrepreneur prenne fin (p. ex. en raison d’une résiliation anticipée du contrat), son travail n’est plus dû et ne sera définitivement plus exécuté ; la garantie hypothécaire couvrant celui-ci ne se justifie donc plus (consid. 3.3).

En l’espèce, vu la résiliation anticipée du contrat d’entreprise, la garantie hypothécaire sollicitée ne peut porter que sur les travaux effectués antérieurement à ladite résiliation (consid. 3.4).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 5A_79/2022 du 16 novembre 2022

Propriété par étages; droit de veto concernant des travaux de construction; art. 647d, 712g CC

Travaux de construction dans une PPE (art. 712g en lien avec 647d CC) – Rappel des principes. Les travaux de réfection et de transformation destinés à augmenter la valeur de la chose ou à améliorer son rendement ou son utilité sont décidés à la majorité de tous les copropriétaires représentant en outre, leurs parts réunies, plus de la moitié de la chose. Les modifications ayant pour effet de gêner notablement et durablement, pour un copropriétaire, l’usage ou la jouissance de la chose selon sa destination actuelle ou qui en compromettent le rendement ne peuvent pas être exécutées sans son consentement (art. 647d al. 2 CC). Cette disposition est de nature impérative, de sorte que le copropriétaire ou le propriétaire par étage dispose ainsi d’un droit de veto lui permettant de s’opposer à des charges qui sont excessives par rapport à celles des autres membres de la communauté. Ces charges notables et durables doivent être objectives et ressenties comme telles par un être humain moyen. Il faut en particulier tenir compte des situations dans lesquelles l’usage ou l’utilisation de la chose aux fins prévues jusqu’alors deviennent non rentable, c'est-à-dire que les travaux envisagés détériorent la possibilité de louer un appartement ou de le revendre (consid. 3.1, y compris in fine une casuistique dans la jurisprudence fédérale et cantonale).

En l’espèce, le propriétaire d’étage d’un appartement au rez-de-chaussée était fondé à faire usage de son droit de véto au sens de l’art. 647d al. 2 CC concernant un projet de construction d’une nouvelle entrée de l’immeuble et d’un ascenseur. En effet, la construction de cette entrée impliquait un nouveau passage donnant directement sur la cuisine et la salle à manger de l’appartement du rez-de-chaussée et engendrait ainsi une perte d’intimité, des nuisances sonores supplémentaires, la perte d’une vue dégagée ainsi qu’une perte de lumière naturelle. Il ne fait en outre aucun doute que le propriétaire concerné était nettement plus touché que les propriétaires des autres unités d’étages. Le fait que le projet de construction constitue la seule possibilité architecturale pour l’installation d’une entrée avec ascenseur n’est pas pertinent (consid. 3.2 et 3.5.2).

PPE

PPE

TF 2C_249/2022 du 15 novembre 2022

Assurance immobilière; droit d’être entendu; arbitraire; art. 9 et 29 al. 2 Cst.

Droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) – Rappel des principes (consid. 3.1).

En présence d’un toit qui ne présente pas de traces de grêle, l’établissement public d’assurances ne viole pas le droit d’être entendu du propriétaire en renonçant, dans le cadre d’une appréciation anticipée des preuves, à une expertise visant à établir le lien entre l’évènement naturel et le dommage invoqué (consid. 3.2).

Arbitraire dans l’établissement des faits ou l’appréciation des preuves (art. 9 Cst.) – Rappel des principes (consid. 4.2).

En l’espèce, il n’est pas arbitraire de retenir que des griffures blanches sur le toit, respectivement des stries blanches ne sont pas des signes de grêle. De plus, il n’est pas non plus arbitraire de considérer que des infiltrations d’eau au niveau des fenêtres ne sont pas le fait d’une tempête, lorsqu’aucun dommage n’a été constaté sur le toit (consid. 4.3.3 et 4.4).

Assurance immobilière

Assurance immobilière

TF 5A_525/2020 du 14 novembre 2022

Servitude; libération judiciaire; Art. 736-738 CC; 18 CO

Libération judiciaire pour perte d’intérêt (art. 736 CC) – Rappel des principes (consid. 2.1).

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC en relation avec les art. 18 CO et 973 al. 1 CC) – Rappel des principes (consid. 2.2).

Le Tribunal fédéral se penche sur l’utilité actuelle d’une servitude de 1913 prévoyant un droit d’usage d’un quai avec deux places pour les bateaux, au bord du lac de Lugano. Alors que le fond servant est resté inchangé depuis l’inscription, le fonds dominant a été divisé. La parcelle ayant accès au quai ne comporte plus d’habitation, cette dernière ayant été intégrée à une parcelle voisine. Si le Tribunal fédéral concède qu’une servitude d’utilisation d’un quai peut exister au profit d’une parcelle vierge d’habitation, il constate, dans le cadre d’une interprétation subjective du contrat de servitude, qu’il est expressément précisé que celle-ci est concédée pour permettre la desserte de la maison du fonds dominant. Par conséquent, la servitude a perdu toute utilité pour le fonds dominant qui est désormais vierge d’habitation et doit être radiée (consid. 3.5).

Servitude

Servitude

TF 5A_311/2022, 5A_437/2022 du 09 novembre 2022

Propriété par étages; décision de nomination d’un représentant de la communauté des propriétaires d’étages; incapacité de postuler; art. 93 LTF; 12 LLCA

Décision incidente (art. 93 LTF) – La décision de nommer un représentant de la communauté des propriétaires d’étage doit être qualifiée d’incidente au sens de l’art. 93 LTF (consid. 2.1.2).

Recours contre une décision incidente – Rappel des principes (consid. 2.2.1).

Décision sur incapacité de postuler – Lorsque la décision incidente interdit à l’avocat mandaté par une partie de procéder en tant que représentant de celle-ci, elle cause un préjudice irréparable au mandant de l’avocat. Cette partie est en effet privée du droit de faire défendre ses intérêts par l’avocat de son choix. L’avocat évincé peut aussi former un recours immédiat. A l’inverse, le recours n’est en principe pas ouvert lorsque l’exception tirée de l’incapacité de postuler est rejetée (consid. 2.2.2).

En l’occurrence, l’avocat a été nommé représentant de la communauté des propriétaires d’étages, pour la représenter dans le cadre de procédures en annulation de décisions de PPE et défendait par ailleurs les autres propriétaires individuellement. Or, le propriétaire d’étage, partie adverse dans ces procédures, qui soulevait l’exception d’incapacité de postuler, ne parvenait ni à démontrer l’existence d’intérêts divergents entre la communauté et les autres propriétaires représentés, ni en quoi un tel conflit lui porterait atteinte. Le rôle de l’avocat ainsi nommé est de soutenir la position procédurale de la communauté à l’encontre du propriétaire d’étage qui a lancé les procédures en annulation de certaines décisions de la PPE. Cela a pour conséquence qu’il ne peut adopter une position neutre et impartiale à l’égard de l’ensemble des propriétaires d’étages, et en particulier à l’égard du propriétaire d’étage opposé à la communauté dans les procédures susmentionnées (consid. 2.4).

PPE

PPE

Procédure

Procédure

TF 5A_719/2022 du 03 novembre 2022

Droits de voisinage; distance en matière de plantations; art. 5, 684, 688 CC

Distances en matière de plantations (art. 688 CC) – Selon l’art. 688 CC, la législation cantonale peut déterminer la distance que les propriétaires sont tenus d’observer dans leurs plantations selon les diverses espèces de plantes et d’immeubles. Il s’agit d’une réserve expresse de compétence cantonale au sens de l’art. 5 CC. Si les plantations ne respectent pas les distances prévues par le droit cantonal, leur élimination peut être exigée sans qu’il soit nécessaire de prouver des atteintes excessives au sens de l’art. 684 CC. Le droit cantonal peut, mais ne doit pas limiter dans le temps les prétentions en suppression de plantations, en les soumettant à un délai de prescription (consid. 3.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral constate que le canton de Thurgovie a fait usage de la possibilité de légiférer offerte par l’art. 688 CC et que cette législation ne limite pas les possibilités d’agir par un délai de prescription. Dans de telles circonstances, l’ordre d’élagage obtenu par les voisins sur la base de la législation cantonale ne peut être attaqué que sous l’angle de l’abus de droit. Or, il n’est pas arbitraire de retenir l’absence de tout comportement de mauvaise foi, lorsque les voisins ont toléré les plantations pendant de nombreuses années, avant de finalement exiger leur élagage, cette durée ne créant pas d’attente légitime chez le propriétaire des plantations concernées. Seul un réel comportement contradictoire et donc des circonstances particulières auraient pu empêcher les voisins de faire valoir leurs droits (consid. 4.3).

Nuisances

Nuisances

TF 4D_73/2021 du 02 novembre 2022

Contrat de vente; défauts; prescription; principe de disposition; art. 210 et 219 CO; 58 CPC

Principe de disposition (art. 58 CPC) – Le grief de violation du principe de disposition est irrecevable dans le cadre d’un recours constitutionnel subsidiaire, puisque ce principe n’est pas un droit constitutionnel (consid. 4.2.1).

Prescription de l’action en garantie des défauts (art. 219 al. 3 CO) – L’action en garantie pour les défauts d’un bâtiment se prescrit par cinq ans à compter du transfert de propriété. Le vendeur ne peut invoquer la prescription s’il est prouvé qu’il a induit l’acheteur en erreur intentionnellement (art. 210 al. 6 CO). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en cas de dol, les droits à la garantie sont soumis à la prescription décennale de l’art. 127 CO (consid. 5.1 et 5.1.1).

Dol – L’intention frauduleuse est admise lorsque le vendeur a sciemment omis de révéler l’existence d’un défaut à l’acheteur, qui l’ignorait et n’aurait pas pu le découvrir en raison de sa nature cachée, alors que le vendeur savait que ce défaut était important pour l’acheteur. La dissimulation doit être intentionnelle, le dol éventuel suffit. Le vendeur doit avoir eu effectivement connaissance du défaut ; l’ignorance, même lorsqu’elle résulte d’une négligence grave, doit être prise en compte (consid. 5.1.2-5.1.3).

En l’espèce, le vendeur de terres agricoles s’est fondé sur les données du registre foncier pour remplir la rubrique du formulaire destiné à la Commission foncière agricole relative à la surface agricole utile (SAU) au sens de l’art. 14 de L’Ordonnance sur la terminologie agricole (OTerm). Bien qu’il est admis que la SAU ne corresponde pas toujours à ce qui est inscrit au RF, cela ne suffit pas à prouver que le vendeur aurait eu conscience et volonté de tromper l’acheteur (consid. 5.3.1.1 à 5.3.2).

Contrat de vente

Contrat de vente

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Procédure

Procédure

TF 5D_78/2022, 5D_79/2022 du 31 octobre 2022

Revendication; nullité d’une décision rendue contre des parties indéterminées ; répartition des frais judiciaires; art. 641 al. 2 CC; 59, 66, 106 ss CPC

Nullité d’une décision – La nullité absolue d’une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d’office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables ; sa constatation ne doit pas mettre sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu’à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d’annulabilité n’offre manifestement pas la protection nécessaire. Une décision d’emblée inexécutable est frappée de nullité.

Il existe une grande diversité de situations dans lesquelles une décision nulle peut influer sur la validité de décisions postérieures relevant d’autres autorités. On ne peut donc pas énumérer toutes les autorités qui, amenées à rendre une décision ultérieure (par exemple une décision d’exécution), pourront constater à titre préjudiciel que la décision initiale est affectée d’un tel vice. La théorie de la nullité n’implique toutefois pas que n’importe quelle autorité est compétente pour constater la nullité, au mépris des règles gouvernant sa saisine (consid. 3.1).

Décision rendue contre des parties indéterminées dans une action en revendication – Dans le cadre d’une action en revendication au sens de l’art. 641 al. 2 CC, le Tribunal fédéral a considéré que l’opposabilité de l’exécution forcée à des occupants sans droit qui ne seraient pas parties à la procédure civile ne paraît pas d’emblée exclue. Il n’en demeure pas moins que l’action en revendication en tant que telle ne peut être intentée que contre celui qui possède la chose au moment de l’ouverture de l’action, soit une personne déterminée. En droit du bail également, le Tribunal fédéral a considéré que la notion de dépendance de tiers à expulser doit se déterminer en fonction d’une partie défenderesse déterminée. Admettre le contraire conduirait à passer outre l’examen d’une condition tant de recevabilité que matérielle de l’action, le juge ne pouvant contrôler ni la capacité d’être partie ni la légitimation des personnes en cause. Une décision qui serait rendue à l’encontre d’une partie défenderesse indéterminée est inexécutable et le but du procès civil n’est pas réalisable. Une telle décision est donc frappée de nullité (consid. 3.2).

En l’espèce, une décision rendue contre un « collectif » qui n’est pas une personne morale et dont l’identité des personnes physiques reste inconnue est nulle ; elle viole l’essence même du procès civil.

Répartition des frais (art. 106 ss CPC) – L’art. 107 al. 1 CPC ne règle la répartition des frais, en dérogeant au principe prévu par l’art. 106 CPC, qu’entre les parties au procès. Cette disposition dérogatoire ne peut pas être appliquée pour mettre les frais à la charge d’un tiers. Un avocat ne peut se voir imposer des frais en application de cette disposition (consid. 3.3.2).

Frais inutiles (art. 108 CPC) – Les frais causés inutilement sont mis à la charge de la personne – y compris les tiers qui ne sont pas parties – qui les a engendrés, indépendamment du sort de la cause. Sont inutiles les frais qui ne servent aucunement à la résolution du litige ou occasionnés de manière contraire au principe d’économie de la procédure. Il s’agit en premier lieu de ceux qui, par le comportement d’une partie ou d’un tiers pendant le procès, viennent s’ajouter aux frais usuels ou qui seraient de toute façon encourus. Ainsi, les frais engendrés dans une procédure qui a été menée par un falsus procurator pour une partie qui ne l’a pas mandaté sont à la charge du représentant sans pouvoirs. Seuls les frais que celui-ci a inutilement causés peuvent être mis à sa charge, au sens de l’art. 108 CPC.

En l’espèce, même si le premier juge avait, au moment de rendre sa décision, retenu l’irrecevabilité de la requête, aucuns frais n’auraient pu être mis à la charge des avocats. En effet, la requête engagée sans connaître l’identité de la partie intimée et l’instruction menée par le premier juge contre des personnes inconnues – la citation à comparaître ne comportait aucun nom et ce magistrat n’a nullement signifié aux recourants que, leur procuration ne mentionnant pas les noms des personnes représentées, il n’accepterait pas qu’ils procèdent et ne prendrait pas en considération leurs déterminations – relèguent à l’arrière-plan le comportement des recourants, qui se sont du reste limités à comparaître à l’audience déjà prévue et à déposer des déterminations sur la requête. On ne voit dès lors pas quels frais causés inutilement doivent être imputés aux recourants, étant précisé que la causalité ne peut se juger que par rapport à leur propre comportement de représenter une partie qui ne veut pas dévoiler son identité, et non par rapport au comportement illicite de la partie qui a donné lieu à la procédure d’évacuation, l’art. 108 CPC n’ayant nullement vocation à protéger le justiciable des difficultés de recouvrement contre sa partie adverse.

Analyse de François Bohnet , Simon Varin

La nullité d’une décision rendue contre un « collectif » et des personnes indéterminées et l’imputation des frais de procédure à leurs mandataires

Procédure

Procédure

Propriété/Possession

Propriété/Possession

TF 5A_323/2022 du 27 octobre 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; sûretés suffisantes; art. 839 al. 3 CC

Sûretés suffisantes (art. 839 al. 3 CC) – Le propriétaire foncier peut empêcher l’inscription provisoire ou définitive d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs s’il fournit des sûretés suffisantes au sens de l’art. 839 al. 3 CC. Ces sûretés peuvent être personnelles (garantie bancaire, cautionnement, autre garantie fondée sur le droit des obligations) ou réelles (consignation d’un montant ou nantissement d’autres valeurs). Pour être « suffisantes », les sûretés qui tiennent lieu d’inscription d’une hypothèque légale doivent garantir pleinement la créance : elles doivent ainsi offrir qualitativement et quantitativement la même couverture que l’hypothèque des artisans ou entrepreneurs. Du point de vue quantitatif, l’hypothèque légale des artisans ou entrepreneurs offre au créancier une sécurité pour le capital et les intérêts moratoires et, le cas échéant, pour les intérêts contractuels. En tant que les intérêts moratoires ne sont pas limités dans le temps, la jurisprudence retient que les sûretés tenant lieu d’inscription d’une hypothèque doivent également offrir une sécurité illimitée pour les intérêts moratoires (cf. ATF 142 III 738) (consid. 3.3 – 3.3.2).

