Newsletter février 2023

Editée par Bohnet F., Eggler M. et Varin S., avec la participation de Carron B.


PPE 2023

5e séminaire sur la PPE

Organisé par: Séminaire sur le droit du bail

Informations et inscription

TF 4A_152/2021 du 20 décembre 2022

Contrat mixte de vente et d’entreprise; cession des droits de garantie pour les défauts; substitution de partie; art. 18, 172, 368 ss et 467 al. 2 CO; 83 CPC

Substitution de partie (art. 83 CPC) – En cas d’aliénation de l’objet du litige en cours d’instance, l’art. 83 al. 1 CPC permet à celui qui a acquis la légitimation (le substituant) et au plaideur qui l’a perdue (le substitué) d’obtenir, par leur volonté conjointe, que le premier remplace le second dans le procès, le consentement de la partie adverse étant sans pertinence dans ce contexte. L’objet du litige s’entend au sens large ; il peut s’agir d’un rapport de droit comme d’une chose. L’aliénation doit avoir pour conséquence un changement de légitimation pour l’un ou l’autre des plaideurs ; elle recouvre tout changement de situation juridique effectué à titre particulier et portant sur la propriété d’une chose ou sur la titularité de l’un ou l’autre côté du rapport de droit litigieux, comme par exemple une cession de créance.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral relève que l’objet du litige n’est pas la propriété de l’unité d’étage qui a été vendue en cours de procédure, mais la titularité des droits de garantie découlant du contrat de vente entre l’entrepreneur et les acheteurs initiaux. La substitution de partie supposait donc une cession de créance, laquelle n’a pas été alléguée et établie par les parties en cours d’instance (consid. 3.2).

Garantie pour les défauts (art. 368 ss CO) – Sauf convention contraire, en présence de contrats mixtes, combinant des éléments du contrat de vente et du contrat d’entreprise, la garantie des défauts est soumise aux règles du contrat d’entreprise (art. 368 ss CO), en tout cas pour les défauts affectant les parties communes. Depuis l’ATF 145 III 8 (changement de jurisprudence), le droit à la réfection d’une partie commune appartient indivisiblement et pleinement à chaque propriétaire d’étage. Vu le caractère indivisible du droit à la réfection des parties communes, il faut admettre que les créances pécuniaires déduites de l’exercice du droit à la réfection sont également indivisibles. Les copropriétaires d’étages peuvent agir en consorts volontaires (consid. 4.1).

Lorsque les copropriétaires agissent en paiement d’un montant correspondant au coût d’élimination des défauts qui touchaient toutes les parties communes, ils agissent en exécution du droit (indivisible) à la réfection de toutes les parties communes et non en réduction du prix (consid. 4.2).

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 5.2.1).

Cession des droits de garantie (art. 172 et 467 al. 2 CO) – En l’occurrence, les contrats de vente immobilière contenaient tous des clauses de cession de droits de garantie. La plupart des contrats comportaient pour le surplus une clause d’exclusion de garantie de la venderesse, raison pour laquelle les instances cantonales avaient rejeté l’action à l’égard des acheteurs concernés ; l’action des deux copropriétaires dont le contrat était dépourvu d’une telle clause avait toutefois été admise.

En analysant les clauses litigieuses, le Tribunal fédéral retient qu’en l’absence d’une clause contractuelle limitant la propre obligation de garantie de la venderesse, le texte clair de la cession se comprend, selon le principe de la confiance, uniquement comme l’attribution aux acquéreurs de la possibilité d’exercer directement contre les entrepreneurs les prétentions en garantie du maître de l’ouvrage, lesquelles s’ajoutent donc à leurs droits de garantie envers la venderesse (consid. 5.2.3). Le Tribunal fédéral rappelle également qu’en matière de cession des droits de garantie, il est largement admis que le droit à la réfection du défaut est cessible, qu’il s’agisse de la prétention en suppression du défaut lui-même ou de la créance pécuniaire qui peut en découler (consid. 5.3).

