TF 4A_535/2021 du 6 mai 2022
Contrat de vente d'immeuble; dol; garantie en raison des défauts; art. 18 et 197 ss CO
Garantie pour les défauts (rappel des principes) – Aux termes de l’art. 197 CO le vendeur est tenu de garantir l’acheteur tant en raison des qualités promises qu’en raison des défauts qui, matériellement ou juridiquement, enlèvent à la chose soit sa valeur, soit son utilité prévue, ou qui les diminuent dans une notable mesure. Constitue un défaut, l’absence d’une qualité promise par le vendeur ou à laquelle l’acheteur pouvait s’attendre selon les règles de la bonne foi. Cette qualité promise doit encore être décisive pour l’acheteur. Toutefois lorsque d’après le cours normal des choses, l’assurance est de nature à emporter la décision de l’acheteur, la causalité est présumée. Afin de déterminer si une indication de qualité par le vendeur devait être considérée comme une promesse, il convient de procéder à l’interprétation du contrat (consid. 5.1).
Interprétation du contrat (rappel des principes) – Art. 18 CO (consid. 5.1.1 à 5.1.3). En l’espèce, faute de pouvoir déterminer la volonté réelle des parties, il apparaît que l’indication d’une surface de 110 m² par la venderesse devait être considérée comme une qualité promise d’après les règles de la bonne foi (consid. 5.2 et 5.3).
Dol et clause limitative de responsabilité, avis des défauts – Dans le contrat de vente, les parties peuvent convenir de supprimer ou de restreindre la garantie pour les défauts. Cependant, toute clause du contrat de vente qui supprime ou restreint la garantie est nulle si le vendeur a frauduleusement dissimulé à l’acheteur, les défauts de la chose (art. 199 CO). S’il entend conserver son droit à la garantie des défauts, l’acheteur doit respecter certaines incombances tenant à la vérification de la chose livrée et au signalement des défauts. Lorsque des défauts cachés (que l’acheteur ne pouvait découvrir à l’aide des vérifications usuelles) se révèlent plus tard, l’art. 201 al. 3 CO prescrit de les signaler immédiatement, sinon la chose sera tenue pour acceptée, même avec ces défauts (art. 201 al. 2 et 3 CO). La loi institue une fiction d’acceptation qui entraîne la péremption de tous les droits de garantie. Toutefois, lorsque le vendeur a induit l’acheteur en erreur intentionnellement, il ne peut se prévaloir du fait que l’avis des défauts n’aurait pas eu lieu en temps utile (art. 203 CO). Sont visées non seulement les situations où le vendeur a dissuadé l’acheteur de vérifier la chose vendue et de donner l’avis des défauts, mais aussi les hypothèses de tromperies sur les défauts ou les qualités attendues ; la fiction d’acceptation de l’ouvrage est alors inapplicable (consid. 6.1).
En l’espèce, la venderesse savait que son appartement avait en réalité une surface de 92 m², dès lors qu’elle déclarait régulièrement cette surface dans sa déclaration d’impôts. Par conséquent, la clause limitative de responsabilité est nulle et la venderesse ne peut se prévaloir de la tardiveté de l’avis des défauts (consid. 6.2).
Rapport entre les vices du consentement et la garantie pour les défauts – Lorsque l’exécution du contrat de vente est défectueuse, l’acheteur a le choix entre l’invalidation du contrat pour vices du consentement et l’action en garantie des défauts. Lorsqu’il opte pour l’action en garantie des défauts, l’acheteur ratifie implicitement le contrat ; partant, l’action en garantie implique un contrat existant. En l’espèce, en faisant valoir ses droits attachés à la garantie pour les défauts et la différence de surface de l’appartement vendu, l’acquéresse a ratifié implicitement le contrat entaché d’une erreur et fait valoir ses droits attachés à l’exécution imparfaite du contrat, spécifiques au contrat de vente, conformément à la jurisprudence fédérale (consid. 7.1 et 7.2).