Critiquée en doctrine, cette jurisprudence a donné lieu à une procédure de révision législative, laquelle limite à dix ans les intérêts moratoires compris dans les sûretés prévues à l’art. 839 al. 3 CC (consid. 3.3.2.2). La jurisprudence admet que, dans certains cas, une révision législative en cours peut être prise en compte lors de l’interprétation d’une norme (consid. 3.3.3).

Dans le cas d’espèce, le montant des sûretés consignées par les propriétaires comprend les intérêts moratoires sur une durée de dix ans. Le comportement de l’entrepreneur qui se fonde sur la jurisprudence publiée précitée pour invoquer l’insuffisance des sûretés versées et solliciter ainsi le maintien de l’inscription provisoire de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne peut pas être constitutif d’abus de droit. Toutefois, la cour cantonale pouvait se référer au projet législatif en cours pour s’écarter de la jurisprudence fédérale et considérer, sans arbitraire, que les sûretés garantissant ici la créance de l’entrepreneur ainsi que les intérêts moratoires sur dix ans étaient suffisantes (consid. 3.4).

Analyse de Carol Simona Rothenfluh

Quantifizierung der « hinreichenden Sicherheit » gemäss Art. 839 Abs. 3 ZGB bezüglich Verzugszinse, Besprechung des Urteils 5A_323/2022 des Bundesgerichts

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 5A_342/2022 du 26 octobre 2022

Responsabilité civile; caractère réformatoire de l’appel et conclusions de l’appel; art. 311 ss CPC

Conditions de l’appel (art. 311 CPC) – Rappel des principes (consid. 2.1.1). Caractère réformatoire de l’appel (art. 316 et 318 CPC) – Rappel des principes (consid. 2.1.2 et 4.3-4.4). Formalisme excessif – Rappel des principes (consid. 2.1.3). Formalisme excessif en matière de conclusions de l’appel – Casuistique (consid. 2.1.3.1 et 2.1.3.2).

En l’espèce, l’appelant a uniquement conclu, au stade de l’appel, à l’admission de sa demande de première instance, en violation de l’obligation de prendre des conclusions réformatoires qui puissent être reprises dans le dispositif du jugement d’appel. Toutefois, une interprétation selon les règles de la bonne foi, respectivement sans formalisme excessif, permettait de déterminer sans difficulté ce que le recourant visait par son appel, à savoir l’obligation de l’intimé de verser le montant chiffré dans la demande présentée devant la première instance. Par conséquent, le Tribunal cantonal ne pouvait pas refuser d’entrer en matière sur cet appel (consid. 3.2).

Procédure

Procédure

Responsabilité civile

Responsabilité civile

TF 4A_220/2022 du 19 octobre 2022

Convention collective de travail; assujettissement d’un employé à une convention collective de travail; art. 357 CO; CCT-SOR

Interprétation d’une CCT (art. 357 CO) – Rappel des principes. Les clauses relatives à la conclusion, au contenu et à l’extinction des contrats individuels de travail ont, pour la durée de la convention, un effet direct et impératif envers les employeurs et travailleurs qu’elles lient. Elles sont appelées clauses normatives. Elles doivent être interprétées de la même manière qu’une loi (consid. 3.1.1).

Application à un employé de la Convention collective de travail du second œuvre romand (CCT–SOR) – Une société, active dans un domaine visé par la CCT-SOR, soit celui de la menuiserie et de l’ébénisterie, engage un travailleur qualifié de manœuvre pour des tâches de nettoyage et d’entretien, de gestion des stocks de matériel, de livraisons, de contrôle de fermeture des portes d’accès, etc.

Le terme « personnel d’exploitation » est utilisé par opposition au personnel administratif ou de bureau. Ainsi, l’argumentation de la société, selon laquelle l’intimé n’était pas soumis à la CCT-SOR parce qu’il n’effectuait pas de travail de menuiserie et qu’il n’effectuait qu’exceptionnellement des livraisons d’éléments devant ensuite être montés par d’autres employés, ne saurait être suivie. L’art. 18 CCT-SOR vise notamment les manœuvres, soit les travailleurs effectuant des tâches ne nécessitant pas de formation. La régularité de la présence de l’employé sur les chantiers n’est dès lors pas déterminante. En raison des livraisons effectuées par l’employé, celui-ci n’était pas exclusivement actif dans les parties technique et commerciale de la société, étant précisé que la CCT-SOR ne prescrit pas de déterminer l’activité prépondérante du travailleur. C’est dès lors à bon droit et sans arbitraire que la cour cantonale a considéré que le rapport de travail litigieux était soumis à la CCT-SOR (consid. 3.4).

Convention collective de travail (CCT)

Convention collective de travail (CCT)

TF 5A_163/2022 du 14 octobre 2022

Servitude d’empiétement; conditions pour l’inscription d’une servitude d’empiétement; décision sur indemnité équitable; art. 674 CC

Décision sur indemnité équitable – Une décision réformatrice du TF n’entre en ligne de compte pour l’octroi d’une indemnité équitable en contrepartie de l’inscription d’une servitude que si l’instance précédente s’est penchée sur la question de l’indemnisation. Par ailleurs, les demandes en justice portant sur une somme d’argent doivent être chiffrées ; une demande de fixation d’une indemnité équitable ne suffit pas (consid. 1.4).

Servitude d’empiètement (art. 674 al. 1 et 3) – Rappel des principes. Le propriétaire d’un ouvrage se trouvant sur le fonds d’autrui doit se laisser imputer la connaissance de l’illégalité, c’est-à-dire l’absence de bonne foi de son prédécesseur qui a construit l’ouvrage, dès lors que les droits issus de l’art. 674 al. 3 sont de nature propter rem (consid. 3.2).

De plus, les circonstances du cas d’espèce ne justifient pas que le propriétaire du fonds lésé accorde une servitude pour assurer la pérennité de l’escalier construit par le voisin sur son fonds. En particulier, cette structure n’est pas absolument nécessaire, puisque que le voisin dispose d’un escalier intérieur, respectivement qu’il pourrait aussi, le cas échéant, construire un escalier sur le côté nord de sa parcelle (consid. 3.2 et 3.4).

Servitude

Servitude

Procédure

Procédure

TF 5A_650/2022 du 13 octobre 2022

Droit foncier rural; poursuite en réalisation du gage; notification du commandement de payer; entreprise agricole exploitée en commun par les époux; art. 40 LDFR; 153 LP; 169 CC; 14 LPart

Notification du commandement de payer dans la poursuite en réalisation du gage – L’art. 153 al. 2 let. b LP ne comporte aucune lacune, en ne mentionnant pas l’art. 40 LDFR concernant l’aliénation de l’entreprise agricole exploitée en commun par les époux. Les formes de communauté d’intérêts entre époux, notamment économiques, ne bénéficient pas de la protection réservée au logement de famille au sens des art. 169 CC et 14 LPart. Ainsi, le commandement de payer ne doit être notifié à l’époux que si l’entreprise agricole grevée coïncide avec le logement de famille (consid. 3.3).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

LP

LP

Publication prévue

Publication prévue

TF 2C_601/2021 du 11 octobre 2022

Droit foncier agricole; autorisation d’acquérir un immeuble agricole; art. 61 ss LDFR

Autorisation d’acquérir un immeuble agricole (art. 61 ss LDFR) – Rappel des principes (consid. 4.1). Selon l’art. 64 al. 1 LDFR, lorsque l’acquéreur n’est pas personnellement exploitant, l’autorisation lui est accordée s’il prouve qu’il y a un juste motif pour le faire. Il s’agit là d’une notion juridique indéterminée, qui doit être concrétisée en tenant compte des circonstances du cas particulier et des objectifs de politique agricole du droit foncier rural (consid. 4.2). Si les cas de figure présentés à l’art. 64 al. 1 LDFR sont réalisés, l’autorisation doit être accordée. L’autorité compétente ne dispose d’aucune marge d’appréciation à cet égard (consid. 4.4).

En l’espèce, les parcelles en cause constituent des immeubles agricoles et sont exploitées en la forme agricole, puisque les équidés d’une fondation y paissent. Les animaux dont s’occupe cette fondation ont ceci de particulier qu’ils ne relèvent ni de l’élevage ni de la garde puisqu’il s’agit d’équidés recueillis, âgés ou handicapés ou placés à la Fondation à la suite de séquestres effectués par les autorités compétentes en raison de maltraitance, de négligence ou en l’absence de mise en conformité d’installations avec la législation sur la protection des animaux. Or, il faut considérer que l’utilité publique de la Fondation, reconnue au sens du droit fiscal, est pertinente dans le cadre de l’examen et qu’une telle reconnaissance peut constituer un juste motif au sens de l’art. 64 al. 1 LDFR (consid. 4.5). Cette solution est renforcée par le fait que les écuries de la fondation jouxtent les parcelles concernées et que la fondation dispose d’une base fourragère importante (consid. 4.6).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

TF 2C_654/2022 du 28 septembre 2022

Marchés publics; délai de recours au Tribunal fédéral; art. 46 et 132 LTF

Délai de recours au TF (art. 46 al. 2 let. e et 132 LTF) – Selon l’art. 46 al. 2 let. e LTF, les délais ne sont pas suspendus pendant les féries, en matière de marchés publics. Conformément à l’art. 132 al. 1 LTF, cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, s’applique à toutes les procédures d’adjudication de la Confédération si la décision attaquée a été rendue après cette date, indépendamment du fait que les procédures ont été engagées sous l’empire de l’ancienne LMP ou de la LMP totalement révisée (consid. 3 et 4).

Procédure

Procédure

Marchés publics

Marchés publics

TF 4A_473/2021 du 27 septembre 2022

Contrat d’entreprise; livraison de l’ouvrage; représentation du maître de l’ouvrage; Norme SIA; compensation; art. 33, 120 et 372 CO; 33 al. 2 Norme SIA 118

Livraison de l’ouvrage (art. 372 CO) – Sous réserve d'un accord contraire, le client doit payer la rémunération à la livraison de l’ouvrage. La livraison présuppose que l’ouvrage est achevé. C’est le cas lorsque l’entrepreneur a exécuté tous les travaux convenus, c’est-à-dire lorsque l’ouvrage est achevé. Le fait qu’il soit exempt de défauts ne joue en revanche aucun rôle. L’ouvrage est livré par sa remise ou par la communication expresse ou tacite de l’entrepreneur selon laquelle il est achevé. La livraison correspond, du point de vue de l’acheteur, à la réception de l’ouvrage. Une volonté particulière de réception de l’acheteur ou de son représentant n’est pas nécessaire. Si l’acheteur met l’ouvrage en service, celui-ci est considéré comme livré. En outre, en cas de fin anticipée du contrat, que ce soit à la suite d’une résiliation ou d’une annulation d’un commun accord, l’ouvrage est réputé livré en l’état, ce qui déclenche les conséquences juridiques liées à la livraison (consid. 3.2.1).

Interprétation d’un contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 3.2.2).

En l’espèce, le maître de l’ouvrage a envoyé une confirmation de commande pour une certaine qualité de vitrage sur la base d’une offre qui spécifiait expressément ladite qualité. Par conséquent, on ne peut pas retenir que le contrat aurait été conclu pour une qualité supérieure en raison d’offres antérieures. Selon les règles de la bonne foi, il incombe au maître, représenté par un architecte, d’examiner les offres sur les points essentiels, en particulier s’agissant du respect des standards Minergie, respectivement de demander des renseignements en cas de doutes (consid. 3.3.2). Puisque le contrat a été exécuté de manière conforme, il n’y a pas de défaut et le maître n’était pas fondé à empêcher la fin des travaux, respectivement à les faire terminer par un tiers (consid. 3.4).

Représentation (art. 33 al. 2 Norme SIA 118 et art. 33 al. 3 CO) – Lorsque la norme SIA 118 s’applique, l’art. 33 al. 2 de cette norme prévoit que toutes les déclarations de volonté de la direction des travaux concernant l’ouvrage sont juridiquement contraignantes pour le maître d’ouvrage, notamment les commandes et la conclusion du contrat d’entreprise. En l’espèce, l’argumentaire du maître de l’ouvrage selon lequel le pouvoir de représentation était limité au contrôle des entrepreneurs est ainsi contredit. De plus, les tâches effectuées par la direction des travaux allaient bien au-delà de ce contrôle et correspondent à une communication du pourvoir de représentation implicite au sens de l’art. 33 al. 3 CO (consid. 3.3.3).

Compensation (art. 120 CO) – Rappel des principes (consid. 4.1). Les prétendues créances compensatrices de maître se fondent en l’espèce sur l’hypothèse de l’existence d’un défaut, lequel n’existe pas, de sorte que l’exception de compensation doit être rejetée (consid. 4.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

Normes SIA

Normes SIA

TF 4A_161/2021 du 27 septembre 2022

Responsabilité civile; maxime des débats et principe de disposition; art. 55 et 58 CPC

Maxime des débats et principe de disposition (art. 55 et 58 CPC) – Rappel des principes (consid. 3).

En l’occurrence, une importante coulée de boue et de débris entreposés sur les parcelles en amont a causé des dommages sur une parcelle en contrebas. Or, le simple fait qu’il est admis que l’assurance des propriétaires de la parcelle endommagée applique une franchise de CHF 10'000.- ne suffit pas à lui seul à prouver un préjudice dont les propriétaires des parcelles supérieures seraient responsables (consid. 4.1). De même, l’on ne peut se fonder exclusivement sur la consommation d’électricité de l’année précédente pour prouver un dommage à cet égard (consid. 4.3).

Procédure

Procédure

Responsabilité civile

Responsabilité civile

TF 2C_783/2021 du 07 septembre 2022

Droit foncier rural; droit d’être entendu; fait nouveau inadmissible; révocation d’une autorisation d’acquérir; art. 29 Cst.; 99 LTF; 61 ss, 71 LDFR

Droit d’être entendu (art. 29 Cst.) – Rappel des principes (consid. 4.2). Lorsqu’un contrat de vente est nul au sens de l’art. 70 LDFR, celui qui a perdu la propriété des parcelles n’a plus d’intérêt légitime à demander une décision relative à l’assujettissement des parcelles à la Loi sur le droit foncier rural. Partant, l’autorité précédente n’avait donc pas à se prononcer sur le point de la soustraction des parcelles au champ d’application de cette loi, de sorte que le droit d’être entendu de celui qui a perdu la propriété n’a pas été violé (consid. 4.4).

Fait nouveau inadmissible (art. 99 LTF) – Le grief relatif à l’art. 71 al. 2 LDFR, reposant sur un fait qui n’a pas été constaté par les juges précédents, à savoir la date de l’inscription de l’acte au registre foncier, et pour lequel aucune constatation manifestement inexacte ou incomplète des faits n’a été invoquée, il n’est pas entré en matière sur celui-ci (consid. 5).

Révocation de l’autorisation d’acquérir un bâtiment agricole (art. 71 al. 1 LDFR) – La révocation est soumise à deux conditions cumulatives. La première est une condition objective : l’acquéreur doit avoir donné de fausses indications sur des faits juridiquement déterminants pour l’octroi de l’autorisation. Ces fausses indications doivent avoir été causales, en ce sens que l’autorisation aurait dû être refusée si l’autorité compétente avait connu la situation objectivement exacte. La seconde condition est subjective : l’autorisation doit avoir été « captée » (« erschlichen »). Il y a captation lorsque l’intéressé connaît ou doit connaître l’inexactitude de ses indications et qu’il les fait dans le dessein d’obtenir une autorisation qui lui serait sinon refusée. Si, au moment de l’octroi de l’autorisation, l’acheteur sait déjà qu’il n’exploitera pas lui-même l’entreprise ou les immeubles concernés, ou qu’il ne les exploitera que pendant une courte période, et qu’il dissimule ce fait au cours de la procédure d’autorisation, il induit l’autorité chargée de délivrer l’autorisation en erreur au sens de l’art. 71 al. 1 LDFR (consid. 6.2.3).

En l’espèce, non seulement l’acquéreur n’a jamais cultivé les biens-fonds qu’il a achetés, mais il n’a jamais eu l’intention de le faire, puisqu’il les a affermés le jour même de la vente. En outre, il a lui-même déclaré, durant l’instruction de la cause devant la Commission foncière agricole, qu’il n’avait jamais voulu exploiter ces terres et les faits de l’affaire démontrent qu’il a donné ces fausses indications afin d’obtenir l’autorisation litigieuse (consid. 6.4).

Droit foncier rural

Droit foncier rural

Procédure

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TF 4A_137/2022 du 30 août 2022

Contrat d’entreprise; représentation; Norme SIA 118; dénonciation d’instance; art. 32 ss CO; Norme SIA 118; art. 78 et 79 CPC

Représentation civile (art. 32 ss CO) – Rappel des principes (consid. 4).