Toutefois, la cession du droit de réfection intervient en vue d’exécution (art. 172 CO). En pareil cas, le cessionnaire (l’acheteur) est tenu, par application analogique de l’art. 467 al. 2 CO, de faire valoir en priorité le droit cédé, la prestation due par le cédant restant en suspens entretemps. Le cessionnaire ne doit toutefois respecter cette obligation que s’il dispose des informations suffisantes pour agir contre les entrepreneurs concernés. Au surplus, il doit uniquement faire les efforts qui peuvent être raisonnablement exigés de sa part. En particulier, il n’a pas à recourir à la voie judiciaire. De plus, comme seul le droit à la réfection peut être cédé, rien n’empêche l’acquéreur d’exercer envers le vendeur, si les conditions en sont remplies, le droit à la réduction du prix ou à la résolution du contrat, sans avoir à faire valoir préalablement le droit de réfection cédé (consid. 6.1).

En l’espèce, les acheteurs n’ont pas exercé leur droit de réfection envers les entreprises qui avaient œuvré sur les parties communes de l’immeuble affectées de défauts. De plus, les renseignements promis pour l’exercice des droits de garantie avaient été remis assez tôt aux acheteurs et il n’était pas démontré que la venderesse eut entravé les demandeurs dans l’exercice de leurs droits de garantie. Le recours de la venderesse est admis et l’action rejetée (consid. 6.2).

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Contrat de vente Contrat d'entreprise Défauts/Garantie Procédure

Commentaire de l'arrêt TF 4A_152/2021

Blaise Carron

Professeur à l'Université de Neuchâtel, LL.M. (Harvard), Dr en droit, avocat spécialiste FSA droit du bail, avocat spécialiste FSA en droit de la construction et de l’immobilier

PPE, défaut des parties communes et cession des droits de garantie : un besoin de réforme législative ?

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TF 4A_445/2022 du 22 décembre 2022

Promesse de vente; responsabilité contractuelle; maxime des débats; fardeau de la preuve; art. 2, 8 CC; 97, 151, 156, 184 CO; 55 CPC

Maxime des débats (art. 55 CPC) – Rappel des principes (consid. 3.1.1). Répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 3.1.2).

Pour prouver la pollution d’une parcelle, l’acquéresse qui n’a sollicité que l’interrogatoire des parties, ne satisfait pas aux exigences en matière de preuve, permettant de démontrer une telle pollution. Une expertise ou à tout le moins un rapport de spécialiste aurait été nécessaire sur cette question (consid. 3.3). Le fait que la venderesse ait remboursé l’acompte prévu par la promesse de vente, en application du contrat qui prévoyait une restitution à première réquisition en cas de non-réalisation des conditions résolutoires dans le délai imparti, n’apporte pas non plus la preuve nécessaire. Il en est de même de déclarations de la venderesse mentionnant des polluants, alors que les allégués de l’acquéresse avaient été contestés (consid. 3.5).

Responsabilité contractuelle (art. 97 CO) – Lorsque le contrat prévoit uniquement que la venderesse doit prendre en charge financièrement les éventuelles mesures d’assainissement des parcelles, l’acquéresse ne saurait faire valoir une violation contractuelle au motif que la venderesse n’a pas elle-même entrepris lesdites mesures (consid. 4 et 5).

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Contrat de vente Procédure

TF 4A_576/2021 du 26 août 2022

Contrat d'entreprise; travaux hors soumissions; contestation d'une expertise; hypothèque légale des artisans et entrepreneurs après division des parcelles; art. 798 et 833 CC; 363 ss CO; 45 Norme SIA 118; 52 CPC

Contestation d’une expertise et bonne foi en procédure (art. 52 CPC) – En attendant l’appel pour se prévaloir de manquements de l’expert judiciaire, le maître de l’ouvrage enfreint le principe de la bonne foi en procédure et les griefs formulés au stade de l’appel sont irrecevables (consid. 6.1 et 6.2).

Travaux hors soumission (art. 45 Norme SIA 118) – Les travaux consécutifs à un glissement de terrain constituent des travaux urgents pour prévenir un dommage au sens de l’art. 45 al. 2 Norme SIA 118. En l’espèce, ils ont été signalés au maître d’ouvrage qui n’a pas exigé leur interruption, de sorte que leur coût est dû (consid. 8.2.1).

