ATF 149 III 451, TF 5A_689/2022 du 6 avril 2023
Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs; travaux donnant droit à l’inscription d’une hypothèque légale; art. 837 ss CC
Travaux donnant droit à l’inscription d’une hypothèque légale (art. 837 CC) – Rappel des principes (consid. 5.1 et 5.2.5). Une révision de 2012 a étendu l’hypothèque légale aux travaux de destruction d’un bâtiment ou d’autres ouvrages et au montage d’échafaudages, à la sécurisation d’une excavation ou à d’autres travaux semblables.
Avant cette révision, la jurisprudence a rappelé que l’hypothèque légale reposait sur l’idée que la plus-value d’un bien-fonds résultant de la construction devait garantir les créances des artisans et entrepreneurs qui avaient contribué à l’augmentation de la valeur par leurs prestations. Il en résultait que le travail sur l’immeuble ou sur un ouvrage qui en devenait partie intégrante étaient protégés par l’hypothèque, contrairement aux choses fongibles pour lesquelles il était possible de refuser de livrer et d’utiliser la marchandise autrement (consid. 5.2.1).
En suivant la doctrine majoritaire (cf. consid. 5.2.3), le Tribunal fédéral retient que la révision n’a pas fondamentalement changé l’étendue, respectivement la nature des prestations pouvant donner lieu à une hypothèque légale. La fourniture de matériaux de construction ne bénéficie de l’hypothèque légale que pour autant que ces matériaux aient été fabriqués spécialement pour l’immeuble en cause et spécialement déterminés, ce qui exclut le simple transport de matériaux. Les prestations d’évacuation et d’élimination de déblais ou de gravats de chantier ne donnent en principe pas droit à l’inscription d’une hypothèque légale, à moins de former une unité fonctionnelle avec les travaux effectués par la même entreprise pour la construction d’un ouvrage (consid. 5.2.6).
Unité fonctionnelle entre différentes prestations – Une unité entre différentes prestations est admise lorsque celles-ci sont liées entre elles de telle sorte qu’elles forment un tout. La qualification juridique, le nombre de contrats ou encore le fait que les prestations aient pour objet plusieurs ouvrages ou parties de l’immeuble, ne sont pas à eux seuls des éléments décisifs. Selon la jurisprudence, forment notamment un tout des commandes successives de béton frais pour un même chantier ou des travaux de terrassement devant être effectués en même temps que la réalisation d’une paroi moulée. L’existence d’une unité doit en revanche être niée lorsqu’un entrepreneur se voit attribuer, après coup, d’autres travaux de nature différente (consid. 6.2.2).
En l’espèce, le Tribunal fédéral nie l’unité fonctionnelle entre un travail de creuse et de remblayage convenu en cours de chantier et le travail de transport de matériaux et déblais. De même, les travaux effectués sur la rampe d’accès, lesquels portaient sur une partie précise de l’immeuble, ayant donné lieu à une convention séparée prévoyant un tarif particulier, ne formaient pas, matériellement et économiquement, une unité avec les activités de transport de matériaux et de déblais que l’entrepreneur a réalisées pendant toute la durée du chantier (consid. 6.2.3).