Procuration apparente (art. 33 al. 3 CO) – En l’absence de pouvoirs internes du représentant, le tiers cocontractant est protégé exceptionnellement lorsque le représenté a porté (expressément ou tacitement) à sa connaissance une procuration (externe) qui va au-delà des pouvoirs qu’il a effectivement conférés au représentant (procuration interne) et que, se fiant à cette communication, le tiers a cru de bonne foi à l’existence des pouvoirs de celui-ci. Le représenté qui a créé l’apparence d’un rapport de représentation ou laissé s’en créer un doit souffrir, en vertu du principe de la confiance (ou de l’apparence efficace), que le tiers de bonne foi lui impute tous les effets des actes accomplis en son nom (consid. 4.1). La communication de la procuration par le représenté au tiers peut être tacite. Il faut que l’attitude du représenté puisse être objectivement comprise comme la communication de pouvoirs au tiers mais il n’est pas nécessaire que le représenté ait conscience de faire une communication, pourvu qu’elle lui soit objectivement imputable en raison des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (consid. 4.3.1).

Selon la jurisprudence, le tiers peut également être protégé en cas de communication externe tacite des pouvoirs par tolérance (Duldung) ou en raison d’une apparence (Anschein). Il y a tolérance lorsque le représenté est au courant des actes du représentant, le laisse agir en tant que tel, ne faisant rien pour l’en empêcher, de sorte qu’il adresse ainsi au tiers une communication de pouvoirs. Il y a apparence, c’est-à-dire procuration externe apparente, lorsque le représenté n’avait pas connaissance qu’une personne agissait en son nom, mais qu’ayant porté l’existence de pouvoirs à la connaissance du tiers, il aurait pu et dû le savoir s’il avait fait preuve de l’attention que les circonstances permettaient d’exiger de lui et qu’il aurait dû réagir (consid. 4.3.1).

En l’espèce, les conditions de l’art. 33 al. 3 CO sont remplies. En effet, la qualité de maître de l’ouvrage du représenté apparaissait sur de nombreux documents (une offre contractuelle, plusieurs avis et ordres de paiement et le contrat litigieux lui-même). Ainsi, le représenté ne peut rien déduire du fait qu’il n’a pas contresigné le contrat litigieux, dès lors que l’entrepreneur pouvait objectivement comprendre qu’une signature du représenté n’était pas nécessaire, puisqu’il était explicitement indiqué que le représentant agissait en tant que tel sur le contrat. Pour cette même raison, il ne peut rien tirer du fait et que les contacts directs et réciproques entre le représenté et le tiers ont été très limités. De plus, le représenté n’a pas réagi à plusieurs courriers contenant une facture dont il estime qu’elle lui a été adressée à tort, n’étant pas lié par le contrat d’entreprise litigieux. Dans ces circonstances, le représenté ne s’est pas montré suffisamment attentif au vu des circonstances. Ainsi, il faut retenir une communication de pouvoirs par le représenté, même si celle-ci n’a jamais été expresse (consid. 4.6).

Intégration Norme SIA 118 – Les parties qui n’évoquent la norme SIA 118 qu’au stade des plaidoiries finales ne l’allèguent que de manière tardive, de sorte qu’il ne peut en être tenu compte (consid. 5).

Dénonciation d’instance (art. 78 et 79 CPC) – Une partie peut dénoncer l’instance à un tiers lorsqu’elle estime, pour le cas où elle succomberait, qu’elle pourrait faire valoir des prétentions contre lui ou être l’objet de prétentions de sa part. Le tribunal n’a pas à vérifier le bien-fondé de la dénonciation. Si le dénoncé refuse d’intervenir ou ne donne pas suite à la dénonciation, le procès suit son cours (consid. 7.1).

En l’espèce, le représentant a choisi de ne pas participer au procès alors que les différentes écritures lui ont été transmises (en appel), de sorte qu’il n’est pas revenu sur le rejet implicite de la dénonciation intervenue en première instance. La dénonciation n’est au surplus pas admissible devant le Tribunal fédéral (consid. 7.2).

Contrat d'entreprise

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Normes SIA

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Procédure

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TF 4A_53/2022 du 30 août 2022

Convention collective de travail; assujettissement d’une société à une convention collective de travail; art. 1 et 7 LECCT

Extension du champ d’application d’une CCT (art. 1 et 7 LECCT) – Le Conseil fédéral a la faculté d’étendre le champ d’application d’une convention collective de travail à tous les employeurs et travailleurs qui appartiennent à la branche économique ou à la profession visée par la convention, mais ne sont pas liés par celle-ci. Le but est d’éviter qu’une entreprise puisse obtenir un avantage concurrentiel en accordant à ses employés de moins bonnes conditions. Font partie de la même branche économique les entreprises qui se trouvent dans un rapport de concurrence direct avec celles qui sont parties à la convention, en ce sens qu’elles offrent des biens ou services de même nature. Pour savoir si une entreprise appartient à la branche économique ou à la profession concernée et entre dans le champ d’application de la convention étendue, il faut déterminer concrètement l’activité généralement déployée par l’entreprise en cause. Est décisive l’activité généralement exercée par l’employeur en question, c’est-à-dire celle qui caractérise son entreprise (consid. 4.1.1).

En l’espèce, se pose la question de l’assujettissement à la convention collective de travail du second œuvre romand d’une société active dans l’agencement de vitrines de magasins. La Commission paritaire des métiers du bâtiment Second œuvre Genève, qui avait qualifié les travailleurs concernés de polydesigners 3D, avait nié un tel assujettissement. Au contraire, la Cour cantonale les a qualifiés de décorateurs et de peintres-décorateurs et a retenu que l’activité concernée susmentionnée était soumise à la CCT. Examiné sous l’angle de l’arbitraire, le TF rejette le recours, dès lors que la société ne conteste pas avoir procédé au démontage et à la pose de décors de vitrine et qu’il n’est pas contesté qu’une telle activité est soumise à la CCT. Le TF ajoute que la société n’a ni allégué ni démontré que le chantier litigieux ne serait pas représentatif de l’activité qu’elle déploie généralement, ce qui en fait bel et bien une concurrente directe des autres entreprises du second œuvre actives dans l’installation d’agencements de vitrines (consid. 4.5).

Convention collective de travail (CCT)

Convention collective de travail (CCT)

TF 5A_89/2021 du 29 août 2022

Propriété par étages; répartition des frais judiciaires dans une PPE; transaction judiciaire; motivation de l’appel; art. 311 CPC; 712h CCn; 18 CO

Obligation de motiver un appel (art. 311 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.3). En substance, la Cour cantonale n’a pas reproché à la recourante de ne pas avoir attaqué suffisamment le jugement de première instance, mais plutôt que l’acte d’appel n’était pas compréhensible, constatation que la recourante ne remet pas en cause de manière motivée auprès du Tribunal fédéral (consid. 3.4-3.5).

Répartition des frais judiciaires dans une PPE – Selon l’art. 712h CC, les propriétaires par étages doivent contribuer aux charges de la propriété commune et aux frais de l’administration commune en fonction de leur quote-part de valeur. Il s’agit d’une disposition de nature dispositive à laquelle les parties peuvent déroger. En l’espèce, dans le cadre d’une procédure judiciaire opposant la communauté des propriétaires d’étages d’une part et certains des propriétaires d’étages d’autre part, un accord transactionnel est signé, lequel prévoit une répartition des frais judiciaires par moitié. Par la suite, la communauté répartit entre tous les copropriétaires, y compris ceux qui étaient parties adverses à la procédure, les frais judiciaires qu’elle supporte à la suite de l’accord, suivant la règle de l’art. 712h.

Pour le TF, les parties ayant réglé les frais litigieux de manière autonome par transaction du 24 avril 2013, c’est à celle-ci qu’il convient de se référer et non simplement à la répartition ordinaire selon l’art. 712h CC (consid. 5.5 et 5.6).

Interprétation d’une transaction judiciaire (art. 18 CO) – Rappel des principes. Lorsque, comme en l’espèce, la convention a été négociée et signée par les parties et leurs représentants légaux, il faut admettre qu’ils ont utilisé les termes techniques employés dans leur sens juridiquement technique. En outre, l’objectif de mettre fin à un litige ne peut régulièrement être atteint que si toutes les questions liées au litige sont réglées. Cette préoccupation doit être prise en compte dans l’interprétation, de sorte que, si des questions étroitement liées aux divergences réglées de manière transactionnelle et dont la réponse s’impose pour résoudre le litige ne sont pas expressément réglées, on peut généralement considérer que les parties n’ont pas voulu les exclure de la transaction, à tout le moins en l’absence de réserve expresse (consid. 5.6.2). Ainsi, d’un point de vue objectif, on ne peut pas partir du principe qu’une partie qui, dans le cadre d’un règlement de litige, s’engage à payer la moitié des frais de justice et ses propres frais d’avocat, souhaite également participer proportionnellement aux frais de la partie adverse. La position défendue par la communauté des propriétaires d’étages apparaît ainsi de mauvaise foi, puisqu’elle tente en fin de compte d’imposer aux parties adverses une charge allant au-delà du règlement transactionnel et donc de leur propre concession antérieure, qui plus est en l’absence de toute réserve expresse sur ce point dans l’accord signé (consid. 5.6.3).

PPE

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TF 4A_576/2021 du 26 août 2022

Contrat d'entreprise; travaux hors soumissions; contestation d'une expertise; hypothèque légale des artisans et entrepreneurs après division des parcelles; art. 798 et 833 CC; 363 ss CO; 45 Norme SIA 118; 52 CPC

Contestation d’une expertise et bonne foi en procédure (art. 52 CPC) – En attendant l’appel pour se prévaloir de manquements de l’expert judiciaire, le maître de l’ouvrage enfreint le principe de la bonne foi en procédure et les griefs formulés au stade de l’appel sont irrecevables (consid. 6.1 et 6.2).

Travaux hors soumission (art. 45 Norme SIA 118) – Les travaux consécutifs à un glissement de terrain constituent des travaux urgents pour prévenir un dommage au sens de l’art. 45 al. 2 Norme SIA 118. En l’espèce, ils ont été signalés au maître d’ouvrage qui n’a pas exigé leur interruption, de sorte que leur coût est dû (consid. 8.2.1).

Le maître, architecte de formation, qui a suivi le chantier et qui a eu connaissance des travaux exécutés et ne les a pas refusés, ne saurait refuser le paiement en invoquant que le contrat prévoyait que toute prestation hors contrat devait être précédée d’un devis adressé à la direction des travaux (consid. 9).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (modification de la demande, art. 227 et 230 CPC) – La parcelle sur laquelle le gage avait été inscrit à titre provisoire a été divisée en quatre en 2013. En 2019, l’entrepreneur a modifié sa demande en ce sens que l’hypothèque grève les parcelles 1, 2, 3 et 4 au prorata de leur surface respective. En gardant à l’esprit que les conclusions s’interprètent à la lumière de la motivation qui les sous-tend, le Tribunal fédéral confirme la solution cantonale selon laquelle la demande en inscription définitive est recevable à l’égard de la parcelle ayant conservé le numéro de la parcelle d’origine avant division et irrecevable à l’égard des trois parcelles nouvellement créées (consid. 10.1).

Répartition du gage après division parcellaire (art. 798 CC) – Le Tribunal fédéral confirme également la répartition schématique de l’hypothèque à parts égales sur les quatre parcelles, opérée par l’instance précédente. En effet, bien que l’hypothèque doive en principe être demandée sous la forme de droits de gage partiels, grevant chaque immeuble pour la partie de créance relative à celui-ci (art. 798 al. 2 CC), la situation est autre lorsque les travaux ont été effectués sur un seul fonds qui a été divisé postérieurement. On distingue alors deux hypothèses : soit la division est suivie de l’aliénation d’une (ou plusieurs) des parcelles nouvellement créées, auquel cas la garantie est répartie proportionnellement à la valeur estimative des divers immeubles (art. 833 al. 1 CC), soit les biens-fonds issus de la division restent en mains du même propriétaire, et le gage est alors reporté en son entier sur tous les nouveaux immeubles en tant que gage collectif (consid. 10.2).

Contrat d'entreprise

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Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

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Normes SIA

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Expertise

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TF 4A_296/2022 du 22 août 2022

Contrat d’entreprise et de vente; recevabilité du recours au Tribunal fédéral; art. 42, 105, 106 LTF; 18 CO

Recevabilité du recours au TF – Motivation du recours au Tribunal fédéral (art. 42 al. 2, 105 et 106 al. 2 LTF), rappel des principes (consid. 2.1-2.2). Il est indispensable que le recours aborde la motivation de la décision attaquée et démontre en détail en quoi consiste une violation du droit. Dans l’acte de recours, la partie recourante ne doit pas se contenter de réaffirmer les positions juridiques qu’elle a adoptées dans la procédure de première instance, mais elle doit commencer sa critique par les considérants de l’instance précédente qu’elle considère comme erronés en droit (consid. 2.1).

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 3.2). En l’espèce, le contrat contenait un prix forfaitaire et la mention « TVA de 7,7% incluse ». Après avoir payé le prix forfaitaire, la demanderesse constate que la TVA n’était pas due et réclame le remboursement du montant qu’elle a prétendument payé pour la TVA. L’instance précédente a interprété le contrat selon son libellé, sa genèse (en tenant compte d’un contrat de réservation conclu antérieurement) et en tenant compte du comportement ultérieur des parties ainsi que du but du contrat et des intérêts des parties. Elle a finalement retenu que le prix forfaitaire était dû, indépendamment de la composition exacte de ce montant, des taxes et impôts que la défenderesse devait payer sur ce montant et de l’assujettissement ou non de l’acte juridique à la TVA (consid. 3.1-3.3). Dans son recours au TF, la demanderesse s’est contentée d’une motivation appellatoire, sans expliquer en quoi la décision de l’autorité précédente violait le droit fédéral, de sorte que le recours est irrecevable (consid. 3.4-5).

Procédure

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Contrat de vente

Contrat de vente

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

TF 5A_182/2022 du 10 août 2022

Servitude; contenu d’une servitude, action en rectification du registre foncier; art. 8, 738, 975 CC; 9 Cst.

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 3.1). Action en rectification du registre foncier (art. 975 CC) – Rappel des principes (consid. 3.2).

Caractère recevable d’une conclusion – Une conclusion renvoyant pour le tracé d’une servitude à une pièce est claire, quand bien même le détenteur de la servitude a parfois indiqué souhaiter qu’elle s’exerce selon le tracé provisoire existant (consid. 5).

Fardeau de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 6.2).

Constatation manifestement arbitraire des faits (art. 9 Cst.) – En l’espèce, les explications essentiellement appellatoires du détenteur du fonds servant ne suffisent pas à remettre en cause la constatation de la cour cantonale selon laquelle, en l’absence de la mention d’un mur, il n’était pas possible, à la lecture du plan litigieux, de comprendre que le tracé de la route empiète sur un ouvrage de soutènement et nécessite ainsi le déplacement de celui-ci (consid. 7.1.2).

Servitude

Servitude

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TF 4A_429/2021 du 27 juillet 2022

Contrat d’architecte; montant des honoraires; contrat avec soi-même; art. 18 et 718b CO

Interprétation de la volonté commune et réelle des parties (art. 18 CO) – La demande de l’architecte, dont les honoraires avaient été fixés à un montant forfaitaire de CHF 85’000.- dans le devis initial, et qui en demande CHF 196’848.- dans sa facture finale, est rejetée. Une série d’indices de la volonté réelle des parties parle en ce sens : a) un devis initial, annexé au seul document signé, mentionnait le montant de CHF 85’000.- ; b) l’ingénieur a été rémunéré de manière forfaitaire de la même manière ; c) le crédit de construction a été bouclé en 2012 pour un montant qui n’aurait pas permis de financer la facture finale de l’architecte ; d) entre professionnels de l’immobilier, une telle hausse des honoraires n’est pas crédible ; e) les honoraires initiaux représentaient 9,4% de la facture finale alors qu’ils passeraient à 17% sans raison objective, ce qui semble hors proportion avec l’augmentation des coûts des travaux ; f) les bons de paiement transmis à la banque au cours des travaux se rapprochaient du montant du devis et on ne trouve plus trace d’une prétendue seconde version dans les archives de la banque.

Contrat avec soi-même (art. 718b CO) – L’augmentation des honoraires revendiquée par l’architecte aurait dû revêtir la forme écrite, dans la mesure où l’architecte était alors en situation de passer un contrat avec lui-même, ce qui n’a pas été fait. Pour cette raison, sa demande doit également être rejetée, ce que l’architecte n’a pas critiqué dans son recours.