Le maître, architecte de formation, qui a suivi le chantier et qui a eu connaissance des travaux exécutés et ne les a pas refusés, ne saurait refuser le paiement en invoquant que le contrat prévoyait que toute prestation hors contrat devait être précédée d’un devis adressé à la direction des travaux (consid. 9).

Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (modification de la demande, art. 227 et 230 CPC) – La parcelle sur laquelle le gage avait été inscrit à titre provisoire a été divisée en quatre en 2013. En 2019, l’entrepreneur a modifié sa demande en ce sens que l’hypothèque grève les parcelles 1, 2, 3 et 4 au prorata de leur surface respective. En gardant à l’esprit que les conclusions s’interprètent à la lumière de la motivation qui les sous-tend, le Tribunal fédéral confirme la solution cantonale selon laquelle la demande en inscription définitive est recevable à l’égard de la parcelle ayant conservé le numéro de la parcelle d’origine avant division et irrecevable à l’égard des trois parcelles nouvellement créées (consid. 10.1).

Répartition du gage après division parcellaire (art. 798 CC) – Le Tribunal fédéral confirme également la répartition schématique de l’hypothèque à parts égales sur les quatre parcelles, opérée par l’instance précédente. En effet, bien que l’hypothèque doive en principe être demandée sous la forme de droits de gage partiels, grevant chaque immeuble pour la partie de créance relative à celui-ci (art. 798 al. 2 CC), la situation est autre lorsque les travaux ont été effectués sur un seul fonds qui a été divisé postérieurement. On distingue alors deux hypothèses : soit la division est suivie de l’aliénation d’une (ou plusieurs) des parcelles nouvellement créées, auquel cas la garantie est répartie proportionnellement à la valeur estimative des divers immeubles (art. 833 al. 1 CC), soit les biens-fonds issus de la division restent en mains du même propriétaire, et le gage est alors reporté en son entier sur tous les nouveaux immeubles en tant que gage collectif (consid. 10.2).

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Contrat d'entreprise Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs Normes SIA Expertise Procédure

TF 4A_23/2021 du 12 décembre 2022

Contrat d'entreprise; garantie pour les défauts; réduction du prix; méthode relative; art. 367 ss CO

Garanties pour les défauts (art. 367 ss CO) – Le maître de l’ouvrage peut faire valoir les droits à la garantie suivants : la réfection de l’ouvrage, la réduction du prix ou la résolution du contrat. Il s’agit de droits formateurs alternatifs ; ce choix est en principe irrévocable (consid. 3).

Action en réduction du prix – L’art. 368 al. 2 CO dispose que le prix doit être réduit « en proportion de la moins-value ». Cela étant, il faut distinguer la moins-value de l’ouvrage du montant de la réduction que le maître peut retrancher du prix plein en exerçant son droit à la réduction de prix. La moins-value a trait à l’ouvrage et le montant de la réduction au prix. Le droit à la réduction suppose une moins-value, laquelle consiste dans la différence entre la valeur objective de l’ouvrage hypothétiquement conforme au contrat et celle de l’ouvrage effectivement livré. Lorsqu’une moins-value objective est établie, le droit à la réduction existe même si la valeur de l’ouvrage avec le défaut atteint ou dépasse le prix convenu.

Pour calculer la réduction de prix « en proportion de la moins-value », la jurisprudence et la doctrine majoritaire prescrivent la méthode relative – comme en matière de réduction du prix de la chose vendue –, en fonction de la proportion qui existe entre la valeur objective de l’ouvrage avec défaut et la valeur objective de l’ouvrage sans défaut : le prix convenu est réduit dans la proportion obtenue. La réduction du prix se confond avec la moins-value si le prix convenu ou fixé pour l’ouvrage sans défaut est égal à la valeur objective de l’ouvrage sans défaut. Lorsque la valeur de l’ouvrage défectueux se révèle nulle, le prix est réduit à zéro (consid. 4, première partie).

