Newsletter septembre 2023
Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Brückner S.
Avec le soutien de La chambre des avocats spécialistes FSA en droit de la construction et de l'immobilier
Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Brückner S.
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Expropriation matérielle; refus de classement; zone à bâtir d’intérêt communal; art. 26 Cst.; 5 LAT
Expropriation matérielle (art. 26 Cst. ; 5 LAT) – Rappel des principes (consid. 3.2) ; date déterminante (consid. 3.4). Zone à bâtir d’intérêt communal – présentation du droit et de la jurisprudence tessinois (consid. 3.5).
Refus de classement – Rappel des principes (consid. 3.3.1). Le refus d’affecter une parcelle à une zone à bâtir se présente également lorsque, dans le cadre d’une première planification conforme à la LAT, une parcelle est placée en zone de constructions et d’installations publiques, c’est-à-dire dans une zone qui n’est pas réservée à la construction de bâtiments privés. Dès lors que le propriétaire ne peut pas construire son terrain, lequel est destiné à être acquis par la collectivité publique, la restriction s’apparente à un classement en zone agricole, même si le terrain demeure formellement dans la zone à bâtir (consid. 3.3.2).
En l’espèce, il n’est pas contesté que le plan antérieur à la mesure d’aménagement, datant de 1977, n’était pas conforme aux principes de la LAT (consid. 3.6.2). Par conséquent, la mesure correspondait à un refus de classer et non à un déclassement au sens de la jurisprudence fédérale (consid. 3.6.3). La Cour cantonale a reconnu à tort un cas d’expropriation sans examiner en détail si les conditions pour une indemnisation en cas de non-classement étaient remplies, croyant pouvoir s’appuyer sur la particularité d’un classement en zone d’intérêt public. Le TF renvoie la cause pour nouvel examen de ces conditions, en particulier de la constructibilité concrète des parcelles concernées (consid. 4).
Contrat d’entreprise; représentation civile; prescription des activités artisanales; art. 32 ss, 127-128 CO
Représentation civile (art. 32 ss CO) – Rappel des principes (consid. 3.1).
Prescription des activités artisanales (art. 127 et 128 CO) – Les actions des artisans pour leur travail se prescrivent par cinq ans selon l’art. 128 ch. 3 CO. Contrairement à ce que pourrait faire accroire la lettre de l’art. 128 ch. 3 CO dans sa teneur française, c’est bien la nature du travail et non la qualité de celui qui l’effectue (petit artisan ou gros entrepreneur) qui est déterminante pour l’application de cette disposition. Le travail de l’artisan est un travail manuel, exécuté avec ou sans outils, dans lequel l’élément manuel revêt une importance supérieure (ou au moins égale) à celle des autres prestations qui supposeront notamment l’emploi de machines, des travaux d’organisation et des tâches administratives. Il se distingue par la prédominance du métier, de la technique, du tour de main, sur la production en série, l’élément intellectuel ou scientifique, l’esprit d’organisation et les tâches administratives. Cette acception est réservée aux travaux n’impliquant pas de recourir à des mesures de planification (en matière de personnel ou de délais) et de coordination avec d’autres corps de métiers et qui peuvent donc être effectués sans moyens administratifs particuliers (consid. 4.1.2).
Casuistique – Constituent des activités artisanales l’installation complète de l’électricité dans une grande villa, des travaux de gypserie ou de peinture, l’exécution de cadres avec des baguettes préfabriquées coupées à la longueur requise, l’exécution de batteries pour animaux, la pose d’installations sanitaires, des travaux de ferblanterie, des travaux de transformation et de ventilation de WC, le montage d’une antenne collective ainsi que des travaux de nettoyage ou de jardinage. Selon les circonstances, ces mêmes activités sont néanmoins exclues si elles nécessitent une activité de planification et de coordination, de nature administrative. Sont notamment exclus des travaux tels que la fourniture et l’installation d’ascenseurs produits par un procédé mécanique industriel, l’édification d’une maison entière, aussi modeste soit-elle, dans la mesure où une telle activité nécessitait un important apport intellectuel, organisationnel et administratif ou encore l’aménagement d’un intérieur, impliquant non seulement de fabriquer et monter du mobilier, mais aussi d’établir des plans et de prendre des mesures d’organisation et de planification notables (consid. 4.1.3). En l’espèce, la restauration d’une quarantaine de meubles anciens constitue une activité artisanale (consid. 4.2-4.3).