Contrat d'architecte et d'ingénieur

Contrat d'architecte et d'ingénieur

TF 4A_411/2021 du 27 juillet 2022

Contrat de courtage; conclusion du contrat par actes concluants; représentation; art. 32, 33, 38 et 412 C0

Forme et conclusion d’un contrat de courtage – Sauf convention spéciale, la conclusion d’un contrat de courtage n’est soumise à aucune exigence de forme. Elle peut résulter de déclarations expresses des parties ou d’actes concluants. La question de savoir si un contrat de courtage a été valablement conclu par actes concluants dépend des circonstances, dont on doit pouvoir déduire que les parties se sont accordées sur les essentialia de ce contrat, en particulier sur le fait que le mandant s’est engagé envers le courtier à lui verser un salaire. Une retenue est de mise lorsqu’il s’agit d’admettre la conclusion d’un tel contrat par actes concluants. Le seul fait de laisser agir le courtier ne conduit pas nécessairement à admettre la conclusion d’un contrat par actes concluants. Il faut que le mandant tolère sciemment l’activité du courtier, sans s’y opposer, ou bien qu’il l’accepte tacitement par une autre forme. Il faut aussi que l’activité du courtier, par sa durée ou par son importance, soit suffisamment nette et caractérisée pour que l’absence d’opposition puisse être interprétée comme une volonté de conclure un contrat de courtage. L’interprétation de la volonté des parties se fait selon les principes généraux (consid. 5.1).

En l’occurrence, l’envoi d’un contrat écrit peu avant la vente constitue un indice que le contrat n’a pas été conclu par actes concluants auparavant (consid. 5.2). Il en est de même du fait que le courtier et la venderesse n’avaient jamais eu de contact direct avant le jour de la stipulation de la vente (consid. 5.3).

Représentation (art. 32 CO) – Rappel des principes (consid. 6.1).

Le courtier qui, pendant les dix mois de négociation, n’a jamais contacté la réelle propriétaire, ni pour clarifier la position d’une société servant d’intermédiaire, ni pour s’assurer pour elle-même un contrat de courtage, tout en admettant ne pas connaître la relation exacte entre la propriétaire et l’intermédiaire, ne peut en déduire que cet intermédiaire agit en tant que représentant, ayant la faculté de conclure un contrat de courtage au nom de la propriétaire, qui plus est lorsque l’intermédiaire n’a jamais manifesté la volonté de conclure un tel contrat (consid. 6.2 et 6.3.1).

En outre, la société servant d’intermédiaire n’ayant pas manifesté vouloir conclure un contrat de courtage entre la venderesse et la demanderesse, la question de l’application des art. 33 et 38 CO ne se pose tout simplement pas (consid. 6.3.2-6.3.4).

Administration anticipée des preuves – Dans le contexte susmentionné, l’instance précédente pouvait refuser le témoignage des représentants de l’acheteuse et du notaire censés apporter la preuve de l’existence d’un contrat oral (consid. 7).

Contrat de courtage

Contrat de courtage

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TF 2D_8/2021 du 07 juillet 2022

Marchés publics; interdiction de la sous-traitance; publication des sanctions administratives; droit d’être entendu; publication prévue; art. 13, 27, 29 al. 2 et 36 Cst.

Droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) – La simple violation d’une exigence prévue dans l’avis de marché suffit pour permettre au pouvoir adjudicateur de prendre les sanctions administratives prévues par la loi. Les juridictions cantonales pouvaient ainsi, sans violer le droit d’être entendu de l’adjudicataire, renoncer à procéder à des investigations complémentaires sur les prétendus retards d’autres artisans (consid. 2.3), renoncer à examiner si le fait de recourir à une entreprise non autorisée pour l’élimination des déchets de chantier contenant de l’amiante avait effectivement mis en danger les travailleurs sur le chantier ou encore renoncer à donner à l’adjudicataire l’occasion de prouver que le démontage des fenêtres et leur stockage dans des seaux avaient été effectués selon les règles de l’art (consid. 2.4).

Gravité de la violation d’une règle de l’appel d’offre – En droit des marchés publics, s’agissant de la violation d’interdiction de la sous-traitance, ce n’est pas tant l’éventuelle acceptation tacite par le représentant du maître de l’ouvrage de la présence de travailleurs d’entreprises tierces sur le chantier ou une éventuelle autorisation a posteriori qui est déterminante, mais plutôt le non-respect des obligations d’annonce formelle, à la lumière des principes d'égalité de traitement de tous les soumissionnaires et de concurrence effective et loyale, ainsi que de la nécessité impérative d’assurer le respect par tous les soumissionnaires, y compris les sous-traitants, des règles de protection sociale et du travail. Cette omission, en plus de fausser le marché et de mettre en péril le contrôle de la qualité de l’exécution des travaux, n’a pas permis au pouvoir adjudicateur d'effectuer les vérifications nécessaires sur le respect par le sous-traitant des obligations légales et des documents d'appel d'offres, doit donc être considérée comme une violation grave (consid. 3.4).

Sanction violant la liberté économique (art. 27 et 36 Cst.) – Rappel des principes (consid. 4.2). La publication d’une sanction dans la Feuille officielle et sur le site internet de l’Office des travaux et marchés subventionnés ne viole pas la liberté économique. La publication d’une sanction peut avoir un effet dissuasif et préventif général, qui est parfois même plus fort que la sanction elle-même, dans la mesure où, comme en l’espèce, elle informe les mandants et les concurrents, et le public en général, des comportements répréhensibles de certains concurrents qui resteraient autrement inconnus (consid. 4).

Sanction violant la protection de la sphère privée (art. 13 et 36 Cst.) – Protection de la sphère privée, rappel des principes (consid. 5.2) ; la divulgation d’une sanction par le biais de la Feuille officielle et d’un site Internet entraîne une ingérence dans la garantie de protection de la sphère privée de l’adjudicataire, pour laquelle il convient donc d’examiner si les conditions de l’article 36 Cst. sont réunies (consid. 5.3.1). La publication des sanctions en matière de marchés publics repose sur une base légale formelle au Tessin et répond à un intérêt public (consid. 5.3.2).

S’agissant de la proportionnalité de la sanction, le Tribunal fédéral retient que la publication sur un site Internet est limitée à la période pendant laquelle l’exclusion de l’adjudicataire des marchés publics cantonaux est effective. Toutefois, la situation est très différente pour la publication dans la Feuille officielle. Bien que la durée de l’exclusion y soit également indiquée, la Feuille officielle reste disponible dans les archives sur le site du canton du Tessin et peut être librement consultée par toute personne, même plusieurs années plus tard, notamment suite à sa récente numérisation complète et à son inclusion dans la plateforme centrale gérée par la Confédération (www.amtsblattportal.ch). Dans ces conditions, il faut retenir qu’il existe un risque réel que les inconvénients et les conséquences irréparables de la publication aillent bien au-delà de l’absence de prise en compte de l’entreprise dans le cadre d’un marché public. Le risque réputationnel est alors encore plus élevé si l’on considère que faire connaître l’exclusion est non seulement nécessaire pour les donneurs d’ordre et les autorités de surveillance et de contrôle, mais aussi pour les soumissionnaires eux-mêmes pour leur évaluation préalable en matière de consortiums et de sous-traitance. Par conséquent, les intérêts de l’adjudicataire quant à la protection de sa réputation l’emportent sur l’intérêt poursuivi par la publication de la sanction dans la Feuille officielle, de sorte que celle-ci n’est pas proportionnelle et doit être annulée (consid. 5.3.3 et 5.3.5).

Marchés publics

Marchés publics

Procédure

Procédure

Publication prévue

Publication prévue

TF 5A_188/2022 du 04 juillet 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; recevabilité du recours au Tribunal fédéral; maxime des débats; art. 55 CPC; 98 LTF

Recevabilité du recours au TF – Les décisions en lien avec l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que la recourante ne peut donc se plaindre devant le Tribunal fédéral que de la violation de droits constitutionnels (consid. 2.1).

Arbitraire (art. 9 Cst.) – Rappel des principes (consid. 2.2).

Lorsque le Tribunal cantonal rejette une inscription provisoire d’une hypothèque légale au motif que la recourante n’a pas suffisamment étayé la nature et la durée des travaux (consid. 3.1), cette dernière ne peut pas se contenter d’attaquer cette décision auprès du Tribunal fédéral en affirmant avoir rempli sa charge de l’allégation, en indiquant que l’autorité précédente a pu répondre, dans les faits de la décision attaquée, aux questions « quand, quoi et où » concernant les travaux litigieux (consid. 3.2). Il lui incombe au contraire de démontrer en détail dans quelle mesure elle s’est acquittée de son obligation d’allégation et de motivation, c’est-à-dire qu’elle n’a pas exposé ses arguments de manière vague ou contradictoire, mais de manière suffisamment complète et claire, en les décomposant en faits individuels, pour qu’il soit possible d’en administrer la preuve et d’apporter la preuve contraire (consid. 3.3). En l’absence d’une telle motivation, le recours au Tribunal fédéral est irrecevable (consid. 3.3-5).

Procédure

Procédure

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 4A_377/2021 du 29 juin 2022

Contrat d’entreprise; travaux en régie; maxime des débats; exigibilité du prix; art. 363 C0; 55 CPC; 155 ss et 164 Norme SIA

Maximes des débats (art. 55 CPC) – Charge de l’allégation et de la contestation ; renvoi à une pièce : Rappel des principes (consid. 3).

La partie qui produit des certificats de métrés, qui contiennent les indications détaillées concernant les différents postes de la créance, ainsi que les plans des différents étages et y renvoie dans son mémoire accomplit sa charge de l’allégation avec satisfaction ; le renvoi aux annexes semble même judicieux dans de telles circonstances, dans l’intérêt de la lisibilité de l’acte (consid. 4.3.1 et 4.3.2).

Dans un tel cas, il n’est pas critiquable que l’instance précédente soit partie d’un état de fait établi et n’ait pas administré de preuves en ce qui concerne les créances que la recourante n’a contestées que de manière globale (consid. 4.3.3). Il en est de même des calculs et de la traçabilité des prétentions de la recourante : la simple contestation en bloc affirmant que ces calculs sont incompréhensibles est insuffisante (consid. 4.3.4).

Principes applicables aux travaux en régie – Les travaux en régie sont des travaux qui sont rémunérés en fonction du temps qui leur est consacré et qui ne sont pas couverts par un prix forfaitaire ou une rémunération selon le métré ou les prix unitaires. Nonobstant cela, ils font partie du contrat d’entreprise et sont donc couverts par l’obligation fondamentale de rémunération (art. 363 CO). Selon les usages de la branche, l’entrepreneur établit pour les différents travaux en régie des rapports temporels qu’il soumet au maître d’ouvrage pour contre-signature et qui, une fois contresignés, constituent une présomption de fait pour les dépenses qui y sont mentionnées. Toutefois, le rapport de régie non signé ne supprime pas l’obligation de rémunération du mandant, mais alourdit exclusivement le fardeau de la preuve de l’entrepreneur. Dans le cas contraire, l’obligation de rémunération pour les travaux en régie en tant que telle serait laissée à l’arbitraire du maître, selon qu’il est prêt ou non à signer les rapports. Une clause contractuelle qui prévoirait un tel mécanisme devrait par conséquent être considérée comme contraire aux mœurs et donc nulle (art. 19-20 CO) (consid. 5.1).

Forme des rapports de régie – Lorsque le contrat d’entreprise réserve la forme écrite pour le travail en régie mais que, contrairement à ce que prévoyait le contrat, ces travaux n’ont pas fait l’objet d’une commande écrite et que le maître ou son représentant a néanmoins signé la plupart des rapports presque sans réserve, il faut retenir que le maître a renoncé implicitement au respect de la forme écrite, qui plus est lorsqu’il n’existe aucun indice d’une volonté de sa part de maintenir la réserve de la forme écrite (consid. 5.3 et 6.4).

Présomption d’exactitude des rapports de régie – Lorsqu’un rapport de régie est signé par le maître, il existe une présomption naturelle concernant l’exactitude du contenu du rapport, dès lors qu’il lui incombe d’en vérifier l’exactitude lors de leur signature. Le maître ne peut plus remettre en question la nécessité de faire intervenir un spécialiste (plâtrier, etc.), lorsqu’il a signé sans réserve le rapport de régie pour son intervention. La même présomption existe également, lorsque des rapports de régie sont remis au maître tardivement, après le délai prévu par le contrat, mais que celui-ci ratifie les travaux en régie en apposant sa signature. Sous l’angle du fardeau de l’allégation, un exposé dans les grandes lignes des travaux en régie suffit, à tout le moins jusqu’au renversement de la présomption d’exactitude des rapports de régie (consid. 6.2 et 6.4).

En outre, la présomption d’exactitude existe également pour des rapports que le maître n’a pas signé mais qu’il a payé et mentionné dans son propre décompte final ; il faut alors admettre qu’il les a reconnus a posteriori (consid. 6.3.1 et 6.4). En outre, de simples réserves rédigées sur les rapports de régie ne suffisent pas non plus à elles seules à remettre en question la présomption d’exactitude des rapports qui ont été signés, à tout le moins quant au principe de l’exécution des travaux mentionnés dans ces rapports. Il faudrait au minimum que le maître donne des explications étayées sur les réserves figurant dans les rapports (consid. 6.3.2 et 6.4).

Exigibilité du solde du prix de l’ouvrage – Lorsque la norme SIA s’applique et que le maître renonce avec effet immédiat à l’exécution de la fin des travaux et les fait terminer par des tiers, cela entraîne le déclenchement du délai d’un mois pour demander l’examen commun de l’ouvrage (art. 158 al. 2 Norme SIA) et, faute d’un tel examen, la réception et l’acceptation de l’ouvrage (art. 164 al. 1 Norme SIA). En outre, après l’expiration du délai de garantie de deux ans, le maître ne peut plus se prévaloir de l’absence de garantie bancaire ou d’assurance pour faire obstacle à l’exigibilité du solde de la créance. Il en est de même de son refus de signer le décompte final (consid. 7).

Analyse de Jean-Rodolphe Fiechter

Comment prouver ou contester correctement le prix de l’ouvrage

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TF 5A_1043/2021 du 27 juin 2022

Servitude; libération judiciaire; art. 736-738 CC

Libération judiciaire pour perte d’intérêt (art. 736 CC) – Rappel des principes. La première condition d’application de l’article 736 CC est, selon le texte impératif de cette disposition, que des faits nouveaux soient survenus depuis que les parties impliquées dans la constitution de la servitude ont établi les droits et obligations réciproques des propriétaires du fonds dominant et du fonds servant. La perte de l’intérêt au sens de l’art. 736 al. 1 CC s’apprécie en fonction du principe de l’identité de la servitude. Selon ce principe, une servitude ne peut pas être maintenue dans un autre but que celui pour lequel elle a été constituée. La possibilité purement théorique d’une modification future des circonstances ne suffit pas à justifier le maintien de la servitude. Si le propriétaire du fonds grevé veut faire radier la servitude en justice sur la base de l’art. 736 al. 1 CC, il doit démontrer que la servitude a perdu toute utilité pour le fonds dominant (consid. 3.1).

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes. Pour déterminer le contenu et l’étendue d’une servitude, l’art. 738 CC établit un ordre progressif. Le point de départ est l’inscription au registre foncier. Ce n’est que si le texte de l’inscription au registre foncier n’est pas clair qu’il est possible de recourir à la cause de l’acquisition dans le cadre de cette inscription (art. 738 al. 2 CC), c’est-à-dire à l’acte constitutif qui est conservé comme pièce justificative au bureau du registre foncier (art. 948 al. 2 CC). Les règles générales d’interprétation des contrats du droit des obligations s’appliquent en principe (art. 18 CO). Ces principes généraux d’interprétation s’appliquent sans réserve entre les parties contractantes initiales, mais dans les relations avec les tiers, ils ne s’appliquent qu’avec une restriction découlant de la foi publique du registre foncier (art. 973 CC), dont fait également partie le contrat de servitude. En effet, dans la mesure où les droits et obligations de tiers sont en cause, l’interprétation du titre d’acquisition est donc liée aux limites qui découlent de l’inscription, car le tiers de bonne foi est protégé dans sa confiance en l’exactitude de l’inscription. Dans le cadre de cette interprétation, le but de la servitude, lequel dépend des besoins du fonds dominant, revêt une importance déterminante (consid. 3.2).