Double présomption en matière de réduction du prix – La jurisprudence a premièrement posé comme présomption que la valeur de l’ouvrage qui aurait dû être livré (valeur objective de l’ouvrage sans défaut) est égale au prix convenu par les parties. Cette présomption se fonde sur la considération que, d’ordinaire, le prix est l’expression de la valeur marchande. Si cette présomption n’est pas renversée, la réduction du prix est simplement égale à la moins-value. Facilitant encore l’application de l’art. 368 al. 2 CO, le Tribunal fédéral a posé que la moins-value est présumée égale aux coûts de remise en état de l’ouvrage. L’application conjointe de ces deux présomptions aboutit à une réduction du prix égale au coût de l’élimination du défaut. Il appartient à celle des parties qui prétend que l’une de ces deux présomptions ne s’applique pas au cas d’espèce de l’établir (consid. 4, seconde partie).

En l’espèce, le litige porte sur le défaut de l’isolation phonique de certaines parois, pour lesquelles un accord séparé de CHF 3’877.90 avait été signé et dont l’expert judiciaire avait estimé le coût d’élimination à CHF 50’000.-. En application du calcul de la méthode relative, dès lors qu’aucune partie n’a attaqué les présomptions applicables, le Tribunal fédéral retient que la valeur objective de l’ouvrage avec défaut est nulle, de sorte que le prix s’en trouve réduit à zéro. Le maître d’ouvrage a ainsi droit à une réduction de prix de CHF 3’877.90, soit l’entier de ce qu’il a payé pour les parois en cause, et non de CHF 50’000.- comme l’autorité précédente l’avait jugé, en réduction du prix de l’ouvrage total de CHF 1,3 millions (consid. 5.2).

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Contrat d'entreprise Défauts/Garantie

TF 4A_371/2021 du 05 décembre 2022

Contrat d'entreprise; prix de l'ouvrage; principe de disposition; art. 374 CO; 55 CPC

Prix de l’ouvrage (art. 374 CO) – Par le contrat d’entreprise, l’entrepreneur s’engage à réaliser un ouvrage et le mandant à verser une rémunération. Si le prix n’a pas été déterminé à l’avance, il est fixé en fonction de la valeur du travail et des dépenses de l’entrepreneur. La base d’une indemnisation d’après les dépenses est constituée par les dépenses objectivement nécessaires en cas d’exécution minutieuse. Les dépenses invoquées doivent donc être présentées de manière à ce que leur nécessité et leur adéquation puissent être vérifiées. Cela présuppose des indications compréhensibles sur les travaux effectués et les heures de travail qui y ont été consacrées (consid. 3).

Principe de disposition dans le cadre de la fixation du prix – Lorsque l’entrepreneur détaille ses dépenses, produit des rapports hebdomadaires et des bons de régie, le maître qui se contente de les contester en bloc en indiquant qu’elles n’étaient pas prouvées, sans même prétendre que les travaux allégués n’avaient pas été effectués, que le matériel n’avait pas été utilisé ou que le taux de régie n’était pas approprié, ne satisfait pas aux exigences du fardeau de la contestation. Il lui incombe notamment de détailler quelles dépenses et quelles heures de travail sont contestées et pour quelle raison (consid. 5).

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Contrat d'entreprise Prix de l'ouvrage Procédure

TF 4A_419/2021 du 12 janvier 2023

Contrat d'entreprise; défaut; art. 363 ss CO

Défaut – Lorsqu’un document contractuel prévoit expressément que le parvis réalisé permettra le transit de machines et véhicules à roues, mais que l’usage de l’ouvrage devra être limité pour les véhicules à chenilles à ceux disposant des protections adéquates, le maître qui utilise des véhicules à chenilles sans lesdites protections fait un usage au moins partiellement inapproprié de l’ouvrage et ne saurait se plaindre d’un défaut de l’ouvrage concernant le parvis en question (consid. 3 et 4).

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Contrat d'entreprise Défauts/Garantie

TF 4A_394/2022 du 27 décembre 2022

Contrat d'architecte; rémunération de l'architecte; expertise; art. 183 ss CPC

Rémunération de l’architecte – Lorsque le Tribunal ne parvient pas à déterminer précisément quels travaux l’architecte aurait effectués en lien avec une certaine entreprise, il n’est pas arbitraire de retenir que les honoraires ne sont pas dus (consid. 3.1).

