Newsletter janvier 2024
Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S.
Avec le soutien de La chambre des avocats spécialistes FSA en droit de la construction et de l'immobilier
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Garantie de la propriété; restriction à la garantie de la propriété; protection des eaux; expropriation matérielle; liberté économique; égalité de traitement; art. 8, 26, 27, 36, 76 Cst.; 6, 14, 27, 28 LEaux; Annexe 2 OEaux; 1 OPD; PhV/LU
Garantie de la propriété (art. 26 Cst.) – Rappel des principes (consid. 4.1). Restrictions – Rappel des principes (consid. 4.2).
Une ordonnance du Conseil d’État du canton de Lucerne prévoyant diverses mesures visant à diminuer le taux de phosphore dans les lacs du canton est attaquée par les agriculteurs propriétaires des terrains concernées par ces mesures. Les dispositions légales existantes de la législation fédérale sur la protection des eaux constituent en principe une base légale suffisante, même pour des atteintes graves à la garantie de la propriété (consid. 4.3.1). Puisque les mesures prévues par l’ordonnance cantonale se situent dans le cadre de la simple exécution des normes de droit fédéral relatives à la protection des eaux, le Conseil d’État du canton de Lucerne était compétent pour les édicter (consid. 3.5). Les mesures prises l’ont été dans l’intérêt public manifeste d’une réduction de la présence de phosphore dans les lacs et partant, de non-prolifération des algues et de la préservation de la pureté des eaux (consid. 5). Sous l’angle de la proportionnalité, il faut souligner qu’une mesure peut être considérée comme appropriée si elle représente au moins une tentative valable de pouvoir contribuer à la réalisation du but qu’elle poursuit ; c’est le cas des mesures d’espèce (consid. 6.1). De plus, même si les valeurs en phosphore ont diminué dans le temps grâce à des accords entre les parties, force est de reconnaître que les seuils de la loi n’ont toujours pas été atteints, de sorte les moyens plus doux utilisés jusqu’à présent sont moins appropriés pour atteindre les objectifs poursuivis par les nouvelles mesures (consid. 6.2). Les propriétaires n’ont pas réussi à démontrer que l’application des mesures prévues menaceraient l’existence des exploitations agricoles concernées (consid. 6.3).
Expropriation matérielle – Rappel des principes (consid. 7). En l’espèce, l’utilisation des terres agricoles conformément à leur destination reste possible, même si certaines mesures devaient entraîner une baisse de rendement pour certaines exploitations. Une partie de la perte de rendement potentielle est en outre compensée. Ainsi, les conditions d’une expropriation matérielle ne sont pas réunies. S’il n’est pas exclu qu’il puisse en être autrement dans un cas particulier, il conviendra toutefois d’en décider lors de l’application concrète du droit (consid. 2-7.4).
Liberté économique (art. 27 Cst.) – Rappel des principes (consid. 8.1-8.2). Égalité de traitement (art. 8 Cst.) – Rappel des principes (consid. 9.1).
Garantie de la propriété; propriété d’un cours d’eau; art. 664, 680 CC; WWG/ZH
Propriété d’un cours d’eau – L’art. 664 al. 2 CC ainsi que l’art. 5 § 1 de la Wasserwirtschaftsgesetz zurichoise (WWG ; RS/ZH 724.11) posent la présomption du caractère public des eaux souterraines comme des eaux de surface. Il s’agit d’une présomption réfragable, étant précisé que les litiges sur cette question sont tranchés par les tribunaux civils (art. 6 al. 3 WWG). L’inscription par l’Etat d’un cours d’eau dans le registre des eaux publiques (art. 7 WWG) ne fait pas passer un cours d’eau privé sous la souveraineté ou la propriété de l’État et ne le transforme pas en cours d’eau public. Il en va de même d’une mention au registre foncier portant sur une telle restriction de droit public à la propriété. En effet, la restriction existe même sans mention (cf. art. 680 al. 1 CC) et ne participe pas à l’effet de foi publique du registre foncier (consid. 3.1 et 3.3).
En l’espèce, le propriétaire du fonds sur lequel coule le ruisseau s’oppose à son inscription au registre des eaux publiques et à l’inscription d’une mention au registre foncier, sans parvenir à renverser la présomption susmentionnée. Dans le cadre de ce litige de nature administratif, la propriété du cours d’eau constitue pourtant d’une question préalable qui doit être tranchée. Pour le surplus, le propriétaire n’expose pas pourquoi il n'aurait pas la possibilité d’engager une procédure devant un tribunal civil afin d’obtenir une clarification définitive de la nature du cours d’eau (consid. 3.3).