En l’espèce, pour les tiers qui n’ont pas participé à la conclusion du contrat – c’est le cas des parties à la présente procédure – seul le but mentionné dans le contrat pour la constitution des servitudes, à savoir l’anticipation de l’adoption d’un nouveau plan d’affectation et l’obtention de la constructibilité des terrains peu de temps avant ce changement, en échange de l’assurance que les nouvelles constructions respecteraient la nouvelle planification, est déterminant. Par conséquent, des années après l’entrée en vigueur de la planification concernée, la servitude a perdu son intérêt et les parties recourantes ne prétendent pas que cet intérêt fût ravivé en raison de faits nouveaux, de sorte que le recours est rejeté (consid. 4 et 5).

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TF 4A_494/2020 du 24 juin 2022

Contrat d’entreprise; maxime des débats; expertise judiciaire fondée sur des expertises privées; droit au remboursement des frais de réparation des défauts; art. 55, 150, 189 CPC; 169 Norme SIA

Maxime des débats (art. 55 et 150 CPC) – Charge de l’allégation, rappel des principes (consid. 4-4.2). Charge de la contestation, rappel des principes (4.3). Charge de l’allégation délimitant l’objet de la preuve (consid. 4.4).

Lorsque l’établissement d’allégations concluantes est rendu difficile par le fait que seule la partie adverse connaît les informations nécessaires à cet effet ou encore qu’il faudrait pour cela disposer de connaissances spécialisées dont la partie chargée de l’allégation ne dispose pas, des indications détaillées ne peuvent être attendues qu’à l’issue de la procédure probatoire ou après la communication de renseignements par la partie adverse (cf. art. 85 al. 2 CPC). La procédure probatoire ne sert certes pas à remplacer ou à compléter des allégations manquantes, mais les présuppose au contraire. On ne peut cependant pas raisonnablement exiger de la partie mise en cause qu’elle expose dans les moindres détails les aspects techniques pertinents pour la décision, avant la mise en œuvre d’une procédure probatoire, car cela rendrait de facto impossible la mise en œuvre judiciaire des prétentions. Il incombe alors à la partie de démontrer en quoi elle ne dispose pas des connaissances techniques nécessaires pour formuler des allégations ou des contestations suffisamment étayées (consid. 4.5).

Ces exigences de substance s’appliquent également à la condition de la responsabilité contractuelle du dommage. Le demandeur doit exposer quels coûts ont été engagés pour quels travaux. Une répartition des coûts entre les différents « défauts » au sens juridique du terme n’est pas exigée. Il n’est pas rare qu’un dommage soit dû à plusieurs causes. Les difficultés techniques et pratiques liées à l’évolution multicausale du sinistre lors de l’attribution des coûts aux différents défauts ne doivent pas conduire à rendre impossible la mise en œuvre d’une prétention matérielle en raison de la charge de l’allégation. Si le tribunal arrive à la conclusion qu’il n’existe que quelques-uns des défauts dénoncés, il doit en principe fixer, selon son appréciation et sur la base des preuves acceptées, la part des défauts allégués par rapport au dommage total revendiqué (consid. 4.6).

En l’espèce, l’instance inférieure a posé des exigences trop strictes, notamment en reprochant à la recourante de pas avoir anticipé le résultat de l’administration des preuves ; elle n’a toutefois pas violé pas le droit, puisqu’elle n’a pas considéré à tort que certaines allégations concrètes n’étaient pas suffisamment étayées (consid. 5). Lorsque comme en l’espèce les réparations portent sur des travaux différents, clairement distincts les uns des autres, il n’est pas contestable que l’instance inférieure ait exigé d’exposer de manière circonstanciée pourquoi un défaut déterminé (ou l’interaction de plusieurs défauts) rende nécessaires les travaux de réparation facturés. Si des connaissances spécialisées sont nécessaires à cet effet, il faudrait au moins les exposer et proposer une expertise correspondante (consid. 6 et 7).

Expertise arbitrale ou expertise privée – Lorsqu’un expert technique résume ses conclusions et qu’une discussion aboutit à la reconnaissance par les parties des défauts décrits dans l’expertise, cela ne signifie pas encore que les parties reconnaissent le caractère obligatoire des expertises ultérieures, même lorsque l’expert technique continue d’exercer son mandat. Pour lier les parties, il eût fallu une reconnaissance également pour les autres expertises ultérieures ou un engagement clair de se lier aux futures expertises au sens de l’art. 189 CPC (consid. 5.1.3).

Preuve des défauts – Le fait que les mêmes travaux défectueux, reconnus pour quelques balcons et salles d’eau, aient été systématiquement exécutés sur tous les balcons et salles d’eau incriminés est contesté. A l’appui de sa prétention, le maître d'ouvrage a produit quatre rapports d’expert privés, une documentation photographique et un constat officiel et a requis une expertise judiciaire, laquelle aurait dû se fonder sur la documentation précitée, les travaux de réfection ayant été réalisés au moment de la procédure (consid. 5.2-5.3.1).

Expertise judiciaire fondée sur des expertises privées – L’expertise judiciaire fondée sur des expertises privées doit permettre de faire vérifier les résultats de l’expertise privée par un expert indépendant. L’acceptation d’un moyen de preuve ne peut pas être refusée parce qu’il n’est pas certain qu’il puisse apporter la preuve recherchée. Afin toutefois que l’administration des preuves ne se transforme pas en « fishing expedition », il faut exiger des parties qu’elles expliquent, lorsque cela n’est pas évident, pourquoi on peut s’attendre avec une certaine probabilité à un résultat probant d’un moyen de preuve proposé. En général, cela ne nécessite pas d’explication particulière, lorsque l’expert peut procéder aux mêmes examens que l’expert privé. Des indications à ce sujet sont toutefois nécessaires lorsque l’état de fait a considérablement changé entre-temps. Le fait qu’un expert puisse éventuellement juger si les hypothèses de l’expert privé apparaissent conciliables avec la documentation photographique n’est pas suffisant à cet égard. Il faudrait en outre qu’il soit possible d’exclure, avec une certaine probabilité, sur la base des documents disponibles, des causes alternatives qui n’auraient éventuellement pas été examinées par l’expert privé. A cet égard, il n’est pas acceptable de conférer de facto une valeur probante à une expertise privée en rendant impossible un contrôle indépendant par la réalisation de l’assainissement et en faisant de l’expertise privée ou du témoignage de l’expert privé la base essentielle d’une expertise judiciaire, sans que les faits sur lesquels porte l’expertise privée puissent être vérifiés par l’expert. Les témoignages proposés des personnes chargées de l’assainissement ne permettent pas de combler cette lacune, car ces personnes ne sont pas indépendantes. Le témoignage de l’expert mandaté pour la réfection ne peut apporter la preuve que dans des cas où, en raison de l’urgence, une conservation des preuves est impensable et où la preuve ne peut être apportée que sur la base de son témoignage, notamment lorsqu’un état de danger imminent exige une élimination immédiate du danger (consid. 5.3.2 et 5.3.3).

Droit au remboursement des frais de réparation des défauts (art. 169 Norme SIA) – La partie qui indique à l’entrepreneur qu’elle reviendra vers elle pour le concept de la réfection des défauts et pour le calendrier des travaux y relatifs ne peut pas se plaindre de l’inaction de l’entrepreneur et nier sa capacité d’exécuter les réparations pour cette raison, alors qu’il reste dans l’attente de ces informations (consid. 5.4.2). En outre, le remboursement des frais de réparation des défauts par des tiers ne peut être exigé que si l’entrepreneur n’a pas remédié aux défauts dans un délai raisonnable (consid. 5.4).

Analyse de François Bohnet , Frédéric Fitzi

Les pièges de l’expertise privée en droit de la construction

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TF 4A_424/2021 du 23 juin 2022

Contrat de vente; forme authentique; abus de droit; art. 216 al. 2 CO; 2 al. 2 CC

Forme authentique – La forme authentique est une condition de validité de la promesse de vente immobilière (et du pacte d’emption, entre autres ; art. 216 al. 2 CO). Le législateur veut préserver les parties de décisions hâtives, leur garantir des conseils professionnels et s’assurer qu’elles comprennent la portée de leurs engagements, favoriser l’expression claire et complète de leur volonté et, en fin de compte, fournir une base sûre pour l’inscription au registre foncier. S’il ne revêt pas cette forme, l’accord est en principe entaché de nullité absolue, que le juge doit constater d’office (consid. 4.4.1).

Abus de droit (rappel des principes) – Dans certaines circonstances, le Tribunal fédéral relativise les conséquences du vice de forme en s’appuyant sur l’interdiction de l’abus de droit. La clause générale de l’art. 2 al. 2 CC peut exceptionnellement tenir en échec la nullité pour vice de forme, auquel cas le contrat est traité comme s’il était valable. Ce moyen n’est retenu qu’avec réserve, en présence d’un abus manifeste. Les circonstances d’espèce sont décisives. Toutefois, il est généralement jugé abusif de se prévaloir du vice de forme après que le contrat a été exécuté pour l’essentiel, volontairement et en connaissance du vice. En revanche, l’abus de droit est a priori écarté quand la partie a agi en ignorant le vice de forme, n’a pas encore accompli les prestations convenues ou, du moins, ne les a pas accomplies pour l’essentiel. En ce cas-ci, elle ne peut être contrainte à s’exécuter, mais s’expose à devoir réparer le dommage causé par le vice de forme. Cela dit, la jurisprudence se veut avant tout pragmatique. Aussi n’exclut-elle pas de retenir un abus de droit malgré l’inexécution du contrat et d’ordonner la mise en œuvre de celui-ci. L’abus de droit peut se nicher dans l’adoption d’une attitude contradictoire, en particulier lorsqu’elle suscite des attentes légitimes qui sont ensuite trahies. Il peut aussi consister à détourner une institution juridique de son but, pour servir des intérêts qu’elle n’a pas vocation à protéger. Lorsque l’invalidité aboutit à des effets contraires ou inappropriés à la finalité recherchée par la règle de forme, voire absurdes, l’abus doit être retenu. Le tribunal fédéral concède une jurisprudence contradictoire en ce sens qu’il a parfois renoncé à exiger un intérêt digne de protection pour dénoncer un vice de forme, au motif que le justiciable doit pouvoir se délier d’un contrat dont il juge l’exécution contraire à ses intérêts alors que d’autres arrêts enseignent qu’il peut être abusif d’invoquer un vice de forme pour tirer parti d’un accroissement de la valeur immobilière aux dépens du cocontractant, ou pour se soustraire à des obligations de garantie (consid. 4.1.2).

En l’espèce, la promesse de vente et pacte d’emption était contenue dans un contrat de bail écrit. Les parties étaient conscientes du vice de forme et aucun acte d’exécution n’a été entrepris en vue du transfert immobilier, l’éventuelle venderesse refusant même à plusieurs reprises des projets en ce sens. Les négociations quant au prix de vente se sont en outre poursuivies à plusieurs reprises après la conclusion du bail. En présence d’un litige successoral connexe, l’éventuelle venderesse n’a pas utilisé la règle de forme pour servir des intérêts contraires à celle-ci (consid. 4.2 et 5.3). Le fait que le contrat de bail a été exécuté pendant neuf ans n’est pas pertinent (consid. 5.2) ; le bail avait en outre été cédé plus tard avec une mention précisant que la clause contenant la promesse de vente ne serait valable que si elle faisait l’objet d’un acte notarié (consid. 5.3). Par conséquent, l’autorité précédente n’a pas violé le droit fédéral en retenant que les circonstances exceptionnelles d’un abus de droit faisaient défaut.

Contrat de vente

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TF 5A_280/2021 du 17 juin 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; degré de la preuve et maxime des débats; art. 837 ss et 961 al. 3 CC; 55 CPC; 98 LTF

Recevabilité du recours au TF – Les décisions en lien avec l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que la recourante ne peut donc se plaindre devant le Tribunal fédéral que de la violation de droits constitutionnels (consid. 2).

Caractère vraisemblable de la légitimité de l’artisan – Le tribunal autorise l’annotation de l’inscription provisoire de l’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs après que le demandeur a rendu sa légitimité vraisemblable. La vraisemblance exigée par l’art. 961 al. 3 CC est soumise à des exigences moins strictes que celles qui correspondent habituellement à ce degré de preuve. En raison des intérêts particuliers en jeu, l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs ne peut être refusée que si l’existence du droit de gage apparaît comme exclue ou hautement improbable ; en cas de doute, lorsque la situation juridique est peu claire ou incertaine, l’inscription provisoire doit être autorisée et la décision laissée au juge ordinaire (consid. 3.1). Maxime des débats – Rappel des principes (consid. 3.1).

En l’espèce, la recourante n’a pas expliqué en quoi consistait l’unité fonctionnelle du contrat d’entreprise initial et un avenant sur lesquels elle se fonde pour le calcul du délai pour l’inscription de l’hypothèque légale et qui a donné lieu à la construction d’un balcon postérieurement. Pour le surplus, le Tribunal fédéral retient également que la créance que tente de faire valoir la recourante n’a pas été suffisamment alléguée, en tant qu’elle s’est contentée d’un renvoi à des factures qui ne sont pas explicites (consid. 3.4.2).

Articulation entre le degré de la preuve et la maxime des débats – Les exigences relatives à la vraisemblance au sens de l’art. 961 al. 3 CC et les exigences relatives à l’allégation et à la matérialisation des faits ne doivent pas être assimilées. Ces dernières ne sont pas réduites en procédure sommaire. La mesure de la preuve est une règle qui s’adresse en premier lieu au tribunal. C’est le critère selon lequel le tribunal évalue si un fait juridiquement pertinent doit être considéré comme vrai sur la base des moyens de preuve offerts à cet effet. Même s’il se contente d’une simple vraisemblance, le tribunal doit d’abord pouvoir se procurer la certitude des faits sur lesquels il doit administrer des preuves. C’est aux parties qu’il incombe de mettre le tribunal dans cette situation, en tout cas sous l’empire de la maxime des débats. En alléguant les faits et en les rendant plus substantiels, elles ont en main la possibilité de faire considérer un fait déterminé comme litigieux et d’en faire ainsi l’objet de la preuve (art. 150 CPC). Si une partie ne parvient pas à étayer suffisamment un fait contesté, il n’est pas nécessaire d’administrer des preuves, car dans ce cas, les faits allégués par la partie adverse doivent être considérés comme admis (consid. 3.4.3).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

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ACJC/804/2022 du 14 juin 2022

Contrat d’entreprise; prescription; défauts; art. 371 et 377 CO

Prescription des droits liés aux défauts de l’ouvrage (art. 371 CO) – Les droits du maître en raison des défauts d’un ouvrage immobilier envers l’entrepreneur et envers l’architecte ou l’ingénieur qui ont collaboré à l’exécution de l’ouvrage se prescrivent par cinq ans à compter de la réception de l’ouvrage. L’extension du champ d’application de la prescription aux prétentions contre les architectes et les ingénieurs vise à mettre ces derniers sur le même plan que l’entrepreneur. La notion d’architecte et celle d’ingénieur doivent être interprétées largement, indépendamment du titre. Quant à la qualification du contrat liant le maître à l’architecte et/ou l’ingénieur, elle est sans importance à ce stade, étant rappelé que la disposition vise expressément la contribution sans distinction des services rendus (consid. 2.1).

Dies a quo (art. 371 al. 2 en lien avec 377 CO) – Le délai de l’art. 371 al. 2 CO commence à courir au moment de la livraison de la partie de la construction immobilière concernée par le plan défectueux, indépendamment de la connaissance par le maître de l’existence d’une malfaçon. Les droits à la garantie de l’intéressé peuvent donc être prescrits avant qu’il ne découvre un défaut, y compris lorsque celui-ci procède d’une autre altération. Le dies a quo de ce délai est toutefois modifié, lorsque le maître résilie le contrat de manière anticipée au sens de l’art. 377 CO. Les relations contractuelles entre les parties prennent alors fin ex nunc. Dans cette hypothèse, l’ouvrage inachevé doit être assimilé à un ouvrage complet, notamment en ce qui concerne les droits découlant de la garantie. Par conséquent, le délai de prescription de l’art. 371 al. 2 CO commence à courir dès le moment de l’entrée en vigueur de la résiliation ou dès le transfert matériel de l’ouvrage inachevé au maître (consid. 2.1).

Pluralité d’entrepreneurs vs. Entrepreneur et ingénieur/architecte responsable – Lorsque plusieurs entrepreneurs travaillent sur la base de contrats séparés (co-entrepreneurs), la prescription commence à courir dès la réception de chaque portion d’ouvrage, ce qui a également des effets sur la prescription des créances à l’encontre de l’ingénieur ou de l’architecte. En revanche, si le contrat d’entreprise avec l’entrepreneur est résilié de manière anticipée, la prescription quinquennale de l’art. 371 al. 2 CO commence à courir également à l’égard de l’architecte ou de l’ingénieur responsable des travaux réalisés par cet entrepreneur, au moment de la résiliation anticipée du contrat d’entreprise (consid. 2.1).

