Newsletter octobre 2024

Editée par Bohnet F., Carron B., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Ritter M.


TF 5A_927/2023 du 19 août 2024

Droit foncier agricole; droit de préemption du fermier; cas de préemption; art. 47 ss LDFR; 216a ss C0

Droit de préemption du fermier (art. 47 al. 2 LDFR) – Rappel des principes. Le droit de préemption porte sur le bien loué. Cela vaut également lorsque, comme en l’espèce, seule une partie du terrain est affermée. Dans ce cas, le droit de préemption déclenche en principe une obligation de parcellisation du propriétaire foncier (consid. 3.3.1).

Cas de préemption (art. 216c CO) – Les dispositions du CO en matière de droit de préemption s’appliquent à celui du fermier. En plus des hypothèses énumérées à l’art. 216c al. 2 CO, il n’y a pas non plus de cas de préemption si l’opération ne vise pas la réalisation économique de l’immeuble, mais constitue uniquement une restructuration patrimoniale. De même, il n’y a pas de cas de préemption lorsque la transaction n’est conclue qu’en tenant compte de relations personnelles ou lorsque la contrepartie du transfert de propriété a un contenu qui ne peut être fourni que précisément par l’acheteur concerné (consid. 3.3.2). Selon le TF, le critère des relations personnelles, en l’occurrence amicales, n’a toutefois pas de portée autonome, mais doit au contraire avoir eu des conséquences sur la structure de l’acte juridique ou le prix de vente (consid. 3.5.1). En l’espèce, la contreprestation aurait pu être fournie par n’importe quel tiers et le prix d’achat se situait dans la fourchette maximale admissible, de sorte que les relations amicales entre le vendeur et l’acheteur n’ont eu aucun impact sur la vente (consid. 4). Dans ces conditions, la vente constitue un cas de préemption.

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Droit foncier rural Publication prévue

Analyse de l'arrêt TF 5A_927/2023

Michael Ritter

Rechtsanwalt, Fachanwalt SAV Bau- und Immobilienrecht

Die Auswirkungen von persönlichen Beziehungen auf das Eintreten des Vorkaufsfalls im bäuerlichen Bodenrecht

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TF 4A_207/2023 du 25 juillet 2024

Contrat d’entreprise; représentation civile; hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; art. 32 ss CO

Représentation civile (art. 32 ss CO) – Rappel des principes (consid. 4.1). Selon la jurisprudence, l’octroi de pouvoirs internes tacites au sens de l’art. 32 al. 1 CO découle soit d’une tolérance soit d’une apparence. Il y a procuration interne par tolérance lorsque le représenté sait qu’une personne a agi en son nom auprès d’un tiers sans qu’il l’y ait autorisée, mais qu’il ne s’est pas opposé à cet acte de représentation non sollicité. Il y a procuration interne apparente lorsque, d’une part, le représenté ne sait pas qu’une personne a agi comme sa représentante auprès d’un tiers, mais qu’il aurait dû le savoir s’il avait fait preuve de l’attention que les circonstances permettaient d’exiger de lui et que, d’autre part, la représentante pouvait, selon les règles de la bonne foi, interpréter le comportement du représenté comme valant octroi de pouvoirs (consid. 4.2.1).

En l’espèce, contrairement à ce qu’avait retenu l’instance cantonale, le TF relève que c’est bien la société propriétaire de l’immeuble, par son actionnaire unique, qui a pris la décision, en mars 2019, de rénover complètement le parking souterrain. L’actionnaire unique ne pouvait d’ailleurs ignorer les travaux, puisqu’il vivait dans l’immeuble. Cette décision de rénovation a nécessairement été communiquée à la gérance puisque celle-ci, durant la même période, a pris contact avec l’entrepreneur pour un devis. A l’évidence, la gérance (représentante) pouvait, selon les règles de la bonne foi, comprendre cette communication comme l’autorisation de la propriétaire (représentée) d’effectuer en son nom les actes de gestion extraordinaire liés à la rénovation. Ces pouvoirs internes découlent d’une procuration apparente, dès lors que la propriétaire aurait dû savoir que les travaux litigieux avaient été commandés par la gérance, laquelle pouvait penser de bonne foi être autorisée à agir ainsi. En conclusion, la propriétaire est condamnée à payer le prix des travaux et l’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs pour le même montant est confirmée (consid. 4.2.2).