Appréciation d’une expertise – Le Tribunal peut s’écarter d’une expertise en expliquant avec soin les raisons pour lesquelles celle-ci ne saurait être suivie. Si le juge doit motiver son appréciation quant à l’expertise, cette exigence n’implique pas qu’il s’épanche sur tous les détails de son raisonnement ; il peut se contenter d’en livrer les traits essentiels. En outre, le fait que le Tribunal suive l’expertise sur certains postes, et non sur d’autres, n’est pas critiquable, dès lors qu’il a exposé à satisfaction son appréciation. De la même façon, le fait que les propriétaires de l’immeuble n’ont pas requis de contre-expertise n’est pas suffisant pour admettre que le tribunal aurait dû faire siennes toutes les conclusions de l’expert (consid. 4).

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Contrat d'architecte et d'ingénieur Expertise

TF 4D_44/2022 du 01 décembre 2022

Contrat d'architecte; arbitraire dans la constatation des faits; art. 9 Cst.

Arbitraire dans la constatation des faits (art. 9 Cst.) – Lorsque le contrat prévoit que l’architecte est en charge de la direction des travaux, il n’est pas arbitraire de retenir que le maître d’ouvrage assurait toutefois seul cette mission pour les travaux de démolition, dès lors que ces travaux ont commencé pendant les vacances de l’architecte, à une date fixée par le maître et que le maître avait communiqué aux entreprises chargées des travaux qu’il serait leur seul interlocuteur (consid. 4).

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Contrat d'architecte et d'ingénieur

TF 4A_115/2021 du 22 novembre 2022

Contrat de courtage; rémunération du courtier; conclusion de la vente avec un tiers proche de la partie intéressée; motivation de l'appel; art. 413 CO; 311 al. 1 CPC

Rémunération du courtier (art. 413 CO) – Selon cette disposition, le courtier a droit à son salaire dès que l’indication qu’il a donnée ou la négociation qu’il a conduite aboutit à la conclusion du contrat. Le droit au salaire du courtier suppose un lien de causalité entre l’activité du courtier et la conclusion effective du contrat principal ; un lien psychologique entre les efforts du courtier et la décision du tiers est toutefois en principe suffisant. Le lien psychologique peut exister même si les négociations ont été rompues entre-temps, respectivement même si le courtier n’a pas été impliqué jusqu’à la conclusion du contrat ou encore si un autre courtier est intervenu entre-temps. Le lien psychologique est toutefois rompu, lorsque l’activité du courtier n’a pas abouti à un résultat, que les négociations ont été définitivement rompues et que la vente a finalement été conclue sur une toute nouvelle base (consid. 3, première partie).

Conclusion de la vente avec un tiers proche de la partie intéressée – Le courtier a également droit aux honoraires, lorsque le contrat de vente est finalement conclu avec une personne proche de la partie initiale acquéresse que le courtier avait amenée dans un premier temps. Un tel cas se présente lorsqu’il existe une relation économique ou socio-personnelle si étroite entre l’acheteur final et la partie initiale qu’ils forment en quelque sorte une unité. Cette condition est remplie lorsque, au lieu de la partie initiale, une société à laquelle elle participe conclut le contrat ou si elle et le tiers acquéreur appartiennent au même ménage ou à la même famille. Dans de telles circonstances, on peut supposer, sur la base de l’expérience générale de la vie, qu’en raison des liens économiques ou personnels existant entre l’intéressé initial et l’acquéreur final, l’activité du courtier a également influencé ce dernier (consid. 3, deuxième partie).

En l’espèce, le bien a finalement été acheté par une société dont l’intéressé initial détenait 34 % et le concubin de celui-ci quelque 33 %, de sorte qu’il n’est pas arbitraire de retenir que le lien de causalité psychologique n’a pas été rompu et que le salaire du courtier est dû (consid. 5).

Obligation de motivation de l’appel (art. 311 al. 1 CPC) – Rappel des principes (consid. 6.3).