Contrat d’entreprise; devis approximatif et norme SIA 118; art. 375 CO; 56 norme SIA 118
Devis approximatif (art. 375 CO) et norme SIA 118 – Les règles du devis approximatif de l’art. 375 CO ne sont pas étrangères à la norme SIA 118, puisque l’art. 56 de cette dernière traite de cette question. Il est donc possible d’appliquer les règles de l’art. 375 CO aux côtés de la norme SIA 118 (consid. 6.3).
Servitude; droit de superficie; indemnité de retour; arbitrage interne, art. 779c et 779d CC; 393 CPC
Motifs d’un recours contre une sentence arbitrale interne (art. 393 CPC) – Rappel des principes (consid. 2.1). Pour l’appréciation de la portée objective de la convention d’arbitrage, le grief de l’art. 393 let. b CPC, portant sur la compétence du tribunal arbitral, s’applique (consid. 3.1). Non-respect du droit d’être entendu ou de l’égalité de traitement selon l’art. 393 let. d CPC (consid. 4.3 et 4.4). Arbitraire de la sentence reposant sur des constatations manifestement contraires aux faits ou une violation manifeste du droit ou de l’équité selon l’art. 393 let. e CPC (consid. 5.1).
Interprétation de la convention d’arbitrage – Rappel des principes (consid. 3.3). Après une interprétation objective de la convention, il ressort en l’espèce que la compétence du tribunal arbitral n’était prévue que pour la fixation du montant de l’indemnité de retour d'un droit de superficie. Non seulement, le texte de la convention va dans ce sens, mais en plus les circonstances font que les parties avaient admis d’emblée, à la signature du contrat, qu’une indemnité serait due ; le litige ne pouvait ainsi survenir que sur la question du montant. Pour le surplus, les arbitres devaient être des experts en en évaluation immobilière, ce qui laisse à penser que seule la question du montant de l’indemnité leur serait soumise (consid. 3.5).
Extinction d’un droit de superficie et indemnité équitable (art. 779c et 779d CC) – Rappel des principes. L’art. 779d CC portant sur l’indemnité de retour est de nature dispositive. Les parties au contrat de droit de superficie peuvent non seulement régler le montant ou le mode de calcul dans le contrat de droit de superficie, mais aussi supprimer l’obligation d’indemnisation (consid. 5.3). En l’espèce, dès lors que le tribunal arbitral a déduit la méthode appropriée du contrat signé entre les parties, les arguments selon lesquels l’indemnité est calculée selon la valeur vénale dans le cadre de l’art. 779d CC ne sont pas pertinents. De plus, il ne suffisait pas de contester la méthode de calcul, encore eût-il fallu que l’indemnité octroyée fusse effectivement arbitraire dans son résultat (consid. 5.5).
Servitude; statut d’une paroisse catholique et d’une fondation ecclésiastique; droit de superficie d’un terrain appartenant à la fondation; clausula rebus sic standibus; art. 779 ss CC
Statut d’une paroisse catholique et d’une fondation ecclésiastique – Dans le canton de Zurich, les paroisses catholiques sont des corporations de droit public, dépourvues du droit de propriété sur les biens de l’église, lesquels sont gérés par les fondations ecclésiastiques de droit privé (consid. 2).
Droit de superficie d’un terrain appartenant à une paroisse – La question de savoir si une fondation ecclésiastique doit, pour contracter un contrat de superficie, respecter les principes de droit public tels que la proportionnalité, l’interdiction de l’arbitraire et de l’équivalence, peut rester ouverte en l’espèce (consid. 3). En effet, quand bien même elle y serait soumise, force est de reconnaître que ces principes n’ont pas été violés en l’espèce. Les parties pouvaient librement négocier le contrat de droit de superficie et convenir d’un commun accord de la rente du droit de superficie, y compris indexer le montant de la rente sur le taux d’intérêt de référence et prévoir un montant plancher en-dessous duquel la rente ne pouvait pas descendre (consid. 4).
Clausula rebus sic stantibus et droit de superficie – Rappel des principes (consid. 5.2). La clausula rebus sic standibus ne trouve pas non plus application, le superficiaire ne parvenant pas à prouver que la réduction du taux d’intérêt de référence de 3,25 à 1,5 sur la période pertinente constitue une évolution exceptionnelle du taux d’intérêt, hors de ce que les parties pouvaient imaginer à l’époque de la conclusion du contrat (consid. 5).