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Contrat d'entreprise Partie générale du CO Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF 5A_9/2024 du 7 août 2024

Servitude; empiètement; rapport entre empiètement et PPE; conditions du droit à la servitude; Art. 674, 675, 712a ss CC

Servitude d’empiètement (art. 674 CC) – Rappel des principes (consid. 4.1). Définition de l’empiètement – Rappel des principes. Des pièces ou des locaux se trouvant en partie voire intégralement sur deux parcelles contiguës, détenues par deux propriétaires distincts sont également assimilables à des empiétements aux conditions suivantes : le local concerné doit se trouver dans un bâtiment relié au bâtiment principal situé sur le fonds dominant par un mur séparatif ou deux murs extérieurs contigus ; il est directement accessible depuis le bâtiment principal par une ouverture pratiquée dans le mur ou dans les murs et il forme une unité fonctionnelle avec le bâtiment principal (consid. 4.3).

Rapport entre empiètement et PPE – Les conditions susmentionnées tendent à éviter qu’une servitude d’empiètement ne serve à éluder les dispositions de la PPE (cf. art. 675 al. 2 CC en lien avec les art. 712a ss CC). L’attribution des combles à l’un des deux propriétaires d’un chalet séparé en deux parties distinctes, chacune librement accessible et ne disposant pas de partie commune, constitue une servitude qui ne contourne pas les règles de la PPE. En effet, l’indépendance structurelle de l’objet est préservée, les combles n’étant accessibles que depuis le fonds dominant (consid. 6.2).

Conditions du droit à la servitude (art. 674, 675 CC) – Rappel des principes. Lorsque le propriétaire lésé, après avoir eu connaissance de l’empiétement, ne s’y est pas opposé en temps utile (1re condition), l’auteur des constructions et autres ouvrages peut demander, s’il est de bonne foi (2condition) et si les circonstances le permettent (3e condition), que l’empiétement lui soit attribué à titre de droit réel contre paiement d’une indemnité équitable, cette dernière n’étant cependant pas une condition de l’existence du droit attribué par le tribunal (consid. 4.2). Une opposition à la construction survenant quinze ans après la construction n’est pas effectuée en temps utile (consid 6.1.2).

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Servitude PPE

TF 2C_647/2023 du 4 septembre 2024

Droit foncier agricole; servitude soumise à autorisation; art. 61 ss, 70 LDFR; 737 CC

Servitude soumise à autorisation – Par acquisition soumise à autorisation au sens des art. 61 ss LDFR, on entend le transfert de propriété en tant que tel ainsi que tout autre acte juridique qui équivaut économiquement à un transfert de propriété. Ce qui est déterminant, c’est de savoir si l’acte confère à l’acquéreur, dans ses effets, une position analogue à celle d’un propriétaire sur le terrain ou l’entreprise agricole (consid. 7.1). L’octroi d’une servitude peut constituer un cas d’aliénation, par exemple, la constitution d’un droit de superficie distinct et permanent ou encore une servitude d’extraction de matériaux d’excavation (consid. 7.2).