En l’espèce, la date de résiliation du contrat d’entreprise avec l’entrepreneur ayant réalisé (au moins en partie) les travaux de terrassement, de structures des villas et d’agrandissement des sous-sols, pour lesquels l’ingénieur était mandaté, constitue ainsi le dies a quo du délai de prescription relatif aux prestations de cet ingénieur. Les activités de l’ingénieur s’étaient arrêtées avant cette date. Ainsi, la date de résiliation du contrat de l’ingénieur ou celle de la fin contractuelle de celui-ci, qui n’a pas été alléguée par les parties, n’est pas déterminante (consid. 2.2).

Analyse de Jean-Rodolphe Fiechter

Die besondere Verjährungsregel für vertragliche Ersatzansprüche gegenüber Architekten und Ingenieure

Contrat d'entreprise

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Défauts/Garantie

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TF 5A_491/2022 du 11 juin 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; délai de péremption; art. 839 CC; 98 LTF

Recevabilité du recours au TF – Les décisions en lien avec l’inscription provisoire d’une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que la recourante ne peut donc se plaindre devant le Tribunal fédéral que de la violation de droits constitutionnels (consid. 1).

Délai de péremption – Dans le délai de péremption de quatre mois, le droit de gage doit être inscrit au registre foncier, au moins provisoirement, au moyen d’une annotation (art. 839 al. 2 CC).

Aucune inscription n’a eu lieu avec la décision de première instance et, au moment du dépôt de l’appel, le délai de péremption était déjà écoulé et une inscription n’aurait ainsi plus pu avoir lieu, indépendamment de la question de la légitimité matérielle du droit de gage. Un éventuel dommage causé de manière illicite par cette situation pourrait, le cas échéant, faire l’objet d’une action en responsabilité de l’Etat (consid. 3).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

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TF 5A_997/2021 du 02 juin 2022

Servitude; droit de passage; obligations accessoires; art. 730 CC; 20 CO

Obligation accessoire d’accomplir des actes en lien avec une servitude – Le contrat de servitude portant sur un droit de passage à pied, de circulation et de transit est valable, indépendamment de la question laissée ouverte par le Tribunal fédéral, de savoir si les obligations accessoires de la servitude, à savoir la consolidation et le revêtement du chemin, sur une largeur minimale de cinq mètres, pouvaient être attachées à la servitude au sens de l’art. 730 al. 2 CC. En effet, l’existence du droit de passage ne serait remise en question que si les parties contractantes avaient fait dépendre de manière objectivement reconnaissable la constitution de la servitude foncière de la réalisation effective du chemin par le propriétaire foncier grevé et si, selon la volonté présumée des parties contractantes (art. 20 al. 2 CO sur la nullité partielle), celles-ci auraient renoncé au droit de passage en l’absence de la clause portant sur la construction du chemin. Lorsque, comme en l’espèce, tel n’est pas le cas, seuls les effets réels des obligations accessoires de faire peuvent être remis en question (question laissée ouverte), mais pas leur validité contractuelle, ni le contrat de servitude dans son ensemble (consid. 3.4).

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TF 4A_268/2021 du 18 mai 2022

Contrat d’entreprise; prix de l’ouvrage; exécution par substitution; maxime des débats; art. 18, 366, 374 CO; 55, 150 CPC

Maxime des débats (art. 55 et 150 CPC) – Rappel des principes (consid. 4.1).

Prix de l’ouvrage (art. 18 et 374 CO) – L’admission dans un interrogatoire de partie de l’existence d’un rabais de 10% n’a pas d’incidence sur la détermination du prix, lorsque l’on ne parvient pas à déterminer, dans les déclarations concernées, à qui ce rabais aurait dû bénéficier, ni la base de calcul de cet éventuel rabais. Ainsi, l’autorité précédente n’a pas violé les règles sur le fardeau de la preuve ou celle sur l’interprétation du contrat, en ne retenant pas l’existence d’un accord des parties portant sur un rabais de 10 % à calculer sur la valeur nette des travaux accomplis (consid. 4.2).

Exécution par substitution – Selon l’art. 366 al. 2 CO, lequel sanctionne l’exécution défectueuse de l’ouvrage, lorsqu’il est possible de prévoir avec certitude, pendant le cours des travaux, que, par la faute de l’entrepreneur, l’ouvrage sera exécuté d’une façon défectueuse ou contraire à la convention, le maître peut fixer ou faire fixer à l’entrepreneur un délai convenable pour parer à ces éventualités, en l’avisant que, s’il ne s’exécute pas dans le délai fixé, les réparations ou la continuation des travaux seront confiées à un tiers, aux frais et risques de l’entrepreneur. L’existence du contrat d’entreprise initial n’en est pas affectée, nonobstant le changement de nature de l’obligation à exécuter par l’entrepreneur et la mise en œuvre par le maître d’un tiers sur la base d’un second contrat d’entreprise. Le maître reste tenu de payer le prix de l’ouvrage, tel qu’il a été fixé dans le contrat d’entreprise, mais il peut exiger de l’entrepreneur qu’il lui rembourse les frais de l’exécution par substitution. De surcroît, ce dernier assume, en principe, les conséquences, non couvertes par le tiers, d’une mauvaise exécution in rem, puisque cette exécution se fait non seulement aux frais, mais encore aux risques de l’entrepreneur : les deux créances réciproques pourront être éteintes par voie de compensation. Lorsque le maître est en droit de faire appel à un tiers aux frais de l’entrepreneur pour remédier à un défaut de l’ouvrage, il a également le droit d’exiger que ce dernier lui avance les frais de réparation (consid. 5.1).

En l’espèce, le maître de l’ouvrage a opposé à la créance en paiement de l’ouvrage réalisé, la compensation avec sa créance en remboursement des frais de l’exécution par substitution, sans toutefois apporter de justificatif de règlement de la facture. Compte tenu des circonstances du cas d’espèce, il était ainsi permis de douter de la réalité des frais qui fondent cette créance compensatrice (consid. 5.2).

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Procédure

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TF 4A_535/2021 du 06 mai 2022

Contrat de vente d'immeuble; dol; garantie en raison des défauts; art. 18 et 197 ss CO

Garantie pour les défauts (rappel des principes) – Aux termes de l’art. 197 CO le vendeur est tenu de garantir l’acheteur tant en raison des qualités promises qu’en raison des défauts qui, matériellement ou juridiquement, enlèvent à la chose soit sa valeur, soit son utilité prévue, ou qui les diminuent dans une notable mesure. Constitue un défaut, l’absence d’une qualité promise par le vendeur ou à laquelle l’acheteur pouvait s’attendre selon les règles de la bonne foi. Cette qualité promise doit encore être décisive pour l’acheteur. Toutefois lorsque d’après le cours normal des choses, l’assurance est de nature à emporter la décision de l’acheteur, la causalité est présumée. Afin de déterminer si une indication de qualité par le vendeur devait être considérée comme une promesse, il convient de procéder à l’interprétation du contrat (consid. 5.1).

Interprétation du contrat (rappel des principes) – Art. 18 CO (consid. 5.1.1 à 5.1.3). En l’espèce, faute de pouvoir déterminer la volonté réelle des parties, il apparaît que l’indication d’une surface de 110 m² par la venderesse devait être considérée comme une qualité promise d’après les règles de la bonne foi (consid. 5.2 et 5.3).

Dol et clause limitative de responsabilité, avis des défauts – Dans le contrat de vente, les parties peuvent convenir de supprimer ou de restreindre la garantie pour les défauts. Cependant, toute clause du contrat de vente qui supprime ou restreint la garantie est nulle si le vendeur a frauduleusement dissimulé à l’acheteur, les défauts de la chose (art. 199 CO). S’il entend conserver son droit à la garantie des défauts, l’acheteur doit respecter certaines incombances tenant à la vérification de la chose livrée et au signalement des défauts. Lorsque des défauts cachés (que l’acheteur ne pouvait découvrir à l’aide des vérifications usuelles) se révèlent plus tard, l’art. 201 al. 3 CO prescrit de les signaler immédiatement, sinon la chose sera tenue pour acceptée, même avec ces défauts (art. 201 al. 2 et 3 CO). La loi institue une fiction d’acceptation qui entraîne la péremption de tous les droits de garantie. Toutefois, lorsque le vendeur a induit l’acheteur en erreur intentionnellement, il ne peut se prévaloir du fait que l’avis des défauts n’aurait pas eu lieu en temps utile (art. 203 CO). Sont visées non seulement les situations où le vendeur a dissuadé l’acheteur de vérifier la chose vendue et de donner l’avis des défauts, mais aussi les hypothèses de tromperies sur les défauts ou les qualités attendues ; la fiction d’acceptation de l’ouvrage est alors inapplicable (consid. 6.1).

En l’espèce, la venderesse savait que son appartement avait en réalité une surface de 92 m², dès lors qu’elle déclarait régulièrement cette surface dans sa déclaration d’impôts. Par conséquent, la clause limitative de responsabilité est nulle et la venderesse ne peut se prévaloir de la tardiveté de l’avis des défauts (consid. 6.2).

Rapport entre les vices du consentement et la garantie pour les défauts – Lorsque l’exécution du contrat de vente est défectueuse, l’acheteur a le choix entre l’invalidation du contrat pour vices du consentement et l’action en garantie des défauts. Lorsqu’il opte pour l’action en garantie des défauts, l’acheteur ratifie implicitement le contrat ; partant, l’action en garantie implique un contrat existant. En l’espèce, en faisant valoir ses droits attachés à la garantie pour les défauts et la différence de surface de l’appartement vendu, l’acquéresse a ratifié implicitement le contrat entaché d’une erreur et fait valoir ses droits attachés à l’exécution imparfaite du contrat, spécifiques au contrat de vente, conformément à la jurisprudence fédérale (consid. 7.1 et 7.2).

Contrat de vente

Contrat de vente

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 4A_351/2021 du 26 avril 2022

Contrat d'entreprise; exception d'inexécution; art. 82 CO et 153 SIA 118

Exception d’inexécution (rappel des principes) – Celui qui, dans un contrat bilatéral, veut obliger l’autre à s’exécuter doit, selon l’art. 82 CO, soit avoir déjà exécuté, soit offrir d’exécuter, à moins que, d’après le contenu ou la nature du contrat, il ne doive s’exécuter que plus tard. L’art. 82 CO accorde au débiteur une exception suspensive ayant pour effet qu’il peut retenir la prestation exigée jusqu’à ce que la contre-prestation ait été fournie ou offerte. Le créancier peut se contenter d’agir en justice pour obtenir une prestation sans réserve. Il incombe au débiteur de soulever l’exception. Si l’exception est justifiée, c’est-à-dire si le créancier n’a ni fourni ni offert la prestation, le tribunal protège l’action en ce sens qu’il condamne le débiteur à la prestation « trait pour trait », c’est-à-dire à une obligation sous condition suspensive. Il incombe au débiteur de soulever l’exception ; l’autorité ne saurait le faire d’office.

Si le débiteur soulève l’exception, c’est au créancier de prouver qu’il a fourni sa propre prestation ou qu’il l’a dûment offerte, de sorte que l’art. 82 CO déroge au principe selon lequel le fardeau de l’allégation (objectif) incombe à la personne chargée de la preuve. En revanche, l’art. 82 CO n’entraîne pas de renversement du fardeau de la preuve. La règle générale de l’art. 8 CC s’applique : il incombe d’abord au créancier qui veut faire valoir sa créance d’alléguer et de prouver les faits qui permettent d’établir l’existence de sa créance. Le débiteur qui soulève l’exception d’inexécution du contrat doit prouver l’existence de sa contre-créance. Il incombe ensuite au créancier de prouver l’exécution ou la bonne offre de sa propre prestation, ce qui signifie également qu’il supporte les conséquences de l’absence de preuve (consid. 3.1.1).

Interprétation d’un contrat (rappel des principes) – (consid. 3.1.2) ; droit à la preuve (rappel des principes (consid. 3.1.3) ; administration anticipée des preuves (consid. 3.1.4). En l’espèce, l’exception d’inexécution a été soulevée à bon escient. En effet, le droit au solde du prix de l’ouvrage, qui est exigible, et le droit à la réparation, qui est également exigible, s’opposent. L’entrepreneur ayant refusé jusqu’à présent de procéder à la réparation, le maître d’ouvrage doit être condamné à verser le solde du prix de l’ouvrage en échange du remplacement de la tuyauterie litigieuse (consid. 3.3.4 et 3.4). En outre, un décompte final au sens de l’art. 153 de la norme SIA 118 ne constitue pas un contrat de compte courant, qui pourrait être résilié et qui comprendrait toutes les créances ouvertes résultant du contrat d’entreprise et qui pourrait faire échec à l’exception d’inexécution (consid. 3.4.1).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Normes SIA

Normes SIA

TF 5A_745/2021 du 26 avril 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; maxime des débats et caractère réformatoire de l'appel; art. 55 et 318 CPC

Maxime des débats, fardeaux de l’allégation et de la contestation (rappel des principes) – (consid. 2 et 3.3) ; renvoi à une pièce (consid. 2.2.3).

En matière d’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, lorsque la partie demanderesse a établi des rapports journaliers, comportant des inscriptions manuscrites aisément lisibles et précisant quand et pour quelle maison ou pour quel terrain quels travaux ont été entrepris, il incombe à la défenderesse de contester avec précision les travaux, ce qu’elle n’a pas fait dans le cas d’espèce (consid. 2.3.2 et 3.4). Il en est de même s’agissant de l’allégation du délai de quatre mois pour obtenir l’inscription de l’hypothèque ; dans la décision, un renvoi aux pièces est également possible, lorsqu’elle motive séparément que le délai est respecté pour chaque immeuble (consid. 2.4-2.4.3).

Pour prouver l’existence des différents travaux litigieux, plusieurs centaines de pages de pièces justificatives étaient nécessaires avec notamment tous les métrés individuels. Intégrer ces éléments dans l’acte aurait massivement augmenté son volume, sans pour autant fournir davantage d’informations au tribunal ou à la partie adverse et aurait donc équivalu à un véritable travail à vide. En l’occurrence l’acte comprend néanmoins les faits qui sont allégués, du moins dans leurs grandes lignes, de sorte que l’on se trouve précisément dans le cas où une multitude d’informations individuelles sont nécessaires, que le transfert des informations dans une annexe ne constitue pas un alourdissement, mais peut au contraire faciliter aussi bien la lisibilité du mémoire juridique que l’accès aux informations correspondantes (consid. 2.4.4.2).

Caractère réformatoire de l’appel – L’instance d’appel décide selon son appréciation si elle rend une décision réformatrice ou cassatoire. Elle ne peut toutefois prendre une décision réformatrice que si elle est en état de statuer. La procédure est en état d’être jugée lorsque le tribunal dispose de tous les éléments pour statuer sur le bien-fondé ou le mal-fondé de la prétention invoquée ou pour rendre une décision de non-entrée en matière. En outre, la procédure prescrite par la loi doit avoir été menée en bonne et due forme. Les bases factuelles nécessaires à l’appréciation de la prétention litigieuse doivent être disponibles et les parties doivent avoir eu la possibilité de s’exprimer sur toutes les questions pertinentes pour la décision. Aucune demande de preuve formulée conformément à la procédure ne doit rester ouverte sur des questions litigieuses pertinentes pour la décision. Aux yeux du législateur, un renvoi doit en principe être l’exception, sous peine de prolonger inutilement le procès (consid. 4.3.2.1).

Même lorsque le Tribunal de première instance a rejeté la demande pour un défaut de l’allégation, le Tribunal cantonal qui considère que l’allégation de la demanderesse est suffisante peut réformer la décision et rendre une décision au fond.

Procédure

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Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 4A_478/2021 du 20 avril 2022

Contrat d'entreprise; prix forfaitaire; art. 373 CO

Prix ferme ou prix forfaitaire (art. 373 CO) – Le forfait vaut pour autant que l’ouvrage finalement exigé par le maître corresponde à celui projeté lors de la conclusion du contrat, sans modifications qualitatives ou quantitatives. Des modifications de commande donnent droit à une augmentation du prix en cas de prestations supplémentaires de l’entrepreneur (consid. 4.1). Si l’entrepreneur prétend à une rémunération supplémentaire, il doit prouver avoir fourni une prestation non incluse dans les travaux faisant l’objet du contrat d’entreprise, et partant non couverte par le prix forfaitaire fixé pour ceux-ci. Ceci dit, c’est l’interprétation du contrat qui permet de déterminer quelles prestations avaient été initialement convenues. Comme le souligne finement la doctrine, certaines imprécisions peuvent profiter à l’entrepreneur, dans la mesure où le descriptif des travaux émane du maître (consid. 4.2).