Droit foncier agricole; droit de préemption du descendant; rayon d’exploitation usuel; art. 42 al. 2 LDFR
Droit de préemption du descendant du propriétaire d’un immeuble agricole (art. 42 al. 2 LDFR) – Rappel des principes. L’une des conditions de l’existence du droit de préemption du descendant est que l’immeuble vendu soit situé dans le rayon d’exploitation usuel dans la localité de sa propre entreprise. L’exigence d’un tel rayon répond à des préoccupations écologiques et de maintien d’une agriculture productive et rentable. Cette notion juridique indéterminée est présente à plusieurs reprises dans la LDFR et doit être appliquée uniformément (consid. 3.1). Détermination du rayon d’exploitation usuel – Rappel des principes et méthode de calcul (consid. 3.2).
En l’espèce, la condition du rayon d’exploitation usuel n’est pas réunie en présence d’un parcours d’une distance de 5,9 km comprenant des dénivelés importants alors que le rayon usuel local est de 1,36 km. Les itinéraires alternatifs présentant un service d’hiver non garanti, respectivement devant être considérés comme difficilement praticables pour les véhicules agricoles ou encore affichant une distance dépassant largement 8 km ne conviennent pas davantage (consid. 4 et 5).
Droit foncier agricole; autorisation d’acquérir sans être exploitant à titre personnel; art. 64, 66 LDFR
Autorisation d’acquérir une entreprise agricole sans exploitation personnelle (art. 64 et 66 LDFR) – La LDFR prévoit des exceptions au principe de l’exploitation à titre personnel qui sont énumérées à l’art. 64 LDFR, dont celle disposant que l’autorisation est accordée à l’acquéreur qui n’est pas personnellement exploitant, s’il prouve que, malgré une offre publique à un prix qui ne soit pas surfait, aucune demande n’a été faite par un exploitant à titre personnel (consid.4.1.1).
En l’espèce, l’offre publique a été réalisée à un prix qui se monte à plus du double du prix moyen des cinq dernières années pour des biens-fonds comparables dans la région, de sorte qu’il doit être considéré comme surfait au sens de la LDFR. Le fait que la parcelle se trouvait colloquée en zone intermédiaire en droit vaudois n’a pas d’influence sur le prix, dès lors que cette zone a été supprimée du droit cantonal et qu’elle sera désormais considérée comme une parcelle en zone agricole. Le fait que la parcelle pourrait être intégrée à un projet de plan de quartier à l’horizon 2030, dont l’aboutissement est incertain, n’a pas non plus d’influence sur le prix (consid. 4.2 à 4.4).
Droit pénal, homicide par négligence; prescription pénale; art 97-98, 127 CP; 4 LCR et 80 OSR
Prescription pénale – Rappel des principes (consid. 1.1.1). Infraction d’omission ou de commission – Rappel des principes. La livraison d’un ouvrage affecté de défauts imputables à la violation, par l’auteur, des règles de l’art de construire ne correspond pas à un délit d’omission improprement dit, mais à un délit par commission. Le délai de prescription commence de courir au moment où la construction est achevée (consid. 1.1.2). Le jour de la mise en place de barrières de type « Vauban », sur une chaussée sans aucune signalisation en amont, créant ainsi une situation dangereuse, constitue le dies a quo de la prescription (consid. 1.4).
Homicide par négligence (art. 127 CP) – Rappel des principes (consid. 3.1.1). En l’espèce, le directeur général du projet avait la charge d’organiser les travaux de manière à éviter que des tiers ne subissent de préjudice. En se contentant de prévoir, pour la fermeture momentanée des routes et chemins, le placement de barrières métalliques, même pourvues d’affiches d’avertissement en format A3 ou A4, le directeur de chantier a adopté des mesures non conformes aux exigences posées par les art. 4 al. 1 LCR et 80 al. 1 et 3 OSR, précisées par la norme SN 640 886 de l’Association suisse des professionnels de la route et des transports ainsi que les Directives relatives à la signalisation de chantier émises par la CCSR. Pour le Tribunal fédéral, la nécessité de signaler la présence d’un obstacle obstruant entièrement la chaussée, connue de chaque automobiliste, devait s’imposer à l’esprit du directeur par son caractère d’évidence (consid. 3.4).