En l’espèce, les servitudes offrent à sa bénéficiaire le droit d’exploiter une décharge sur toute l’étendue des parcelles concernées et sans limite de temps si l’autorisation d’exploiter est obtenue. Par conséquent, aucun droit de fermage ou autre droit ne peut être établi sur l’immeuble grevé sans contrevenir à l’interdiction de rendre plus difficile l’exercice de la servitude (art. 737 al. 3 CC). Le droit des propriétaires est donc à ce point restreint que l’inscription des servitudes doit être soumise à autorisation (consid. 7.5.2-7.5.3). Par ailleurs, l’autorisation ne peut pas être accordée, puisque les conditions de l’exception portant sur l’exploitation des ressources du sol (art. 64 al. 1 let. c LDFR), applicables par analogie à une décharge (consid. 8.4.4), ne sont pas réunies. Le fait que le plan directeur cantonal désigne les parcelles concernées comme zone de décharge ne suffit pas à rendre l’exploitation « permise par le droit de l’aménagement du territoire » au sens de l’art. 64 al. 1 let. c LDFR. Le plan directeur cantonal n’est contraignant que pour les autorités et le plan d’affectation peut y déroger à certaines conditions, de sorte qu’il n’est pas possible à ce stade de savoir si des décharges pourront réellement être exploitées à cet endroit dans le futur (consid. 8.5.2).

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Droit foncier rural Servitude

TF 2C_1027/2022 du 25 juillet 2024

Droit foncier agricole; entreprise agricole; calcul des UMOS en matière de pâturages; art. 5, 7 LDFR; OTerm; Ordonnance sur les zones agricoles

Entreprise agricole (art. 5 et 7 LDFR) – Rappel des principes. Est considérée comme une exploitation agricole au sens de la LDFR, celles qui nécessitent au moins une unité de main d’œuvre standard (UMOS). Les cantons peuvent prévoir une valeur inférieure, ce qui n’est pas le cas pour les exploitations de plaine dans le canton de Schwyz (consid. 4.1).

Calcul des UMOS en matière de pâturages – Rappel des principes. Les UMOS sont calculés sur la base de la charge de travail standardisée pour une exploitation conforme aux usages du pays. L’on se base essentiellement sur la surface agricole utile et le nombre d’animaux de rente (cf. art. 3 OTerm) (consid. 4.2). En principe, les pâturages font partie de la surface agricole utile en tant que surface herbagère permanente. Seules sont soustraites à la surface agricole utile, les surfaces consacrées à l’estivage (cf. art. 14 al. 1 et 2 let. b OTerm). En l’espèce, les pâturages en question ne se situent pas dans la région d’estivage au sens de l’art. 1 de l’Ordonnance sur les zones agricoles mais à cheval sur les régions de collines et de montagne. Ainsi, rien n'indique qu’ils constituent des surfaces d'estivage exclues de la surface agricole utile (consid. 4.5).

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Droit foncier rural

TF 6B_1190/2023 et 6B_1195/2023 du 4 septembre 2024

Droit pénal; lésions corporelles graves par négligence; violation d’un devoir de prudence; position de garant; art 12 et 125 CP

Lésions corporelles graves par négligence (art. 125 CP) – Rappel des principes (consid. 4.1). Négligence et violation d’un devoir de prudence (art. 12 CP) – Rappel des principes (consid. 4.1.1). Position de garant – Rappel des principes (consid. 4.1.2).

En l’espèce, tant le directeur des travaux de l’entreprise générale que le directeur technique de la société de montage des échafaudages sont condamnés. Le premier, présent un jour sur deux sur le chantier, était en charge du suivi du chantier et avait à ce titre un devoir de surveillance concernant la sécurité (consid. 4.4.1). Lorsque des défauts importants ont été constatés, faisant peser un risque concret pour la sécurité des ouvriers, le directeur des travaux ne pouvait plus se fier à la notice établie par les employés de la sous-traitante selon laquelle l’échafaudage avait été contrôlé et était en ordre. La hauteur du pont couvreur n’avait pas été vérifiée alors qu’il s’agit d’un élément essentiel pour la sécurité des ouvriers (consid. 4.4.2).

Le directeur technique devait quant à lui veiller à ce que, tant le chef d’équipe qu’il avait lui-même désigné que les ouvriers de son entreprise, aient correctement monté l’échafaudage, ce en quoi il a visiblement échoué. Nonobstant l’expérience alléguée du chef d’équipe, la société avait fait l’objet de plusieurs avertissements de la part de la SUVA. Cela aurait dû le conduire à se montrer d’autant plus vigilant dans le contrôle de son équipe (consid. 4.5).

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Droit pénal

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