Reprise de la dette du salaire du courtier – Le courtier peut diriger son action en paiement du salaire envers l’intéressée initiale, lorsque celle-ci a accepté de payer la commission en libérant les vendeurs (consid. 7 et 8).

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Contrat de courtage Procédure

TF 4A_253/2022 du 11 janvier 2023

Contrat de courtage et contrat de société; interprétation du contrat; fardeau de la preuve; relation entre droit civil et droit pénal; art. 8 CC; 18, 53 CO; 157 CPC

Interprétation du contrat (art. 18 CO) – Rappel des principes (consid. 4.1).

Par l’établissement de leur volonté réelle, il faut retenir que les parties qui ont collaboré pour une vente auprès d’un acheteur envisagé – vente qui a finalement échoué – ne sont liées ni par un contrat de courtage ni par un contrat de société simple, lorsqu’aucun des échanges déposés ne laisse penser qu’elles seraient convenues de collaborer pour la vente à tout client, respectivement qu’aucun document ne laisse transparaître un animus societatis, par lequel les parties auraient cherché à unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d’atteindre le but commun que serait la vente à n’importe quel acquéreur (consid. 4.2).

La réelle et commune intention des parties prend le pas sur l’interprétation objective de la volonté des parties (consid. 5).

Répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) – Rappel des principes (consid. 6.1.1).

Appréciation des preuves (art. 157 CPC) – Rappel des principes (consid. 6.1.2).

Relation entre droit civil et droit pénal (art. 53 CO) – Rappel des principes (consid. 6.1.3). Le fait que le Ministère public a considéré qu’un contrat existait n’a pas d’impact sur le procès civil (consid. 6.3).

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Contrat de courtage Société simple Procédure

TF 4A_610/2022 du 24 novembre 2022

Contrat de société simple; apport dans la société simple; dénonciation du contrat; droit applicable au contrat; art. 530 ss CO; 117 LDIP

Contrat de société simple (art. 530 ss CO) – Le couple qui, après avoir réalisé qu’il n’était pas en mesure d’acquérir lui-même l’immeuble qui l’intéressait, met à disposition des fonds à un tiers apte à l’acquérir, à condition que ces fonds lui soient restitués et que la jouissance de l’immeuble soit partagée entre le couple et le tiers, conclut avec ce tiers un contrat de société simple. L’économie du contrat se résume ainsi à une mise en commun de certaines ressources et capacités (liquidités d’une part ; capacité à acquérir un bien immobilier d’autre part) dans l’optique d’un but commun (partage de la jouissance du bien immobilier). La mise à disposition de la capacité à acquérir un immeuble peut constituer un apport au sens de l’art. 531 CO. En effet, la notion juridique est relativement large et  appréhende toute prestation susceptible de favoriser la réalisation du but social. En l’absence d’une clause permettant au couple d’exiger de se faire remettre la propriété du bien à première réquisition, une acquisition à titre fiduciaire par le tiers est exclue (consid. 4).

Droit applicable (art. 117 LDIP) – Le droit suisse est applicable à la société simple, nonobstant le domicile étranger du couple partie au contrat. Le but de la société simple était d’acquérir, puis de jouir d’un immeuble en Suisse. L’associé chargé de gérer l’immeuble était domicilié en Suisse. Le centre de gravité de la société simple se trouvait ainsi en Suisse, lieu de situation de l’immeuble et lieu de l’administration effective de la société simple (consid. 3.2 et 5).

Dénonciation du contrat de société simple (art. 546 CO) – Le fait que les instances cantonales ont considéré la demande de remboursement orale du couple comme une dénonciation du contrat de société simple ne prête pas le flanc à la critique, la forme écrite n’étant pas exigée (consid. 6.2).