En l’espèce, le recourant maître de l’ouvrage a attendu la procédure judiciaire pour objecter qu’il n’avait jamais approuvé les travaux supplémentaires, les reproches antérieurs étant jugés trop vagues ou concernaient d’autres points litigieux. Ainsi le recourant n’avait certes pas approuvé au préalable et par écrit les travaux supplémentaires, en particulier la rémunération y afférente, mais il a finalement accepté ces travaux exécutés avec l’assentiment de son architecte. Partant, il doit en assumer le surcoût (consid. 5.3).

Contrat d'entreprise

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Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

TF 4A_29/2022 du 19 avril 2022

Contrat de vente immobilière; erreur de base; art. 24 al. 1 ch. 4 et 26 CO

Erreur de base (rappel des principes) – Un contrat n’engage pas celui qui, lors de sa conclusion, s’est trouvé dans une erreur essentielle (art. 23 CO). Une telle erreur existe notamment lorsque l’erreur portait sur un état de fait déterminé que la personne qui s’est trompée considérait, selon les règles de la bonne foi dans les relations commerciales, comme un fondement nécessaire du contrat (art. 24 al. 1 ch. 4 CO). Outre le caractère subjectif essentiel, il est nécessaire que l’état de fait sur lequel se fonde l’erreur apparaisse aussi objectivement, conformément au principe de la bonne foi dans les relations commerciales, comme le fondement nécessaire du contrat. L’erreur selon l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO peut porter sur un fait futur, mais uniquement si ce fait pouvait être considéré objectivement comme certain au moment de la conclusion du contrat. Il faut en outre que la partie adverse ait dû reconnaître que la certitude de la survenance de l’événement futur était une condition contractuelle pour l’autre partie. Est objectivement essentielle une idée fausse qui est nécessairement commune aux deux parties, consciemment ou inconsciemment, et qui, considérée objectivement, a été une condition indispensable à la conclusion du contrat (consid. 2.1).

Invocation de l’erreur de base en cas de négligence de la personne dans l’erreur – Il peut y avoir une erreur de base au sens de l’art. 24 al. 1 ch. 4 CO même si l’erreur est due à la négligence de la personne qui s’est trompée. La négligence ne prive donc en principe pas l’auteur de l’erreur de l’invoquer, mais elle a en général pour conséquence qu’il doit verser des dommages-intérêts à sa partie adverse conformément à l’art. 26 CO. Le principe de la bonne foi (art. 25 al. 1 CO) constitue toutefois une limite à l’invocation de l’erreur de base. Si, lors de la conclusion du contrat, une partie ne se préoccupe pas de clarifier une question évidente, l’autre partie peut en déduire, selon les règles de la bonne foi, que cette circonstance n’est pas considérée par le partenaire comme un fondement nécessaire du contrat. Un comportement négligent peut donc, justement en relation avec d’autres circonstances, faire apparaître une invocation de l’erreur sur les fondements comme contraire à la loyauté et donc irrecevable (consid. 2.1).

En l’espèce, s’informer trois années avant la vente immobilière d’un possible changement d’affectation du terrain vendu n’est pas suffisant ; une partie contractante consciencieuse aurait dû, avant de signer le contrat, se renseigner auprès de la commune sur les possibilités de changement d’affectation actuelles et pertinentes pour la vente, afin d’éviter toute erreur. Dans ces circonstances, l’acheteur doit se laisser imputer l’absence de clarification comme une négligence et son erreur, selon laquelle le changement d’affectation d’une grange était exclu, doit être imputée à son manque de diligence. Il s’agit donc d’une erreur par négligence au sens de l’article 26 CO (consid. 2.5 et 2.6).

Contrat de vente

Contrat de vente

TF 4A_415/2021 du 18 mars 2022

Contrat d'entreprise totale; maxime des débats; fardeau de l'allégation et de la contestation - renvoi à une facture; art. 55 CPC

Maxime des débats, fardeau de l’allégation (rappel des principes) – Maxime des débats (consid. 5.1). Dans un premier temps, une allégation de fait ne doit pas contenir tous les détails. Ce n’est que dans la mesure où la partie adverse conteste l’exposé concluant des faits de la partie à qui incombe la charge de l’allégation qu’intervient une charge de la preuve allant au-delà de la charge de l’allégation. Dans ce cas, les allégations doivent être présentées dans un deuxième temps, non seulement dans les grandes lignes, mais aussi de manière suffisamment détaillée et claire pour que la preuve puisse en être acceptée ou que la contre-preuve puisse être apportée (consid. 5.2).

Maxime des débats, fardeau de la contestation (rappel des principes) – Les contestations doivent être suffisamment concrètes pour permettre de déterminer quelles sont les affirmations individuelles du demandeur qu’elles contestent. La contestation doit être suffisamment concrète pour que la partie adverse sache quelle allégation de fait elle doit prouver. Le degré de matérialité d’une allégation influence donc le degré de matérialité requis pour une contestation : plus les différents faits d’un état de fait global sont allégués de manière détaillée, plus la partie adverse doit expliquer concrètement lesquels de ces différents faits elle conteste. Une contestation suffisante permet à la partie chargée de l’allégation de savoir lesquelles de ses allégations elle doit continuer à étayer et lesquelles elle doit finalement prouver (consid. 5.3). Si le demandeur allègue dans ses écritures un montant dû et renvoie pour cela à bon escient à une facture annexée ou à un décompte détaillé, on peut exiger du défendeur qu’il désigne précisément les positions de la facture ou les points du décompte qu’il conteste. A défaut, la facture ou le décompte sont considérés comme insuffisamment contestés et donc acceptés (consid. 5.3).

Maxime des débats, renvoi à une annexe (rappel des principes) – La jurisprudence du Tribunal fédéral exige que la charge de l’allégation et de la preuve soit en principe remplie dans les mémoires. Le simple renvoi global aux annexes ne suffit généralement pas. Exceptionnellement, si des faits sont allégués dans leurs grandes lignes dans un mémoire et qu’il est renvoyé à une annexe pour les détails, il convient d’examiner si la partie adverse et le tribunal obtiennent ainsi les informations nécessaires d’une manière telle qu’une reprise dans le mémoire apparaîtrait comme un simple exercice vide, ou si le renvoi est insuffisant parce que les informations nécessaires ne sont pas contenues de manière claire et complète dans les annexes ou qu’il faudrait les y chercher. Un accès aisé est garanti lorsqu’une pièce jointe est explicite et qu’elle contient exactement les informations demandées (consid. 5.4).

Allégation nécessaire selon le fondement juridique invoqué – Dans le cas d’une indemnisation d’après le travail fourni (art. 374 CO), le travail invoqué doit être exposé de manière à ce que sa nécessité et son adéquation puissent être vérifiées, ce qui suppose des indications compréhensibles sur les travaux effectués et les heures de travail consacrées à ceux-ci. Toutefois, lorsqu’il ne s’agit pas d’un salaire mais d’une prétention en dommages-intérêts fondée sur un contrat d’entreprise en raison d’une violation d’une obligation accessoire (devoir de diligence) concernant un bâtiment en construction, pour laquelle l’entrepreneur doit répondre selon les principes généraux de la responsabilité contractuelle (art. 364 al. 1 CO en relation avec les art. 97 ss CO), l’on ne saurait exiger une allégation quant à l’adéquation et à la nécessité des travaux effectués par les artisans. De telles exigences sont excessives quant au fardeau de l’allégation, respectivement ne portent pas sur le bon objet à alléguer (consid. 6.2.3), ces questions ne pouvant avoir une portée que s’agissant de l’obligation de réduire le dommage (consid. 6.2.4).

En l’espèce, le dommage était suffisamment allégué, puisque l’existence d’un dommage a été alléguée dans les grandes lignes dans le mémoire de demande, qu’il a été fait référence à deux pièces déterminées du dossier et qu’il ressort de ces pièces différentes positions, classées proprement et clairement par position CFC et mentionnées de manière claire et complète, les frais de remise en état étant au surplus mentionnés en détail, avec le total intermédiaire et le total général, de sorte que les différents postes du dommage ne doivent pas être recherchés ou interprétés d’une quelconque manière (consid. 7.3).

Face à cette situation, la défenderesse s’est contentée de contester le montant total du dommage et a déclaré que le dommage n’était aucunement étayé et démontré. Insuffisante, cette contestation conduit le Tribunal fédéral à considérer que le montant du dommage n’a pas été suffisamment contesté et qu’il doit être considéré comme admis (consid. 7.5 à 7.7).

Procédure

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Contrat d'entreprise

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TF 4A_230/2021 du 07 mars 2022

Responsabilité de l'employeur; relation entre droit civil et droit pénal; art. 53 et 55 CO

Interprétation de l’art. 53 CO – L’art. 53 CO n’est pas limpide mais il en ressort clairement qu’il ne concerne pas l’établissement des faits ni l’illicéité qui en résulte, de sorte qu’il échoit à la procédure civile (jadis du ressort des cantons) de décider si le juge civil est lié ou non par les faits constatés au pénal. Le CPC étant muet sur le sujet, le juge civil n’est pas lié par l’état de fait arrêté par le juge pénal ; il décide selon sa propre appréciation de reprendre ou non les faits constatés au pénal et se prononce librement sur l’illicéité. Ceci dit, rien n’empêche le juge civil de reprendre à son compte les constatations du juge pénal, sachant que ce dernier a des moyens d’investigation plus étendus. Si le juge civil considère qu’il peut suivre l’avis du juge pénal, il rend là une décision d’opportunité (consid. 2.2).

Partant, dans le cas d’espèce, l’instance précédente n’a pas violé l’art. 53 CO en s’écartant de l’analyse des juges pénaux et en reprochant à l’auxiliaire, dans une configuration des lieux particulièrement dangereuse, d’avoir omis de prendre les mesures de protection nécessaires pour éviter à l’un des autres intervenants de marcher sur le trou qu’il venait d’occulter par une fine couche d’isolation (consid. 2.3).

Responsabilité de l’employeur – L’art. 55 CO institue une responsabilité spécifique pour le fait d’autrui, fondée sur un manque de diligence de l’employeur qui est présumé. L’employeur qui tire profit des services de son auxiliaire doit aussi supporter les conséquences de ses manquements (respondeat superior), d’autant que l’intéressé n’a souvent guère les moyens économiques de réparer le dommage causé dans l’exécution de son travail. Pour s’exculper, l’employeur doit prouver qu’il a pris tous les soins commandés par les circonstances concrètes (cura in eligendo, instruendo et custodiendo) ou qu’un comportement diligent n’aurait pas empêché la survenance du dommage. Les exigences envers l’employeur sont élevées ; l’admission de motifs libératoires ne doit être admise que restrictivement. La diligence requise est proportionnelle à la dangerosité du travail de l’auxiliaire. Cela étant, on ne saurait demander l’impossible : il faut s’en tenir à ce qui est raisonnablement exigible dans la marche quotidienne d’une entreprise (consid. 3.2).

En l’occurrence, les juges vaudois n’ont pas enfreint le droit fédéral en considérant que la configuration très dangereuse créée par le recouvrement du trou et l’absence de barrière imposait des mesures telles que celles prescrites (consistant en particulier à demander l’aide d’un des ouvriers présents), même pour un bref instant, sachant que deux autres personnes travaillaient sur ce même étage (consid. 3.3.2).

La responsabilité de l’employeur va au-delà de la responsabilité pour faute classique et il ne peut se prévaloir de sa situation personnelle : il doit prouver avoir pris toutes les mesures dictées par des critères objectifs et les circonstances concrètes. La pratique se montre restrictive dans l’admission des moyens libératoires, ce qui peut notamment être relié à la ratio legis de l’art. 55 CO et aux considérations économiques qui sous-tendent cette règle (consid. 3.5.2).

Droit pénal

Droit pénal

TF 5A_82/2022 du 01 mars 2022

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; inscription définitive; art. 839 CC; 63 CPC

Litispendance rétroactive en matière d’hypothèque légale – Le recourant a déposé une requête de conciliation, en demandant l’inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs ; l’autorité de conciliation n’est pas entrée en matière sur la requête, faute de compétence matérielle. Le recourant dépose ensuite une demande d’inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs auprès du tribunal régional. Le tribunal n’est pas entré en matière sur la demande au motif que ce n’est pas la demande initiale qui a été déposée, mais une demande qui s’en distingue nettement.

La litispendance rétroactive au sens de l’art. 63 al. 1 CPC pour une requête déposée préalablement auprès d’une autorité de conciliation incompétente devant le tribunal compétent est en soi possible, mais suppose que le même acte juridique soit déposé en original, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (consid. 2-3).

Le Tribunal fédéral se réfère à sa jurisprudence dans cette constellation (ATF 145 III 428) : le justiciable qui s’est adressé par erreur à l’autorité de conciliation au lieu de saisir directement le tribunal doit déposer la requête initiale, qui avait été déposée auprès de la mauvaise instance, à nouveau en original dans le délai imparti auprès du tribunal compétent. Le Tribunal fédéral justifie sa jurisprudence en cela que la partie concernée peut, le cas échéant, s’exprimer une seconde fois – dans le cadre d’un second échange d’écritures ou oralement lors d’une audience d’instruction ou au début des débats principaux, préalablement aux premières conclusions des parties – sans restriction et ainsi remédier en grande partie aux conséquences négatives de son oubli (consid. 4).

Procédure

Procédure

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 4A_501/2021 du 22 février 2022

Contrat d'entreprise; demeure de l'entrepreneur et frais d'avocat avant procès; art. 102 et 107 CO

Demeure (rappel des principes) – Lorsqu’une obligation est exigible, le débiteur est mis en demeure par une sommation du créancier (art. 102 al. 1 CO). La mise en demeure est une déclaration du créancier adressée au débiteur, qui exprime qu’il exige la prestation sans retard. La mise en demeure doit désigner la prestation à fournir avec suffisamment de précision pour que le débiteur comprenne ce que le créancier veut exiger. La mise en demeure est une déclaration qui doit être reçue. Il convient de déterminer si les exigences de précision et de clarté sont remplies dans le cas d’espèce, sur la base des circonstances concrètes, par interprétation – en appliquant le principe de confiance (consid. 6.2.1).

En l’espèce, l’instance précédente n’a pas violé le droit fédéral en admettant que la demanderesse avait mis en demeure la reprise des travaux et non la livraison finale des machines (consid. 6.2.3).

Délai supplémentaire et pourparlers transactionnels – Tant que le créancier n’a pas fait son choix au sens de l’art. 107 CO, il peut fixer un nouveau délai supplémentaire au débiteur. La jurisprudence et la doctrine n’établissent pas de délai général dans lequel un nouveau délai supplémentaire devrait être fixé. Le créancier doit simplement respecter les principes de la bonne foi. En l’espèce, plusieurs mois se sont écoulés entre le premier et le deuxième rappel. Dans l’intervalle, les parties ont continué à avoir des contacts, mais sans que le maître d’ouvrage ait expressément fait un choix au sens de l’article 107 CO. Il faut voir dans cette négociation une prolongation implicite du délai supplémentaire, même si celle-ci n’est pas assortie d’une date précise et ne peut donc pas entraîner d’effets de retard supplémentaires (consid. 6.3).

La location d’un local d’usine pour la machine à livrer peut constituer un poste du dommage (consid. 7).

Frais d’avocats avant procès (rappels des principes) – Les frais d’avocat avant procès peuvent faire partie intégrante du dommage, mais seulement s’ils étaient justifiés, nécessaires et raisonnables, s’ils servent à faire valoir la créance en dommages-intérêts et seulement dans la mesure où ils ne sont pas couverts par l’indemnité de la partie. La partie qui réclame le remboursement des frais d’avocat engagés avant le procès doit démontrer de manière circonstanciée, c’est-à-dire indiquer les circonstances qui plaident en faveur du fait que les dépenses invoquées doivent être considérées comme faisant partie intégrante du dommage et qu’elles étaient donc justifiées, nécessaires et raisonnables, qu’elles servent à faire valoir la créance en dommages-intérêts et qu’elles ne sont pas couvertes par l’indemnité de la partie (consid. 9.1). Les frais d’avocat avant le procès sont en règle générale indemnisés avec les dépens. Cela vaut notamment dans le domaine d’application du CPC. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’ils peuvent être poursuivis séparément en tant que dommage (consid. 9.2.2).

En l’espèce, l’instance précédente a attribué à la demanderesse des frais d’avocat qui ont été engagés à un moment où il fallait déjà s’attendre de manière réaliste à un éventuel procès, de sorte qu’elle s’est fondée sur une délimitation erronée du dommage en accordant à la demanderesse des frais d’avocat avant procès (consid. 9.2.2 et 9.3).

