TF 1C_30/2023 du 29 janvier 2024

Expropriation matérielle; distinction entre un déclassement et un refus de classement; brèche dans le bâti; principe de la confiance; sacrifice particulier; art. 26 Cst.; 5 LAT

Expropriation matérielle (art. 26 Cst. ; 5 LAT) – Rappel des principes. Distinction entre un déclassement et un refus de classement – Rappel des principes (consid. 3.2.2). En l’espèce, la parcelle n’est plus soumise, depuis 2022, à une planification définitive ; il existe au contraire un vide de planification. En pratique, cela revient néanmoins à une restriction à long terme du droit de construire (consid. 3.3). Cette restriction doit toutefois être qualifiée de refus de classement, dans la mesure où l’ancienne planification, abrogée en 2022, n’était pas conforme à la LAT en raison d’un surdimensionnement de la zone à bâtir (consid. 3.4). En outre, les investissements et les frais d’équipement allégués en l’espèce ont été réalisés dans le passé pour les anciennes activités de stockage et de commerce de carburants et ne sont donc pas liés à la non-affectation à la zone à bâtir en 2002. Par ailleurs, le prix d’achat du terrain ne fait pas partie des frais d’équipement. L’existence d’un lien de causalité entre les dépenses alléguées et la mesure susceptible de constituer une expropriation matérielle a donc été niée à juste titre (consid. 4.4).

Brèche dans le bâti (Baulücken) – La notion est comprise de manière restrictive par la jurisprudence et comprend essentiellement des parcelles individuelles non construites qui jouxtent directement les terrains construits, généralement déjà viabilisés et présentant une superficie relativement faible. L’affectation du terrain à bâtir non construit est principalement déterminée par les constructions qui l’entourent ; la brèche dans le bâti doit donc faire partie du milieu bâti fermé, participer à la qualité de celui-ci et être si fortement marquée par les constructions existantes qu’il est judicieux d’envisager son inclusion dans la zone à bâtir (consid. 5.2). En l’espèce, la surface concernée, de par sa grande taille et sa position géographique, constitue une grande zone majoritairement non bâtie, autonome et détachée des zones urbanisées qui l’entourent ; elle ne constitue pas une brèche dans le bâti au sens de la jurisprudence (consid. 5.3).

Principe de la confiance en matière d’expropriation matérielle – Rappel des principes (consid. 6.2). En l’espèce, le dossier ne présente pas de promesses ou d’assurances données par les autorités. Le fait que des décisions gouvernementales placent provisoirement le terrain dans une « zone de conversion et de réaménagement », sans que ces décisions ne contiennent d’injonctions contraignantes quant à l’inclusion du terrain dans une zone à bâtir déterminée, alors que la planification future demeurait effectivement incertaine, ne permet pas de retenir que le propriétaire pouvait de bonne foi s’attendre à un classement en zone à bâtir (consid. 6.4).

Condition du sacrifice particulier – Une atteinte de moindre importance peut aussi constituer une expropriation matérielle si elle frappe un ou plusieurs propriétaires d’une manière telle que, s’ils n’étaient pas indemnisés, ils devraient supporter un sacrifice par trop considérable en faveur de la collectivité, incompatible avec le principe de l’égalité de traitement. La protection s’étend uniquement à l’usage futur prévisible du fonds, c’est-à-dire la possibilité de l’affecter à la construction sans délai (consid. 3.2.1). Tel n’est pas le cas en l’espèce, pour un terrain qu’il n’était même pas obligatoire d’affecter à la zone à bâtir (consid. 7.2).

NB : les arrêts du TF 1C_28/2023 et TF 1C_29/2023 portent sur des parcelles voisines du même ensemble ; les considérants sont similaires, le sort de la cause identique.

Propriété/Possession

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