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Société simple Procédure

TF 5A_420/2022 du 08 décembre 2022

Propriété d'une source; principe de l'accession; critères pour déterminer le caractère privé ou public d'une source; art. 664 al. 2, 667 al. 2 et 704 al. 1 CC

Propriété d’une source (art. 664 al. 2, 667 al. 2 et 704 al. 1 CC) – En vertu du principe de l’accession, les sources sont en principe des éléments constitutifs des immeubles sur lesquels elles apparaissent. La propriété de l’immeuble s’étend donc aussi à la source qui y jaillit (consid. 3.1). Sauf preuve contraire, les eaux publiques ne rentrent pas dans le domaine privé (consid. 3.2) ; il appartient aux cantons de délimiter parmi les eaux celles qui doivent être considérées comme publiques, le droit fédéral ne précisant pas les critères de distinction (consid. 3.2.1). En dérogation au principe de l’accession, les sources des eaux publiques sont considérées comme faisant partie du cours d’eau dont elles sont à l’origine et non comme faisant partie de l’immeuble sur lequel elles se trouvent (consid. 3.2.2). Dans le canton du Valais, tous les cours d’eau sont publics, y compris leur source (consid. 3.2). Est déterminante la question de savoir si la source d’eau, indépendamment de savoir si elle jaillit en plusieurs endroits, constitue dès le départ un cours d’eau (ruisseau). Il s’agit de savoir si, en raison de l’épaisseur et de la continuité de l’écoulement, la source crée ou aurait pu créer un lit avec des rives fixes si elle n’avait pas été captée (consid. 3.3). Dans cet examen, il faut se fonder sur l’état initial de la source et non sur d’éventuelles modifications résultant de l'intervention humaine (consid. 4.3).

En l’espèce, la source jaillit en plusieurs endroits et n’a été captée que de manière rudimentaire. Aucun lit ne s’est jamais formé, y compris avant ledit captage ; au contraire, l’eau s’infiltrait dans le sol. En l’absence de tout lien avec un cours d’eau, la source est privée en application du principe de l’accession et ne saurait être considérée comme publique (consid. 4.1 et 4.4).

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Propriété/Possession Publication prévue

TF 5A_79/2022 du 16 novembre 2022

Propriété par étages; droit de veto concernant des travaux de construction; art. 647d, 712g CC

Travaux de construction dans une PPE (art. 712g en lien avec 647d CC) – Rappel des principes. Les travaux de réfection et de transformation destinés à augmenter la valeur de la chose ou à améliorer son rendement ou son utilité sont décidés à la majorité de tous les copropriétaires représentant en outre, leurs parts réunies, plus de la moitié de la chose. Les modifications ayant pour effet de gêner notablement et durablement, pour un copropriétaire, l’usage ou la jouissance de la chose selon sa destination actuelle ou qui en compromettent le rendement ne peuvent pas être exécutées sans son consentement (art. 647d al. 2 CC). Cette disposition est de nature impérative, de sorte que le copropriétaire ou le propriétaire par étage dispose ainsi d’un droit de veto lui permettant de s’opposer à des charges qui sont excessives par rapport à celles des autres membres de la communauté. Ces charges notables et durables doivent être objectives et ressenties comme telles par un être humain moyen. Il faut en particulier tenir compte des situations dans lesquelles l’usage ou l’utilisation de la chose aux fins prévues jusqu’alors deviennent non rentable, c'est-à-dire que les travaux envisagés détériorent la possibilité de louer un appartement ou de le revendre (consid. 3.1, y compris in fine une casuistique dans la jurisprudence fédérale et cantonale).

En l’espèce, le propriétaire d’étage d’un appartement au rez-de-chaussée était fondé à faire usage de son droit de véto au sens de l’art. 647d al. 2 CC concernant un projet de construction d’une nouvelle entrée de l’immeuble et d’un ascenseur. En effet, la construction de cette entrée impliquait un nouveau passage donnant directement sur la cuisine et la salle à manger de l’appartement du rez-de-chaussée et engendrait ainsi une perte d’intimité, des nuisances sonores supplémentaires, la perte d’une vue dégagée ainsi qu’une perte de lumière naturelle. Il ne fait en outre aucun doute que le propriétaire concerné était nettement plus touché que les propriétaires des autres unités d’étages. Le fait que le projet de construction constitue la seule possibilité architecturale pour l’installation d’une entrée avec ascenseur n’est pas pertinent (consid. 3.2 et 3.5.2).

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PPE

TF 5A_697/2022 du 20 décembre 2022

Servitude; interprétation d'une servitude de passage pour tout véhicule; garantie constitutionnelle de la propriété; art. 738-739 CC; 26 Cst.