Procédure

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Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

TF 4A_238/2021 du 08 février 2022

Contrat d'entreprise; prix de l'ouvrage; art. 374 CO

Caractère dispositif de l’art. 374 CO – Faute d’accord préalable sur le prix de l’ouvrage, il n’y a pas matière à s’écarter de la règle générale et subsidiaire de l’art. 374 CO, selon laquelle le prix doit dans ce cas être déterminé d’après la valeur du travail et les dépenses de l’entrepreneur (consid. 2.2).

Obiter dictum – En l’espèce, le prix de l’ouvrage censé être fixé d’après la valeur du travail et les dépenses de l’entrepreneur (art. 374 CO) a en réalité été établi selon les tarifs en régie d’une association professionnelle. Ce procédé était admissible dans la mesure où il s’agissait d’une pratique usuelle aux dires de l’expert. D’aucuns soulignent qu’on ne saurait se contenter de la preuve d’un tel usage lorsque la disposition légale topique – ici l’art. 374 CO – ne s’y réfère pas : une intégration expresse ou tacite par les parties devrait être établie, le cas échéant indirectement, par renvoi à l’usage incluant lesdits tarifs. Le grief n’ayant pas été soulevé, le recours est rejeté (consid. 2.3).

Contrat d'entreprise

Contrat d'entreprise

Prix de l'ouvrage

Prix de l'ouvrage

TF 4A_455/2021 du 26 janvier 2022

Contrat d'entreprise; intégration de la norme SIA 118 et maxime des débats; art. 55 CPC; 102-107 CO; 55, 153-155 et 190 SIA 118

Intégration de la norme SIA 118 – La norme SIA 118 est le recueil de règles de la Société privée des ingénieurs et des architectes suisses. Selon la pratique du Tribunal fédéral, les règlements d’organisations privées n’ont pas la qualité de normes juridiques, même lorsqu’ils sont très détaillés et exhaustifs, comme par exemple la norme SIA 118. Le Tribunal fédéral ne reconnaît pas la norme SIA 118 comme un usage imposant des règles (regelbildende Übung) et ne s’y réfère que si les parties l’ont élevée au rang de contenu contractuel. Si une partie se réfère à la norme SIA 118, elle doit affirmer et prouver qu’elle est devenue partie intégrante du contrat. Il n’est pas arbitraire de reconnaître que le contenu de la norme SIA 118 est un fait notoire (consid. 5.2).

Si une partie se réfère à la norme SIA 118, elle doit affirmer et prouver qu’elle est devenue partie intégrante du contrat. Il n’est pas arbitraire de reconnaître que le contenu de la norme SIA 118 est un fait notoire (consid. 5.2).

Maxime des débats en cas d’intégration de la norme SIA 118 – Si la norme SIA 118 est intégrée dans le contrat, le tribunal est libre d’apprécier d’office, dans le cadre de l’application du droit, l’ensemble du contrat, y compris la norme SIA 118 reprise globalement. De même, le tribunal peut, sans violer la maxime de disposition, tirer des conclusions sur les obligations contractuelles à partir des différentes dispositions du contrat, même si les parties ne fondaient pas leur prétention en détail sur les clauses contractuelles pertinentes (consid. 5.3.2).

En l’espèce, l’instance précédente pouvait, sans violer le droit fédéral, retenir les délais de paiement contenus explicitement dans le contrat d’entreprise pour le calcul des intérêts moratoires et écarter le délai de l’art. 154 de la norme SIA 118 (consid. 5.3.3). L’instance précédente a toutefois commis une faute de calcul, de sorte que le recours est partiellement admis (consid. 5.3.4).

Contrat d'entreprise

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Normes SIA

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Procédure

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TF 4A_59/2021 du 25 janvier 2022

Contrat de courtage; salaire du courtier; art. 412 et 413 CO

Salaire du courtier (rappel des principes) – On distingue, selon l’art. 412 al. 1 CO, le courtage par lequel le courtier est chargé d’indiquer à l’autre partie l’occasion de conclure une convention (courtage d’indication) du courtage par lequel le courtier est chargé de négocier la conclusion d’un contrat (courtage de négociation) contre une rémunération. Le contrat de courtage est en général soumis aux dispositions relatives au mandat simple (art. 412 al. 2 CO).

Si le courtier est tenu contractuellement de servir d’intermédiaire pour la conclusion du contrat, l’étendue de ses obligations est déterminée par la convention contractuelle ou la nature de la transaction. Sauf convention contraire, le droit au salaire du courtier suppose un lien de causalité entre l’activité du courtier et la conclusion effective du contrat principal ou de la transaction cible, un lien psychologique entre les efforts du courtier et la décision du tiers étant suffisant. Le lien psychologique peut exister même si les négociations ont été rompues entre-temps, également dans l’hypothèse où le courtier n’a pas été impliqué jusqu’à la conclusion du contrat ou encore si un autre courtier est intervenu. Il n’y a pas de lien psychologique suffisant uniquement lorsque l’activité du courtier n’a pas abouti à un résultat, que les négociations ont été définitivement rompues et que la vente a finalement été conclue sur une toute nouvelle base.

Intervention du courtier – Il incombe au courtier de prouver que son intervention – à savoir son entremise en cas de courtage de négociation ou ses indications en cas de courtage d’indication – a conduit au succès défini contractuellement. Selon l’art. 413 al. 1 CO, le courtier a droit à son salaire dès que l’indication qu’il a donnée ou la négociation qu’il a conduite aboutit à la conclusion du contrat. En raison de la nature dispositive de l’art. 413 al. 1 CO, cela n’exclut pas que le remboursement des frais (art. 413 al. 3 CO), le paiement d’honoraires ou d’une commission puissent être prévus par le contrat de courtage et ce, même dans l’hypothèse où le contrat entre le tiers et le client n’est pas conclu (consid. 3.1.1).

En l’espèce, la demande de reddition de compte est rejetée, les recourants n’ayant ni exposé concrètement quels documents originaux ils n’auraient pas récupérés, ni établi un lien entre la prétendue violation du devoir de diligence de l’intimée et la demande de restitution des honoraires invoquée en conséquence. La demande en remboursement des honoraires est également rejetée, dans la mesure où le courtier s’est seulement engagé à trouver un acheteur pour un prix minimum, tâche qu’il a accomplie avec succès. Dans ce cas, peu importe de savoir si l’intimée a rempli le contrat de courtage et a mérité les honoraires ou de savoir avec qui d’autre, en dehors de l’acheteuse ultérieure de l’immeuble, le courtier a négocié, dans la mesure où il est certain et incontesté que l’immeuble a été vendu grâce aux efforts de celui-ci (consid. 3.3).

Analyse de Marcel Eggler

Contrat de courtage; obligation de diligence; obligation de rendre compte; art. 413a CO; 8 CC; 221 al. 1 let. D; 222 CPC

Contrat de courtage

Contrat de courtage

TF 4A_341/2021 du 15 décembre 2021

Contrat de vente immobilière; représentation; art. 32 et 33 CO

Conditions de validité de la représentation. Selon le système des art. 32 ss CO, lorsque le représentant qui conclut le contrat manifeste agir au nom du représenté, le représenté est lié dans trois cas de figure : (1) lorsque le représenté avait conféré les pouvoirs nécessaires au représentant dans leurs rapports internes (procuration interne ; art. 32 al. 1 CO) ; (2) en l’absence de pouvoirs internes conférés au représentant par le représenté, lorsque le tiers pouvait déduire l’existence de tels pouvoirs du comportement du représenté dans leurs rapports externes (procuration apparente ; art. 33 al. 3 CO) ; et (3) en l’absence de pouvoirs internes conférés au représentant par le représenté, lorsque celui-ci a ratifié le contrat (art. 38 al. 1 CO). Ces règles sont aussi applicables lorsque le représenté est une société anonyme (consid. 4.1).

En l’espèce, l’on ne peut pas retenir l’existence d’une ratification pour des travaux d’assainissement liés à une pollution du terrain constatée après la vente, lorsque l’interlocuteur – au bénéfice d’une procuration limitée dans le temps et expressément limitée à la représentation de la venderesse pour la conclusion de l’acte de vente – a uniquement apposé son visa sur un courrier de la partie acquéresse, après que la procuration a expiré (consid. 6.4).

Contrat de vente

Contrat de vente

Défauts/Garantie

Défauts/Garantie

TF 5A_664/2021 du 15 novembre 2021

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; principes de disposition; répartition du montant du gage entre les unités d'étages; art. 56 et 58 CPC; 839 CC

L’art. 58 al. 1 CPC prévoit que le tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (ne eat iudex ultra petita partium). Il s’agit là de la conséquence principale de la maxime de disposition, qui est l’expression en procédure du principe de l’autonomie privée. Il appartient aux parties, et à elles seules, de décider si elles veulent initier un procès et ce qu’elles entendent y réclamer ou reconnaître (consid. 3.1)

Le juge saisi d’une demande tendant à l’inscription d’une hypothèque légale sur l’immeuble de base alors que les parts d’étages sont déjà grevées n’est, conformément à la maxime de disposition, pas autorisé à répartir d’office le droit de gage sur les parts d’étages mais doit débouter l’entrepreneur de ses conclusions (consid. 3.4).

Procédure

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Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 5A_86/2021 du 02 novembre 2021

Contrat d'entreprise; intégration de la norme SIA 118 en tant que Conditions générales du contrat; art. 93 CPC; SIA 118

Intégration de la norme SIA 118 dans le contrat d’entreprise – rappel des principes. La validité des conditions générales préformulées, dont fait partie la norme SIA 118, est limitée par la règle de l’insolite. Selon cette dernière, sont exclues d’une acceptation globale des conditions générales du contrat toutes les clauses inhabituelles dont l’existence n’a pas été signalée séparément à la partie qui donne son accord. Le caractère inhabituel s’apprécie du point de vue de celui qui donne son consentement au moment de la conclusion du contrat. Il faut notamment tenir compte du fait que la personne qui donne son consentement est ou non au fait des affaires et de la branche : moins elle a d’expérience des affaires ou de la branche, plus une clause aura de chances d’être inhabituelle pour elle. Ainsi, des clauses usuelles dans la branche peuvent être inhabituelles pour une personne étrangère à la branche, mais pas pour une personne connaissant la branche. La connaissance de la branche ou l’expérience commerciale n’exclut toutefois pas nécessairement le caractère inhabituel. Même pour une personne connaissant la branche ou ayant de l’expérience dans les affaires, une clause des conditions générales peut, dans certaines circonstances, être inhabituelle. La règle de l’insolite est un instrument de la doctrine du consensus ; elle concrétise le principe de la confiance, qui vise à protéger la bonne foi dans les relations commerciales et ne vise pas en premier lieu à protéger la partie la plus faible ou inexpérimentée contre la partie la plus forte ou expérimentée (consid. 3.1.1).

Fardeau de la preuve de l’intégration. La simple invocation d’un fait négatif, en l’occurrence l’absence d’expérience invoquée par le maître, n’oblige pas l’entrepreneur à prouver l’expérience de son cocontractant, à défaut de quoi le fardeau de la preuve serait renversé. L’entrepreneur peut ainsi se limiter à contester l’inexpérience de son cocontractant (fardeau de la contestation), ce qui impose une obligation à ce dernier de prouver le fait dont il déduit un droit, à savoir l’application de la règle de l’insolite en sa faveur (consid. 3.1.5.2).

Compensation et prétentions reconventionnelles. Le maître de l’ouvrage invoque la compensation avec la prétention en paiement en raison des défauts liés à l’exécution défectueuse. L’entrepreneur invoque la réception de la chose selon la norme SIA 118 et la reconnaissance du décompte final sans avis de défaut pour contester la prétention en dommages-intérêts lié aux défauts reconnus par expertise judiciaire. Le Tribunal ne peut pas limiter son examen aux prétentions du demandeur mais doit examiner l’entier des prétentions reconventionnelles invoquées en compensation (consid. 3.2).

Valeur litigieuse. Il n’est pas critiquable que les instances cantonales additionnent les valeurs litigieuses des prétentions invoquées en paiement de l’ouvrage et en inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pour le calcul de la valeur litigieuse, dans la mesure où les questions juridiques peuvent différer, notamment sur le respect du délai de 4 mois (consid. 5.3).

Contrat d'entreprise

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Normes SIA

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Procédure

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TF 4A_155/2021 du 30 septembre 2021

Contrat d'architecte; expertise; récusation; art. 49 et 50 CPC

Compétence pour la nomination d’un expert. La décision portant sur la nomination d’un expert et qui se prononce sur des motifs de récusation articulés en amont de cette nomination constitue une ordonnance d’instruction dont la compétence peut être déléguée à un membre du tribunal (consid. 4.4).

Motif de prévention. L’appartenance commune à une institution publique ou privée, un club (Rotary, Lions Club, etc.), un institut, une association professionnelle, un parti politique ou une communauté religieuse ne fonde pas en soi une prévention, sans quoi planerait souvent le risque de ne trouver aucun expert. Cela étant, l’appartenance à une même communauté d’intérêts peut le cas échéant justifier une récusation lorsque le but idéal de l’entité a un rapport étroit avec l’objet du procès. L’expert n’est pas forcément prévenu parce qu’il se rallie à une certaine école de pensée ou à une méthode scientifique, quand bien même l’école ou la méthode est controversée et peut avoir une incidence sur le résultat de l’expertise. Encore faut-il que l’école ou la méthode soit reconnue scientifiquement et ne soit pas manifestement dépassée ou rejetée à une large échelle dans les milieux spécialisés. Les conceptions scientifiques de l’expert ne doivent pas protéger exclusivement le point de vue d’une des parties et donner à penser que le sort du procès n’est plus ouvert (consid. 5.2).

En l’espèce, la fonction de l’expert architecte au sein de l’Union internationale des architectes (UIA) dont il est vice-président ainsi que sa fonction de membre d’honneur de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA) ne laissent apparaître aucune apparence de prévention ou de partialité (consid. 5.3).

Procédure de récusation. L’art. 49 al. 2 CPC impose d’interpeller « le magistrat ou le fonctionnaire judiciaire concerné » par la demande de récusation. La prise de position de la personne concernée sert à clarifier l’état de fait tout en lui permettant d’accepter ou de contester le motif de récusation. La jurisprudence concède des dérogations à cette règle tout au plus lorsque la requête est abusive ou manifestement infondée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (consid. 5.4).

Procédure

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Expertise

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TF 4A_627/2020 du 24 août 2021

Contrat de vente immobilière; clause d'exclusion de garanties; art. 199 et 200 CO

Responsabilité du vendeur. La responsabilité du vendeur est moins stricte pour les qualités attendues que pour les qualités promises, puisque, dans le premier cas, le vice doit entraîner (au moins) une diminution notable de l’utilité prévue ou de la valeur (objective) de la chose. Le niveau d’exigence quant à la qualité attendue dépend du contenu du contrat, des règles de la bonne foi et des autres circonstances du cas concret. De manière générale, la perte de valeur ou d’utilité est notable lorsque l’acheteur n’aurait pas conclu le contrat ou l’aurait conclu à des conditions différentes s’il avait connu le vice (consid. 4.1).

Dissimulation frauduleuse. La « dissimulation frauduleuse » au sens de l’art. 199 CO couvre des comportements de dol et de tromperie intentionnelle. Elle est notamment réalisée lorsque le vendeur omet d’aviser son cocontractant d’un défaut alors qu’il a une obligation de renseigner, laquelle peut découler des règles de la bonne foi. Savoir s’il existe un devoir d’informer dépend des circonstances du cas concret. Le vendeur est tenu de détromper l’acheteur lorsqu’il sait – ou devrait savoir – que celui-ci est dans l’erreur sur les qualités de l’objet ou lorsqu’il s’agit d’un défaut (notamment caché) auquel l’acheteur ne peut de bonne foi pas s’attendre, et qui revêt de l’importance pour celui-ci. Ceci présuppose que le vendeur ait une connaissance effective du défaut. L’ignorance due à une négligence même grave ne suffit pas. La connaissance ne doit pas nécessairement être complète ni porter sur tous les détails ; il suffit que le vendeur soit suffisamment orienté sur la cause à l’origine du défaut pour que le principe de la bonne foi l’oblige à en informer l’acheteur. Le vendeur est dispensé d’informer l’acheteur lorsqu’il peut de bonne foi partir du principe que l’acheteur va s’informer lui-même, qu’il va découvrir le défaut sans autre, sans difficultés. La dissimulation doit être intentionnelle ; le dol éventuel suffit (consid. 4.2).

Nulle violation de l’art. 199 CO ne se conçoit donc sur le fondement de garanties qui n’ont pas été données à l’acheteur (consid. 6.2).

Contrat de vente

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Garanties

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