Contrat de vente; interprétation du contrat; droit à la preuve; art. 29 Cst.; 8 CC; 18 CO; 152 CPC
Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 3.1.1). En l’espèce, les parties ont intégré, dans le contrat de vente immobilière, une clause d’augmentation du prix a posteriori, en cas de modification de l’affectation de la parcelle et de revente de cette dernière par l’acheteuse. Reprenant à son compte l’interprétation objective de la clause par l’instance précédente, le TF parvient à la conclusion que la notion de « modification de l’affectation » comprend non seulement un changement de zone mais également une modification des règles de la zone, en particulier une extension des possibilités d’usage du fonds. La communication par la Commune, peu avant la signature du contrat, d’une évolution législative allant dans ce sens renforce cette interprétation (consid. 3.2.3 et 3.3.3).
Droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst. ; 8 CC ; 152 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.1.3). Alors qu’il était clair que l’augmentation de la valeur de la parcelle avait été causée par la modification de l’affectation et l’extension des possibilités d’usage, le Tribunal pouvait renoncer à des expertises sur ce point ainsi qu’à une demande de renseignements auprès de la Commune concernant la modification de l’affectation (consid. 3.3).
Contrat d’entreprise; cession des droits de garantie et substitution de partie; art. 83 CPC
Cession des droits de garantie et substitution de partie (art. 83 CPC) – Un litige concernant les défauts d’une piscine est pendant entre l’entrepreneur et le propriétaire, lorsque le terrain est cédé en droit de superficie à un tiers. Lorsqu’une clause contractuelle d’un contrat de vente immobilière, respectivement d’un contrat de vente d’un droit de superficie, prévoit expressément que les droits de garantie relatif au contrat d’entreprise ne sont pas cédés avec la vente, il n’y a pas de substitution de partie s’agissant de la garantie pour les défauts. En effet, ce sont les droits découlant des défauts qui constituent l’objet du litige et non le bien immobilier lui-même. En l’espèce, l’ancien propriétaire du droit de superficie, partie au contrat d’entreprise, conserve ainsi la légitimation pour réclamer à l’entrepreneur la réparation de la piscine défectueuse (consid. 2.3).
Droit de voisinage; valeur litigieuse des restrictions à la propriété; art. 74 LTF
Valeur litigieuse des restrictions à la propriété – La valeur litigieuse relative aux restrictions légales à la propriété foncière se détermine de la même manière que dans les contestations portant sur l’existence d’une servitude : elle correspond à l’augmentation de valeur que la cessation des atteintes procurerait au bien-fonds qui les subit, ou, si elle est plus élevée, à la diminution de valeur que la cessation ferait subir au bien-fonds qui cause ces atteintes. S’agissant plus particulièrement d’immissions d’arbres ou de plantations, la jurisprudence retient ainsi que la valeur litigieuse équivaut à l’augmentation de valeur que leur abattage ou écimage procurerait au fonds qui subit les atteintes ou, si elle est plus élevée, à la diminution de valeur qu’il entraînerait pour le fonds à l’origine des immissions. Elle ne correspond pas au coût de l’arrachage et de l’écimage de la plantation en cause (consid. 1.1.1.1). Le recours en matière civile du propriétaire qui n’apporte pas de constatations ou d’éléments concrets permettant de vérifier que la valeur litigieuse de CHF 30’000 (art.74 LTF) est atteinte est irrecevable (consid. 1.1.1.2).
Droit foncier agricole; notion d’entreprise agricole; décision constatatoire; art. 7 et 84 LDFR
Notion d’entreprise agricole (art. 7 LDFR) – Une entreprise agricole doit exiger au minimum une unité de main d’œuvre standard (UMOS) et présuppose que les immeubles, constructions et installations en question forment une unité juridique et puissent être exploités à partir d’un centre commun (unité spatiale et fonctionnelle) (consid. 4.1). L’appréciation de la charge de travail doit se faire selon des critères objectifs. L’exploitation effective n’est pas pertinente, car le propriétaire foncier ne doit pas pouvoir se soustraire au champ d’application de la LDFR par le choix du mode d’exploitation ou par la non-exploitation du potentiel d’exploitation (consid. 4.3 et 5.4.1).
Décision constatatoire – Il existe de par la loi (cf. art. 84 LDFR) un intérêt à une décision constatatoire portant sur le constat qu’une entreprise doit ou non être qualifiée d’entreprise agricole au sens de l’art. 7 LDFR (consid. 1.2).
Contrat d’entreprise; décisions sur preuves à futur; art. 158 CPC; 98 LTF
Décisions sur preuve à futur (art. 158 CPC) – Les décisions sur preuve à futur au sens de l’art. 158 CPC, par lesquelles le Tribunal ordonne une mesure conservatoire, constituent des décisions sur mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF, de sorte que seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels (consid. 5).
En l’espèce, l’instance précédente a ordonné la production de contrats avec des tiers, dès lors que ceux-ci sont susceptibles de contenir la preuve que le contrat entre les parties contenait des informations erronées, susceptibles de le rendre invalidable pour vices du consentement. Le TF valide ce raisonnement, dans la mesure où les recourantes n’ont pas tenté d’en démontrer l’arbitraire (consid. 7).