Détermination du contenu d’une servitude (art. 738 CC) – Rappel des principes (consid. 4.3.1.1).

En l’occurrence, l’inscription au registre foncier de la servitude se limite à indiquer l’existence d’un « passage pour tout véhicule », sans autres précisions quant à la possibilité d’utiliser à pied le passage. L’acte constitutif de la servitude est également muet à ce sujet. En l’absence de tout élément permettant de retenir que le passage à pied était exclu en l’espèce, il n’apparaît pas arbitraire de considérer, a majore ad minus, qu’un passage pour tout véhicule inclut la possibilité d’un parcours à pied. En passant à pied sur le passage litigieux plutôt qu’en véhicule, il ne fait aucun doute que les bénéficiaires de la servitude exercent celle-ci de la manière la moins dommageable au sens de l’art. 737 al. 2 CC (consid. 4.3.2).

Garantie constitutionnelle de la propriété (art. 26 Cst.) – Les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales, par lesquelles l’individu est protégé contre les atteintes que d’autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels. Les propriétaires du fonds grevé ne peuvent ainsi pas directement se prévaloir, dans une cause relevant des droits réels, de la garantie constitutionnelle de la propriété (consid. 5).

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Servitude Propriété/Possession

TF 6B_375/2022 du 28 novembre 2022

Droit pénal; lésions corporelles graves par négligence; art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP; OPA; aOTConst

Lésions corporelles graves par négligence (art. 11, 12 al. 3 et 125 al. 2 CP) – Cette infraction suppose la réalisation de trois conditions, à savoir une négligence, une atteinte à l’intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments. Rappel théorique concernant ces conditions et leurs principes (consid. 3.1.1).

Règles concernant la prévention des accidents pour les travaux de construction (OPA et aOTConst) – Mention des règles applicables (consid. 3.1.2).

En l’espèce, l’entrepreneur a manqué à son devoir de prudence, déduit des art. 21 OPA, 15 al. 1, 16 et 19 al. 1 aOTConst, en n’installant pas une protection et en ne prenant ainsi pas les mesures nécessaires pour prévenir les chutes (consid. 3.3.4, 3.3.5, 3.4.2).

Interruption de causalité – La Cour cantonale avait toutefois retenu que l’employé accidenté et souffrant désormais de tétraplégie incomplète avait interrompu le lien de causalité adéquate par son comportement, dès lors qu’il n’avait pas chuté de l’ouverture restée sans protection, mais s’était volontairement approché de celle-ci, alors même qu’il n’était pas affairé auprès d’elle, pour s’élancer sur l’échafaudage mobile situé en contrebas (consid. 3.4.1).

Pour le Tribunal fédéral, il convient de se poser la question de savoir si l’installation par l’entrepreneur de protections latérales ou de mesures de protection équivalentes aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité que l’employé emprunte volontairement ce passage et, conséquemment, chute. Les normes en la matière visent en effet à prévenir tant les chutes involontaires que le passage de personnes pouvant chuter, afin de tenir compte du caractère éminemment dangereux de toute activité de construction et de la propension naturelle de toute personne y travaillant de prendre occasionnellement des risques, volontairement ou non, pour autant que ces risques n’apparaissent pas à ce point extraordinaires et inattendus qu’ils justifient l’interruption du lien de causalité adéquate. Par conséquent, le Tribunal fédéral admet la causalité adéquate, puisque la simple présence de protections latérales ou de mesures de protection équivalentes aurait, à tout le moins, eu pour effet de porter l’attention de l’employé sur les risques inhérents à la manœuvre envisagée et l’aurait très vraisemblablement décidé à emprunter la sortie réglementaire. Une interruption de la causalité ne peut être retenue, notamment parce qu’il n’y a rien de surprenant à ce qu’un ouvrier, pour gagner du temps ou pour toute autre raison, prenne des risques pouvant conduire à une chute involontaire. Le comportement d’espèce était d’autant moins inattendu que la voie d’accès prescrite impliquait un détour (consid. 3.4.2).

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